Le Taurillon : L’Association des Journalistes Européens remet le prix Louise Weiss à trois lauréats. Que récompense-t-il ?
Véronique Auger : L’objectif est de promouvoir les journaliste qui parlent d’Europe. En France, c’est le parent-pauvre du journalisme. Nous voulons valoriser des reportages originaux et un décryptage de l’actualité européenne. Beaucoup de postulants ont écrit des articles très bien faits sur le traité de Lisbonne. Nous avons dû les mettre de côté car il s’agissait d’une actualité incontournable, et donc pas d’un travail de pionnier.
Le Taurillon : Qui sont les lauréats et pourquoi reçoivent-ils ce prix ?
Véronique Auger : Les lauréats ont bien mis le doigt sur l’actualité européenne de cette année avec l’immigration et l’énergie. Il ont su être très originaux par rapport à ce qu’on a pu lire par ailleurs.
Mathilde Auvillain (Deutsche Welle) a été récompensée pour son reportage audio sur l’Orchestra di Piazza Vittorio. On entend souvant qu’en Italie, il y a du racisme. Elle nous a proposé un reportage qui montre au travers de la culture qu’il y a un mariage possible entre l’Italie, l’Europe et l’Afrique.
Véronique Leblanc a été désignée co-lauréate ppur son article "Strasbourg, une porte vers l’ouest" (paru dans La Libre Belgique). Ce reportage raconte le quotidien des demandeurs d’asile tchétchènes à Strasbourg. Elle fait découvrir des choses que même ceux qui ont suivi ce sujet cette année n’ont pas forcément vues.
Enfin, dans la catégorie espoirs : c’est Sébastien Daycard Heid avec son article « L’Angleterre retourne au charbon » (paru dans Le Figaro Magazine). Il avait fait deux très originaux. A l’intérieur de celui-ci, il a su bien mettre en exergue les problématiques de la pénurie énergétique, de l’effet de serre, de l’emploi…
Le Taurillon : Un ancien lauréat - Jean Quatremer - est devenu président de l’AJE... Les bons journalistes sur l’Europe existent, mais la place réservée au sujet est souvent des plus réduites dans les médias. Pourquoi ?
Véronique Auger : C’est quand même un peu en train de changer. Quand on regarde la pagination de la presse écrite, il y a de plus en plus d’articles sur les pays européens, avec des comparatifs ou de l’institutionnel. De même à la télévision. Mais il est vrai qu’il n’y en a pas encore à la hauteur de ce que représente théoriquement l’Europe dans la vie des gens.
Je comparerais ça à la situation de la presse économique d’il y a 20 ans. On n’avait pas d’information économique à la télévision ou dans la presse écrite. Parce que les Français ne sont pas suffisamment éduqués sur l’économie ou sur l’Europe. Ils ne sont donc pas capables de saisir de façon facile les informations diffusées sur ces sujets. Aujourd’hui, tout le monde sait ce qu’est un taux de croissance ou l’indice des prix. Tout le monde en parle. Il y a vingt ans personne ne le savait. Et aujourd’hui encore, on raconte parfois n’importe quoi sur l’économie. C’est pareil pour l’Europe.
L’Europe n’est pas encore assez dans les programmes scolaires, donc il leur manque les mots. Les gens ne savent pas par exemple ce qu’est une directive ou la différence entre le Conseil, la Commission et le Parlement. Pourtant ils sont avides de ça. Quand on a fait des débats sur le référendum de 2005 ou l’entrée des pays de l’Est en 2004 dans l’Union européenne, les émissions ont beaucoup été regardées et les forums de discussion avaient des débats très forts.
Enfin, il y a la part des dirigeants des médias. Ils savent peu comment ça se passe ailleurs. Donc ils ne voient pas l’utilité et transposent leur incompréhension sur ce que ressent le citoyen. Je ne suis pas d’accord avec cette analyse.
Le Taurillon : Ne manque-t-il pas un véritable espace public européen ?
Véronique Auger : C’est un peu une tarte à la crème. Il existe un espace public aux Etats-Unis : quand un Texan boit du café d’une grande marque, c’est le même goût que celui du New-Yorkais. En Europe, il y a 27 goûts différents pour le même produit. On a des éléments en commun mais on ne se ressemble pas.
Le traitement des sujets à la télé est aussi différent suivants les pays. Il y a des sujets communs, mais pas encore tous semblables. On a des ressentis différents même sur des sujets où nous avons une communauté d’analyse, comme lors de l’affaire des caricatures de Mahomet. Autre exemple, en France, on n’imaginerait pas avoir un roi car il est le symbole de la tyrannie. Mais l’Angleterre et l’Espagne sont pourtant des démocraties. Il y a donc des traditions totalement différentes. Pourtant, nous avons une histoire en commun, même si nous nous y affrontions beaucoup. On a les mêmes valeurs mais pas forcément la même manière de les exprimer.
Notre espace public européen est à créer. Les élections européennes sont très importantes car nous allons voter au même moment sur les mêmes questions.
1. Le 4 mars 2009 à 18:13, par Emmanuel En réponse à : Prix Louise Weiss 2009 : et si on honorait Daniel Riot ?
Daniel Riot est mort. Ses obsèques ont eu lieu aujourd’hui à Strasbourg. Son cercueil était recouvert de la bannière européenne et il est parti sur l’Ode à la Joie : http://www.relatio-europe.eu/ Europeus JE Strasbourg Jean Quatremer France3 Il avait été Directeur de la rédaction européenne de France 3 (Europeos, c’était lui), journaliste aux grandes heures des Dernières Nouvelles d’Alsace. Je pense que s’il doit y avoir un prix du journalisme européen, il devrait s’appeler le Prix Daniel Riot.
2. Le 5 mars 2009 à 14:27, par Fabien En réponse à : Prix Louise Weiss 2009 : et si on honorait Daniel Riot ?
Oui, c’est très triste. J’en ai parlé sur mon blog. Jean Quatremer lui a rendu hommage hier lors de la cérémonie.
Nous avions relayé sur le Taurillon notamment sa proposition de plate-forme au moment des Municipales.
3. Le 6 mars 2009 à 12:10, par Fabrice Pozzoli-Montenay En réponse à : Prix Louise Weiss 2009 : et si on honorait Daniel Riot ?
Nous sommes tous très touchés pas sa disparition, et cette édition du prix Louise Weiss a été dédiée à Daniel Riot. Jean Quatremer lui a rendu hommage lors de son allocution.
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