Triton : l’échec de la politique européenne de contrôle des frontières

, par Florence Morel, Le Taurillon dans l’Arène

Triton : l'échec de la politique européenne de contrôle des frontières
Des centaines de migrants s’échouent chaque jour sur les côtes européennes, arrêtées par les forces de sécurité des pays concernés ou par les agents de Frontex. Certaines embarcations ne résistent pas en haute mer. - Noborder Network

L’actualité européenne du mois de novembre fut marquée par le lancement de l’opération « Triton », lancée par l’agence européenne de contrôle des frontières extérieures Frontex. Selon la Commission européenne, cette opération devrait prolonger celle mise en place par les Italiens, appelée Mare Nostrum. Mais en y regardant de plus près, la réalité paraît bien différente.

Il y a maintenant plus d’un an que le drame de Lampedusa a eu lieu. Près de 500 clandestins avaient trouvé la mort à la suite du naufrage d’une barque sur les côtes de l’île italienne. L’opération de sauvetage Mare Nostrum était alors lancée en urgence, le tout sous la direction de l’Italie et de l’agence européenne Frontex.

Une opération visant à contrôler les frontières, pas à sauver des vies

Le drame italien avait forcé l’Union européenne à prendre des mesures d’urgence pour calmer les Organisations Non-Gouvernementales (ONG) qui dénonçaient ses méthodes scandaleuses de contrôle des frontières. Après un an d’opérations et près de 9 millions d’euros mensuels dépensés par le gouvernement italien, soit plus de 100 millions d’euros, Mare Nostrum prend fin en octobre dernier sans successeur, et ce malgré les tentatives italiennes pour pousser à une politique de l’immigration européenne commune.

En effet, l’opération Triton ne sera finalement pas un remplacement de Mare Nostrum, mais bel et bien une opération différente, au budget trois fois moins important et aux prérogatives radicalement moins ambitieuses. En effet, l’agence Frontex ne dispose que de 2,9 millions d’euros pour une durée qui n’a pas encore été déterminée pour mettre en place l’opération Triton. Mare Nostrum mobilisait jusqu’à présent 900 soldats quotidiennement et 32 navires, soutenus par des avions et hélicoptères, et a permis de sauver plus de 155 000 vies selon Amnesty International. Triton ne représente elle que 21 navires, quatre avions, un hélicoptère et 65 officiers détachés par les Etats membres pour des rotations à durée variable. Il faut aussi ajouter que Mare Nostrum couvrait un périmètre grand comme trois fois la Sicile alors que Triton ne sera qu’une surveillance des côtes européennes. Quant à ses prérogatives, elles ne concernent plus le sauvetage de clandestins, mais bel et bien un contrôle des frontières extérieures visant à raccompagner les clandestins au large des côtes du continent africain.

Le blocage ne vient pas de Bruxelles mais des Etats membres

Accusée d’une part d’avoir aggravé les conditions de la traversée de la Méditerranée pour les clandestins, Mare Nostrum a aussi été vivement critiquée pour avoir créé un pull-factor par les pays membres de l’Union européenne. Autrement dit, il y aurait un double impact négatif de Mare Nostrum.

Le premier est celui d’avoir détérioré les conditions de traversée des clandestins en les sauvant. En effet, les passeurs présents sur le continent africain enverraient les clandestins sur des embarcations encore plus précaires, persuadés que Mare Nostrum leur viendrait en aide. Le deuxième, venant des pays européens, est celui du pull-factor, c’est-à-dire de l’incitation d’émigrer que l’opération favoriserait en sauvant la vie des immigrés. Deux arguments quelque peu douteux.

La blocage quant à la reconduction du projet Mare Nostrum dans une dimension européenne ne viendrait-il pas de Bruxelles ou Varsovie - siège de Frontex - mais des pays du Nord qui ne veulent pas financer les opérations de contrôle des frontières ? Ceux-là mêmes qui sont la destination finale de ces clandestins refusent toute solidarité avec les pays du Sud et prônent un contrôle étatique des frontières.

Une politique migratoire commune pour arrêter de se refiler la patate chaude

Or « donner une réponse sécuritaire aux questions migratoires n’est pas la bonne solution. Depuis la création de l’agence Frontex, les morts aux frontières ne cessent de progresser, on en est autour de 2000 morts par an aux frontières de l’Europe » constate Olivier Clochard, docteur en géographie au centre universitaire Migrinter. Mais pour cela, il faudrait mettre en place une politique migratoire commune.

Tant que les pays européens ne répondront pas d’une même voix à ces problématiques, ceux du Nord continueront d’accuser les pays du Sud de leurs mauvaise gestion frontalière. Et ces derniers de leur rétorquer que le manque d’argent les empêche de mener à bien une restriction effective des flux migratoires à destination des pays du Nord. Tant que ces pays se renverront la patate chaude, des migrants continueront de mourir aux frontières de l’Europe.

Vos commentaires
  • Le 16 décembre 2014 à 09:47, par Théo En réponse à : Triton : l’échec de la politique européenne de contrôle des frontières

    En l’occurrence, l’argument du « pull-factor » n’est pas douteux, il est prouvé : cela a poussé les passeurs à augmenter leurs « livraisons » et à le faire d’une manière encore plus dangereuse qu’avant pour les migrants.

    La solution passe en effet par l’Europe, car l’Italie ne peut pas gérer ces flux toute seule. Mais il faut arriver à trouver une opération intermédiaire entre Mare Nostrum et Triton. Et continuer, encore et toujours, à aider les pays d’où viennent les migrants... Vaste programme comme disait le Général !

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