Grâce à l’accord trouvé, l’Union va bénéficier d’un budget record pour pouvoir faire face à la COVID-19 et soutenir les États membres les plus en difficultés. Ainsi, le cadre financier pluriannuel et le plan de relance vont permettre à l’Union de bénéficier d’un budget total de 1 824 milliard d’euros sur la période 2021-2027 et instaure une redistribution des pays les plus riches vers ceux qui sont le plus affectés par la crise sanitaire et ses conséquences sociales et économiques. C’est donc un moment historique pour l’Union Européenne, qui acte la mise en place d’un outil de redistribution directe sur la base de la solidarité entre les États membres ; le plan de relance français sera ainsi financé financé à hauteur d’un tiers par l’Union européenne.
51 ans après la célèbre phrase de Neil Armstrong, qui atteignait un nouveau monde, c’est un petit pas pour le fédéralisme et un bond en avant pour l’Europe qui a aujourd’hui été franchi. Sursaut fédéral symbolique, l’Union Européenne s’apprête à émettre une dette commune de 750 milliards afin de financer le plan de relance, dont une majorité sera remboursée par l’Union et non par les États. Grâce à ce mode de financement en commun, permis par un très faible endettement, l’Union Européenne commence à établir le principe de financement européen des mesures de politique publique européenne, à l’instar des autres grandes puissances mondiales qui investissent massivement dans leur avenir.
Nous devons néanmoins finir de renverser la table intergouvernementale au profit de la démocratie européenne. Cette première étape doit permettre à l’Union de mettre progressivement fin à sa dépendance vis-à-vis des contributions nationales, qui cristallisent les tensions entre États membres, à travers un budget autonome financé par des ressources propres à l’échelle européenne. Il s’agit d’investir en commun, sous la supervision du Parlement européen, élu par tous les Européens, par exemple pour la défense, les universités, la recherche, le système de santé, la transition écologique des Européens tout en permettant aux États membres de mieux se consacrer aux politiques publiques de proximité pour leurs concitoyens.
Ce Conseil européen a aussi confirmé la nécessité de réformer le mode de décision européen et ses institutions. La longueur, les compromis qui ne satisfont personne, et la difficulté dans lesquelles se sont déroulées les négociations démontrent l’obsolescence de notre système institutionnel, et notamment la nécessité d’en finir avec la règle de l’unanimité.
Si l’Union se dote d’un outil de politique économique puissant, elle délègue aux États la gestion de cet outil et instaure donc des mécanismes de contrôles liés au semestre européen et présentés au Conseil. On crée ainsi le ferment de nouvelles dissensions sur la gestion de la politique économique de chaque État plutôt que d’utiliser les ressources nouvelles en commun et d’en rendre compte au Parlement et au Conseil, comme dans toute démocratie parlementaire.
Il n’est plus possible de suspendre l’action de l’Union européenne à la règle de l’unanimité, instaurant un droit de veto bloquant la prise de décision. L’Union doit changer de logiciel et se réformer pour aboutir à l’instauration d’une véritable démocratie fédérale européenne. Si la voie est désormais ouverte, cela suppose peut-être que certains pays s’engagent sur une coopération renforcée en matière de fiscalité, afin de créer un véritable noyau fédéral au sein de l’Union européenne, qui lui permettra de reprendre en main son destin.
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