Y-FED 2 : Comment une Europe fédérale peut-elle construire une politique climatique et environnementale ?

, par Théo Boucart

Y-FED 2 : Comment une Europe fédérale peut-elle construire une politique climatique et environnementale ?
Pendant la simulation du Y-FED, ici dans l’hémicycle de la région Grand Est, situé à l’hôtel de région dans le quartier de Wacken, à Strasbourg. Crédit : Antoine Chabal, Les Jeunes Européens - France.

Du 14 au 19 juin a eu lieu à Strasbourg la deuxième édition du Y-FED, une grande simulation d’Europe fédérale organisée par les Young European Federalists, Les Jeunes Européens – France et Les Jeunes Européens – Strasbourg. Le sujet de cet année était la politique environnementale et le « nouveau pacte vert ». Les participants ont négocié des textes renforçant le rôle de la « Fédération européenne » dans la transition énergétique durable et ont même dû faire face à une situation de crise particulièrement grave…

Il est des projets dont l’ampleur et l’ambition impliquent de longs mois de travail et l’investissement acharné d’une association. La deuxième édition du Y-FED en fait clairement partie. Porté par Les Jeunes Européens – Strasbourg, Les Jeunes Européens – France et les Young European Federalists (JEF Europe), ce projet financé par Erasmus + est la suite d’une première édition du Y-FED organisée en juin 2019 à Strasbourg et dans la ville allemande d’Ortenberg.

Les origines du Y-FED sont pourtant bien plus anciennes : la Convention européenne de la jeunesse en 2017 est en effet le texte sur lequel s’appuie la simulation d’Europe fédérale. Fruit d’un événement éponyme organisé en mars 2017 au Parlement européen de Strasbourg par Les Jeunes Européens – France, cette « Constitution citoyenne » est le résultat d’une consultation de 150 jeunes de toute l’Europe, mus par une volonté commune de changer l’Europe. « L’UE ne s’est pas dotée d’instruments suffisants pour faire face aux crises qu’elle a dû et doit toujours surmonter. Par conséquent, elle est en passe de perdre tout soutien populaire sur le continent. Avec la Convention, les jeunes prouvent qu’une meilleure Europe est possible et qu’une Constitution citoyenne est la clé pour y parvenir », avait alors déclaré le président de l’association, Jérôme Quéré.

C’est donc muni du petit texte en anglais de la Convention de mars 2017 que les participants ont endossé le rôle d’un sénateur ou d’un représentant de la House of the European Citizens. Ils y représentent à la fois un État membre (peut-être serait-on tenté de dire « État fédéré » pour filer la métaphore fédéraliste) et un groupe politique européen bien réel, afin de discuter sur des propositions de loi avancées par le « Gouvernement européen ». C’est en effet ce qui fait la force du Y-FED : un mélange de prospective politique – la fédération européenne n’existe pas (encore) – et d’éléments bien réels, comme les partis politiques, les commissions parlementaires et les institutions comme la Cour de Justice. Ce savant mélange permet de se raccrocher à une réalité connue, tout en se projetant vers un avenir fédéral, plus ou moins lointain.

Andreea Camen et Clément Maury, respectivement présidente et vice-président des Jeunes Européens - Strasbourg ont mené la préparation du projet pendant de longs mois. Crédit : Sean Ellul, Young European Federalists.

La fédération européenne à l’heure verte

Cette année, l’impératif d’une fédération européenne s’est allié à l’urgence climatique : les textes proposés à la négociation des trois premiers jours relevaient des commissions de l’environnement, de l’agriculture et de l’industrie. Ils ont largement repris le contenu de la stratégie du Pacte vert pour l’Europe présentée par la Commission européenne en décembre 2019. Cet ancrage dans la réalité permet de réfléchir de manière très concrète sur la manière avec laquelle une Europe fédérale peut négocier et conclure des accords sur un texte d’une importance fondamentale pour l’avenir du continent. Prospection est donc le maître mot du Y-FED, dans sa forme comme dans son fond.

Il n’a pourtant pas été aisé de négocier entre les deux chambres, aucune ne disposant d’un ascendant juridique sur l’autre, à l’instar de ce qu’il se passe en Italie. Une intervention de la Cour de justice, représentée cette semaine par le vice-président des Jeunes Européens - France, Antoine Chabal et Pauline Faucher, a donc été nécessaire pour désigner la House of the European Citizens comme institution ayant le dernier mot, ce qui n’a pas été du goût des Sénateurs.

