Le massacre de Srebrenica, également connu sous le nom de génocide bosniaque, s’est tenu malgré une lourde force de l’OTAN et une campagne de bombardements aériens répétés, qui a engendré la mort et le déplacement de nombreux civils. Les dirigeants de l’époque ont non seulement échoué à prendre au sérieux les signes avant-coureurs et à prévenir le début des atrocités, mais également à agir de façon considérée lorsque les violences se sont poursuivies. Les dirigeants actuels ont-ils tiré les leçons des erreurs de leurs prédécesseurs ? La communauté internationale est-elle mieux préparée à faire face à des menaces du même type ?
A en juger la pratique des vingt dernières années, cela semble peu vraisemblable
Le premier échec de la communauté internationale durant le massacre de Srebrenica fut son incapacité à reconnaître les signes précurseurs de la préparation d’un génocide, et à agir en conséquence. Le concept de génocide n’est pourtant pas nouveau, puisqu’il existe depuis 1944, date à laquelle Raphael Lemkin a utilisé ce terme pour la première fois afin de qualifier l’Holocauste, auparavant décrit comme un « crime sans nom ». Le génocide a ensuite été proscrit par le droit international grâce à la résolution 96 adoptée en 1946 par l’Assemblée générale des Nations Unies et intitulée « Le crime de génocide ». Depuis, en vertu du droit international, la communauté internationale devrait réagir lorsqu’un crime répond à la définition de génocide – mais il vaut toujours mieux prévenir que guérir.
Pourquoi aura-t-il été nécessaire que tant d’individus périssent avant que le massacre n’attire l’attention internationale ? Durant les développements qui menèrent au génocide, il était devenu clair que la société bosnienne se polarisait toujours davantage, notamment à la faveur de la propagande et d’une subordination systématique des groupes estampillés « ethniques ». Ce phénomène a été largement ignoré par les dirigeants mondiaux, dont la réaction tardive a représenté un échec majeur de la communauté internationale. Avons-nous pour autant tiré les leçons de cet échec ?
En bref, non
Les efforts accomplis depuis lors ont été insuffisants. La République démocratique du Congo, par exemple, est désormais empêtrée dans le conflit le plus sanglant qu’elle ait connu depuis la Seconde Guerre mondiale, en raison de l’échec international à identifier l’importance croissante des politiques ethniques qui ont proliféré dans le pays avant l’escalade de la violence. Les massacres récurrents au Darfour tirent leurs sources de conflits ethniques et religieux de basse intensité ayant ensuite dégénéré en un véritable génocide, et ce en raison du laissez-faire de puissances mondiales dans les premières phases du génocide. Aucune leçon incitant la communauté internationale à être plus réactive n’a donc été retenue.
En dépit de la croissance significative du nombre de think tanks, de groupes de pression et d’institutions humanitaires depuis le massacre de Srebrenica, ces organisations demeurent trop faibles pour remplacer les interventions gouvernementales. Par conséquent, les gouvernements mondiaux demeurent, dans la pratique, réticents à reconnaître les signes précoces de génocides et de massacres.
Le second échec de la communauté internationale à Srebrenica est le manque de considération accordée aux vies des civils – un phénomène qui, malheureusement, perdure encore aujourd’hui.
Comme pour tout type d’intervention - militaire, sociale, industrielle, etc. -, la réaction de l’OTAN aurait dû être conduite avec une extrême prudence. Bien que des efforts aient été consentis pour protéger les vies des citoyens bosniens, le principal objectif de l’OTAN - comme pour toute puissance menant une intervention - était de protéger ses propres intérêts et en particulier de réaffirmer sa domination après le récent effondrement du bloc soviétique.
La campagne de bombardements aériens à haute altitude découlant de cet agenda a fait perdre à de nombreux non-combattants innocents leur logement ou la vie. Etant donné que l’OTAN (et tout particulièrement les Etats-Unis) souhaitait limiter le nombre de pertes en effectuant les bombardements à haute altitude, ceux-ci ont été moins précis et ont causé des dommages allant bien au-delà des cibles préalablement définies.
Les enseignements ont-ils été réellement tirés ? En bref, pas vraiment.
L’Irak en témoigne : les forces d’intervention internationales ont toujours aussi peu de respect pour les vies des civils. La diffusion par Wikileaks en 2010 de la vidéo d’un « meurtre collatéral », dans laquelle au moins dix-huit civils (dont deux journalistes), ont été tués, a amené le problème à l’attention des médias internationaux ; pourtant, le phénomène continue.
Les bombardements étrangers, opérés dans des pays déchirés par la guerre, continuent à détruire les vies de non-combattants. C’est une preuve supplémentaire que peu de leçons ont été retenues, et que très peu de choses ont changé, depuis le massacre de Srebrenica.
La réticence des puissances internationales à tirer les leçons des erreurs du passé n’est pas pour autant propre au génocide de Srebrenica. Cependant, une pression croissante des organisations non-gouvernementales et des médias au cours des vingt dernières années a amené la question de l’intervention au-devant de l’agenda international.
En pratique, peu de choses ont changé, ce qui n’est pas surprenant compte tenu de la centralité des intérêts nationaux en relations internationales. Cependant, l’espoir demeure que des pressions extra-gouvernementales susciteront un jour le changement. Le comportement et la sensibilité de l’opinion publique face aux génocides ont indubitablement évolué au cours des vingt années ayant suivi les atrocités en Bosnie. Avec des efforts soutenus et continus, les gouvernements pourraient peut-être se décider à passer à l’action.
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