Une Commission presque paritaire
La nouvelle présidente de la Commission européenne avait fait de la parité un critère central dans la formation du nouvel exécutif européen. Elle espérait ainsi que chaque Etat membre proposerait deux candidats : une femme, et un homme. Mais les gouvernements n’ont pas changé leurs habitudes, puisque seuls le Portugal et la Roumanie se sont tenus à cette règle tacite.
Mais au bout du compte, la parité est presque atteinte. On dénombre pour l’instant 12 femmes et 14 hommes. Si les candidats italien et roumain sont des femmes, la parité sera donc effective. La Commission Juncker ne comptait quant à elle que 9 femmes seulement sur les 28 postes de commissaires. Nous étions donc loin d’atteindre la parité...
L’équilibre est aussi politique. Le Parti populaire européen et le Parti socialiste européen compte chacun 9 commissaires issus de leurs rangs. Les centristes de Renew Europe seront quant à eux représentés par 5 commissaires, dont la française Sylvie Goulard. Et ce n’est pas tout : les Verts feront leur entrée dans l’exécutif européen avec le candidat lituanien, Virginijus Sinkevicius, actuel ministre de l’Economie et membre de l’Union populaire agraire lituanienne. Ursula von der Leyen devra également composer avec un représentant des Conservateurs et Réformistes Européens issus du parti polonais Droit et Justice (PiS).
La composition politique du Parlement européen suite au scrutin de mai dernier se retrouve donc en partie reflété dans la nouvelle Commission européenne.
Si certains commissaires n’en sont pas à leur premier mandat, d’autres sont plus novices mais rarement inconnus des institutions européennes. Dans l’équipe von der Leyen, on compte seulement 8 commissaires sortants, dont Margrethe Vestager et Frans Timmermans qui devraient être nommés vice-présidents de la Commission, comme prévu par l’accord du Conseil européen du 2 juillet 2019.
L’enjeu des portefeuilles
Une fois la liste des commissaires établie, Ursula von der Leyen doit procéder à l’attribution des portefeuilles. Souvent, cela est négocié directement avec les gouvernements nationaux qui émettent leurs préférences. Sans surprise, les postes stratégiques commes les Affaires économiques, l’Union de l’Énergie, le Numérique, l’Environnement ou bien encore le Commerce et la Concurrence, sont extrêmement convoités. Selon un article des Echos, la danoise Margrethe Vestager pourrait hériter du portefeuille digital, tandis que le socialiste Frans Timmermans se verrait confié les dossiers environnementaux.
Côté français, Emmanuel Macron a nommé l’ancienne ministre des Armées et députée européenne Sylvie Goulard. Et les spéculations n’ont pas tardé, de Bruxelles à Paris, pour déterminer quel portefeuille sera confié à la nouvelle commissaire française. Dans la presse, nombreux journalistes imaginent Sylvie Goulard avec des dossiers économiques majeurs, fidèlement à son parcours. Mais l’on pourrait également imaginer la création d’un nouveau portefeuille à son image : la Défense européenne, puisque déjà Jean-Claude Juncker avait décidé de mettre le paquet sur ce sujet en créant le Fonds Européen de Défense.
Vendredi 30 août, la Secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, Amélie de Montchalin, a annoncé que le gouvernement français souhaitait obtenir le portefeuille du Marché intérieur. Entre 2010 et 2014, le commissaire français Michel Barnier était en charge des affaires du Marché intérieur.
Le portefeuille de l’Agriculture devrait être confié au commissaire polonais, tel que souhaité par Ursula von der Leyen. Face à ce choix, le gouvernement polonais a été contraint de nommer un nouveau candidat, le premier préférant renoncer au portefeuille en question.
Le programme de la Commission von der Leyen
Les priorités de la Commission 2019/2024 se dessinent, avec un premier document présenté par Ursula von der Leyen au Parlement européen, en juillet dernier. Cet agenda s’articule autour de plusieurs thématiques dont voici quelques exemples (non exhaustifs).
Plus de transparence autour des négociations commerciales
Ursula von der Leyen s’est engagée à ce que le Parlement européen soit davantage tenu au courant et impliqué dans le suivi des négociations commerciales, menées par la Commission. Elle met en avant le modèle de négociations sur l’accord de Brexit et la méthode de travail de Michel Barnier.
En finir avec la règle de l’unanimité
Au Conseil européen, lorsqu’il est question de dossiers climatiques et fiscaux, mais aussi sociaux, un Etat membre peut bloquer un texte à lui seul. L’unanimité est requise pour ces domaines. Mais si le Parlement européen critique régulièrement cette règle, pour la changer, il faudra modifier les traités.
L’initiative législative au Parlement européen
Ursula von der Leyen s’est également engagée à répondre au Parlement européen lorsque celui-ci, à la majorité de ses membres, adoptera une résolution demandant à la Commission de formuler des propositions législatives. En bref, le Parlement européen pourrait obtenir un droit d’initiative législative (indirect).
Un salaire minimum européen
Parmi les premiers actes de la Commission von der Leyen devrait figurer la mise en place un salaire minimum à l’échelle de l’Union européenne. Cet instrument devrait être construit selon les “traditions nationales”. Une proposition qui reste encore floue...
Un Pacte vert pour l’Europe
La protection de l’environnement ne sera pas en reste puisqu’à compter du 1er novembre, l’exécutif européen aura 100 jours pour proposer un pacte vert pour l’Europe. C’est l’intention affichée par Ursula von der Leyen qui fait de la neutralité carbone un objectif pour 2050. Ces engagements climatiques devraient aussi se traduire par la mise en place d’une taxe carbone aux frontières et la transformation d’une partie de la Banque européenne d’investissement en Banque européenne du climat.
Taxe GAFA : si l’OCDE échoue, l’UE y retourne ?
“S’il n’y a toujours pas de solution en faveur d’un impôt numérique équitable à l’échelle mondiale d’ici à la fin 2020, il conviendra que l’UE agisse seule” a prévenu Ursula von der Leyen. Mais sa volonté pourrait peiner à se traduire en action concrète, lorsque l’on sait que les 28 pays n’ont pas su s’entendre sur une position commune à défendre sur la scène internationale.
Le bal des auditions
Si l’on parle déjà de “commissaires” pour désigner les 26 personnalités nommées par leur gouvernement, il ne faut pas pour autant oublier qu’ils sont pour l’instant candidats, au poste de commissaire européen. Avant leur entrée en fonction, chacune et chacun sera auditionné par le Parlement européen. Cette série d’auditions aura lieu en septembre.
Les candidats se présenteront devant les commissions spécialisées du Parlement européen, selon le portefeuille qui leur aura été attribué : Affaires économiques, Agriculture, Énergie, Transports, etc. Les députés européens pourront ainsi adresser leurs questions et évaluer les capacités du candidat à prendre ses fonctions. Si les députés européens n’ont pas le pouvoir de s’opposer à une candidature, ils ont déjà par le passé su contraindre une candidate à renoncer au poste.
Si le Parlement européen valide la composition de la Commission européenne, en bloc, celle-ci prendra ses fonctions à compter du 1er novembre 2019. Si ce processus semble linéaire, des rebondissements pourraient avoir lieu. Le Taurillon ne manquera pas de vous faire vivre les temps forts de cette rentrée européenne !
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