Donald Trump et le souhait de l’isolationnisme
La dubitativité de Donald Trump vis-à-vis de l’OTAN n’est pas nouvelle. Durant sa candidature à la présidentielle de 2016, il disait déjà de l’Organisation qu’elle était « obsolète » et menaçait de s’en désengager. Aujourd’hui, le discours de l’ancien président s’est durci, notamment dans le contexte de la guerre en Ukraine. Fin janvier, il affirmait par exemple la chose suivante : « On paie pour l’OTAN et on n’en retire pas grand-chose. Je déteste devoir vous dire ça à propos de l’OTAN, mais si on avait besoin de leur aide, si on était attaqué, je ne crois pas qu’ils seraient là ».
Le 10 février, dans un meeting en Caroline du Sud, Donald Trump a révélé une discussion ayant, d’après ses dires, eu lieu entre lui et « l’un des chefs d’État de l’OTAN ». Ce dirigeant lui aurait demandé si les États-Unis viendraient protéger cet État en cas d’attaque russe, ce à quoi Donald Trump aurait répondu : « Non, je ne vous protégerais pas. En fait je les encouragerais à vous faire ce qu’ils veulent. Vous devez payer vos dettes ». Pourtant, un des intérêts principaux de cette organisation militaire, par l’intermédiaire de son article 5, est la protection mutuelle que se doivent les membres en cas d’attaque armée sur le territoire de l’un d’entre eux.
La principale critique à l’encontre des pays partenaires concerne les budgets militaires. Aujourd’hui, le budget de défense des États-Unis est deux fois plus élevé que le budget de l’ensemble des autres membres de l’OTAN réunis, une contribution jugée trop élevée en comparaison à celle des autres. En effet, seulement un tiers des membres respectent la « règle des 2% », une règle stipulant que tous les membres devraient investir au moins 2% de leur PIB dans la défense. Pour Donald Trump, un État ne respectant pas cette règle ne mériterait pas de protection en cas d’attaque.
Une remise en question des principes même de l’OTAN
Ces déclarations vont évidemment dans le sens de la Russie, mais aussi de la Chine ou de toute autre puissance autoritaire à l’appétit impérialiste. Assurer la non-intervention américaine ouvre la porte au Kremlin pour de nouvelles agressions en Europe de l’Est. Une élection de Donald Trump serait donc un très mauvais signe pour les pays européens, notamment les plus vulnérables de l’Est. Qu’une véritable sortie américaine de l’OTAN soit mise en place ou non, ce discours remet en question l’idée du « parapluie américain », l’idée que la force nucléaire américaine garantit la défense des européens.
Cependant, ces déclarations sont à prendre avec des pincettes. Donald Trump est un personnage extrêmement clivant, qui cherche notamment à s’opposer frontalement à la politique étrangère de Joe Biden et utilise une rhétorique populiste afin de convaincre. Une autre chose importante à comprendre est que le soutien américain à l’Europe n’est pas une aide bénévole, mais une poursuite d’intérêt national. Être dans l’OTAN offre aux États-Unis des alliés fiables, des clients pour l’industrie d’armement et renforce la position hégémonique de la puissance américaine. Donald Trump sait cela et cherche surtout, à travers ses déclarations, à obtenir un moyen de pression sur l’Europe.
L’Europe doit réagir, et rapidement
Alors, face à l’instabilité américaine, que doit faire l’Europe ? Trois réponses semblent adaptées : 1) renforcer la coopération et l’autonomie stratégique européenne, 2) ne pas se détourner de l’OTAN et des États-Unis pour autant, 3) accroître les investissements dans le secteur de la défense.
D’abord, une première réponse doit être le renforcement de la coopération européenne en matière de défense, ainsi que la recherche d’une autonomie stratégique. Intensifier les liens entre États membres permettrait de renforcer la sécurité collective, notamment en rationalisant les dépenses militaires afin d’éviter des « doublons » inutiles. Atteindre une autonomie stratégique, c’est-à-dire atteindre une situation dans laquelle les états européens pourraient se défendre et agir avec des moyens militaires indépendants, est également une nécessité pour contrer un potentiel retrait américain des affaires européennes.
Cependant, la recherche d’autonomie stratégique ne doit pas se faire à l’encontre de l’OTAN. Comme expliqué par les ministres des affaires étrangères français et allemand, « l’OTAN est notre assurance-vie » (Anna-Lena Baerbock) mais « il nous faut une deuxième assurance-vie, pas en substitution, pas contre l’OTAN, mais en addition » (Stéphane Séjourné). En parallèle de la coopération au sein de l’UE, il faut donc continuer à faire confiance à cette alliance militaire, tout comme il faut continuer à faire confiance aux États-Unis. Même dans l’hypothèse d’une sortie de cet État, cette Alliance garderait du sens car liant la majorité des États européens à d’autres alliés, comme le Royaume-Uni, le Canada ou la Norvège. L’article 5 de l’OTAN doit donc être réaffirmé, afin de décourager la Russie de toute tentation en Europe de l’Est.
Enfin, il est vital pour l’Europe de prendre au sérieux les menaces existantes et de se préparer militairement à toutes les circonstances. Qui aurait pu prévoir il y a quelques années que le principe de l’intégrité territoriale et le droit international allait être bafoué à un tel point sur le continent européen ? Se préparer sérieusement aux menaces passera forcément par une hausse des budgets alloués à la défense dans toute l’Europe ainsi que des investissements dans l’industrie de la défense européenne.
En résumé, un nouveau mandat de Donald Trump représenterait un défi important pour l’Europe. Les déclarations de l’ancien président sont à prendre avec des pincettes, sa réélection ne signifierait pas forcément une sortie américaine de l’OTAN, mais elles invitent quand même les dirigeants européens à se questionner sur la fiabilité américaine. Dans ce contexte, il est plus important que jamais pour les États européens de travailler main dans la main, afin de rester à la hauteur des enjeux géopolitiques contemporains.
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