Les négociations ont failli achopper sur bien d’autres aspects, comme sur la place de l’énergie nucléaire dans le bouquet énergétique européen et la conditionnalité du respect de l’État de droit dans le versement des fonds pour aider à la transition énergétique. Là encore, la réalité a fortement influencé la fiction, dans la mesure où ces débats existent sur la scène européenne. Le couple franco-allemand se divise sur la question de l’atome tandis que le clivage Est/Ouest refait surface sur la question des valeurs démocratiques. On peut pourtant se demander si dans une Europe fédérale avec des États membres fédérés, ces questions seraient encore pertinentes. Le gouvernement européen aurait une marge de manœuvre bien plus importante qu’à l’heure actuelle pour impulser un bouquet énergétique cohérent au niveau de la Fédération, ainsi que pour faire respecter les valeurs démocratiques dans les États fédérés. En somme, et c’est peut-être là que l’équilibre réalité-prospection atteint quelques limites, même les participants de ce Y-FED avaient encore des difficultés à se projeter dans une perspective réellement fédérale.

Crise nucléaire, puis politique

Pas le temps de se perdre dans des négociations un brin amphigouriques pour autant. L’un des principaux aspects du Y-FED a été de simuler une situation de crise le dernier jour. Cette année, nous avons choisi un incident nucléaire. Ici, la centrale de Beznau, en Argovie suisse et située à quelques kilomètres de la frontière fédérale, a connu un grave incident faisant craindre une explosion imminente, sur fond de menace de cyberattaques russe. Le scénario a été peaufiné pendant plusieurs jours pour se rapprocher le plus possible de la réalité.

Les Sénateurs et les Représentants, en étroite collaboration avec le porte-parole du gouvernement européen (représenté par Théo Lecarpentier, Project Officer des Young European Federalists), ont donc dû prendre des mesures d’urgence, telles que l’évacuation des populations dans un rayon de 80 kilomètres, et travailler sur de nouveaux textes législatifs adaptés à la situation. La journée de crise ne s’est pourtant pas vraiment déroulée comme prévu. Mécontents de la mauvaise gestion de la crise par l’exécutif fédéral, les Lawmakers ont tout simplement décidé de voter une motion de défiance à l’encontre du gouvernement. A la crise nucléaire finalement jugulée s’est ajoutée une crise politique en guise d’épilogue de la semaine.

Une équipe médiatique au plus près des débats

Malgré une réussite indéniable, le Y-FED aurait peut-être été un peu moins croustillant sans le travail des journalistes, présents en ligne et sur place. Grâce à la bonne volonté de nombreux Sénateurs et Représentants, ceux-ci ont pu poser de nombreuses questions et mettre les Parlementaires face à certaines contradictions, tout comme dans la vie réelle.

Les articles rédigés étaient donc publiés le lendemain sous forme de Breakfast Roundup distribués lors du petit-déjeuner après avoir été publiés en ligne sur la plateforme Attendify, véritable lien entre la simulation à Strasbourg et les participants en ligne. Durant la simulation de crise, l’animation média s’est transformée en véritable agence de presse européenne (European Federal Press Agency) pour publier des dépêches… et parfois quelques fausses informations afin d’orienter les discussions prises en tenailles par l’urgence et l’incertitude.

Théo Boucart, vice-président des Jeunes Européens - Strasbourg et responsable de la stratégie médiatique du Y-FED, tient le Breakfast Roundup du mardi 15 juin. Crédit : Matthieu Beaudry, Les Jeunes Européens - France.

Le Y-FED est un exercice grandeur nature de simulation d’Europe fédérale où le mélange entre prospective politique et réalité permet une appropriation rapide du concept par les participants, par ailleurs ravis de faire l’expérience d’une Europe concrète dans la capitale européenne qu’est Strasbourg. Ce type d’initiative est d’autant plus souhaitable qu’elle s’est déroulée durant la Conférence sur l’Avenir de l’Europe et constitue une base concrète de réflexions au milieu de débats et de prises de position parfois un peu trop théoriques.

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