Trois ans de tractation
En septembre 2020, la Commission européenne propose un nouveau pacte sur les migrations et l’asile au Parlement européen et au Conseil de l’Union européenne. Déjà en 2016 la commission Juncker avait tenté de réformer la politique migratoire de l’UE à la suite de l’afflux massif de migrants. Le règlement Dublin IV n’a jamais vu le jour, en raison d’un accord avec la Turquie, laissant le règlement Dublin III de 2013 toujours en vogue. Remplacé par le nouveau pacte, il établit que la gestion de la demande d’asile incombait au pays à travers lequel le migrant était rentré dans l’UE. Le nouveau pacte n’est pas constitué d’un texte unique mais de cinq règlements. En vertu du droit de l’UE, le règlement est directement applicable par les pays membres de l’UE. Il garantit l’application simultanée et uniforme de la législation européenne. Après trois ans de négociations ayant débutées en septembre 2020, le pacte débouche sur un accord séparé en cinq règlements dont l’objectif est de renforcer les frontières de l’UE tout en assurant un meilleur contrôle. L’année dernière, l’UE avait connu plus de 330 000 entrées irrégulières sur son sol, loin du record de 2015 durant lequel le nombre d’entrées avait dépassé le million. Le président du Conseil européen, Charles Michel, la présidente de la Commission européen, Ursula von der Leyen ainsi que la commissaire aux Affaires intérieures, Ylva Johansson ont salué sur X un accord historique ainsi que le rôle clé joué par la présidence espagnole du Conseil de l’UE dans les discussions.
Quels changements ?
L’arrivée de Giorgia Meloni au pouvoir en Italie a accéléré le marchandage politique. La présidente du Conseil italien soutient une gestion commune de l’immigration. Le pacte rassemble cinq règlements dont l’objectif est d’harmoniser les règles d’accueil dans l’UE. Le principe de solidarité a notamment été créé pour soulager les pays en première ligne dans la gestion migratoire. Majoritairement méditerranéens (Malte, Italie, Grèce…) ils seront soutenus par les autres pays membres à travers des aides financières, des dons et un soutien à l’accueil. Les relocalisations limitées au nombre de 30 000 se feront désormais sur la base du volontariat. Le filtrage aux frontières se voit modifier dans une tentative de fluidification. En effet, les mineurs seront exonérés de la procédure de demande d’asile, dont les détails ne sont pas encore connus, au contraire des familles avec un ou plusieurs enfants. L’objectif est d’accueillir à terme 120 000 migrants. La base de données Eurodac, opérationnelle depuis 2003 se voit améliorer afin de faciliter l’échange d’informations entre les pays membres. Le nouveau pacte devrait permettre d’assurer une gestion optimale des crises migratoires. Enfin, les cinq règlements devraient permettre de faire face à l’instrumentalisation présumée des migrants par la Russie et la Biélorussie.
Ursula von der Leyen espère une adoption du pacte avant les élections européennes de juin 2024. Toutefois, le pacte est vivement critiqué par des ONG. Ces derniers arguent un recul du droit d’asile et accusent le pacte de créer une attente plus longue pour les migrants en raison de la création de plusieurs centres aux frontières de l’UE. L’aide financière d’Etat à Etat proposée par le pacte ne fait pas non plus l’unanimité. En effet, d’après de nombreuses associations, elle permettrait aux pays membres de se soustraire à leurs obligations d’accueil. Enfin la notion de « pays tiers sûr » pose de nombreuses interrogations : si un migrant a traversé un pays considéré comme sûr avant de pénétrer sur le territoire de l’UE, alors le pays membre peut affirmer que la demande d’asile aurait pu être réalisée dans le pays traversé.
Une nouvelle fois, le pacte sur les migrations et l’asile illustre la difficulté des pays membres à coordonner leurs actions. Si les cinq règlements du pacte ont un caractère obligatoire, l’application n’en est pas assurée. Ce fut notamment le cas du règlement Dublin III.
Suivre les commentaires : |