La zone euro : une Europe à plusieurs vitesses
L’Euro est la monnaie unique de l’Union européenne. Les traités fondamentaux le dispose. Entré en circulation il y a tout juste 21 ans, l’euro représente un aboutissement de convergences monétaires, financières, budgétaires et économiques exigeantes, les États nécessitent donc du temps et des réformes avant de l’adopter.
Après 2002, sept nouveaux États ont rejoint la zone euro, la Slovénie en 2007, Chypre et Malte en 2008, la Slovaquie en 2009, l’Estonie en 2011, la Lettonie en 2014 et la Lituanie en 2015. La Croatie deviendra le 20ème membre de cette joyeuse confrérie le 1er janvier 2023. Même si 34 États indépendants ont recours au dollar, ils sont loin de former une union monétaire. À noter toutefois qu’Andorre, Monaco, le Vatican et Saint-Marin payent en euro avec des pièces avec une face nationale propre, quand le Monténégro et le Kosovo utilisent cette monnaie de facto.
Légalement, les États ont l’obligation d’adopter la monnaie unique, ils ont souscrit à cette obligation en adhérant à l’Union, hormis le Danemark qui a obtenu une dérogation. Il reste donc 6 pays que l’on pourrait regrouper en deux catégories. Les réfractaires (Suède, Pologne, Hongrie, Tchéquie) : malgré une économie bonne ou saine, les dirigeants politiques, soutenus par une opinion publique parfois frileuse, refusent l’intégration supplémentaire que représenterait l’euro. Les volontaires (Bulgarie et Roumanie) : malgré une économie fragile et des risques pour les deux parties, les dirigeants, relativement soutenus par leurs électeurs, militent depuis des années à Bruxelles pour rejoindre le club. Ainsi, en Bulgarie, la très grande majorité des forces politiques accorde une place importante pour l’euro dans leur programme, seule la droite russophile radicale s’y oppose.
La crise de 2008 et les conséquences dramatiques sur le continent européen notamment au sud, en Grèce, ont fait craindre une désintégration de la zone euro. Les exigences de stabilité et de capacité des États candidats ont donc considérablement augmenté, sans parler des enjeux politiques. L’exemple du blocage austro-néerlandais quant à l’intégration de la Bulgarie et de la Roumanie à l’Espace Schengen (au profit de la Croatie) démontre d’une part que les “frugaux” ont encore frappé, d’autre part que les craintes se montrent encore au grand jour.
La Bulgarie à deux doigts de la qualification à l’euro
Cinq critères dits de convergence sont appliqués à chaque pays membre de l’UE avant d’adopter l’euro. Ils sont utilisés pour vérifier la stabilité de la monnaie, sa capacité à être remplacée ou encore la compatibilité du système national budgétaire et législatif. Ces critères économiques et financiers veillent à éviter de faire entrer une économie trop fragile pour participer à l’établissement d’une politique monétaire commune, ils doivent rassurer les populations utilisant déjà l’euro et celles qui vont changer de monnaie.
Comparé à la moyenne de la zone euro, le critère de stabilité des prix exige un taux d’inflation inférieur à 5%, le critère des finances publiques saines et viables demande un déficit à moins de 3% du PIB et une dette à moins de 60%, le critère de convergence des taux commande des taux d’intérêt à long terme inférieur à 2,9% et le critère de la stabilité du taux de change implique la participation au Mécanisme de change européen II.
Dans son rapport sur la convergence qui opère le contrôle des politiques monétaires des États membres, la Banque centrale européenne (BCE) valide l’ensemble de ces cinq critères pour la Bulgarie. Le non-respect des critères liés à l’inflation et au déficit s’expliquent par une conjoncture particulièrement difficile (guerre en Ukraine, crise des prix de l’énergie) et la BCE estime qu’ils ne poseront pas de problème à moyen et long terme.
Une adhésion freinée par un environnement institutionnel politisé
En revanche, la BCE pointe les lacunes législatives et institutionnelles dans l’interdiction du financement monétaire (le recours à la “planche à billets” pour renflouer l’économie), l’indépendance de la Banque centrale et l’intégration juridique de l’eurosystème. L’institution bancaire en appelle ainsi à des réformes sur la résilience structurelle (la capacité des institutions à faire face à des crises), l’environnement des entreprises, la stabilité financière ainsi que la qualité institutionnelle. Autant de gros chantiers qui se dressent encore entre Lev et Euro.
Si la date d’adoption est encore loin d’être certaine, le dessin des pièces est déjà fixé. Les Bulgares ont ainsi écarté une représentation de l’alphabet cyrillique, le dessin du monastère de Rila au sud-ouest du pays et de la forteresse de Tsarevets au centre pour choisir un autre monument, le Cavalier de Madara : sculpture taillée dans la roche à l’est du pays représentant un cavalier suivi de son chien, embrochant un lion. Datant de 710, il est un souvenir des anciens Bulgares et arbore déjà certains centimes de levs, la monnaie actuelle.
Seul pays de l’UE à utiliser l’alphabet cyrillique, les États membres avaient tranché en faveur de la langue bulgare, contre l’avis des institutions communes, pour faire figurer la mention EBPO sur les billets en euro, au moment du Traité de Lisbonne de 2007.
La route est donc encore longue avant l’adoption de l’euro par les autorités de Sofia. Si les critères de convergence sont remplis, des réformes législatives doivent encore renforcer la résilience et la transparence du système bulgare ce qui dans un contexte de grave instabilité politique, promet encore des mois d’attente.
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