L’intervention militaire des forces russes en Ukraine depuis le 24 février agite la communauté internationale. Cependant, certains territoires ukrainiens étaient déjà la proie de conflits armés depuis des années, comme celui du Donbass. Et le cas de ces zones, où les nationalismes provoquent des divisions majeures, rappelle celui de la Bosnie-Herzégovine, État terriblement fracturé en ce début d’année 2022.
« Le Donbass restera en Ukraine, mais l’Ukraine n’y sera plus, comme la Republika Srpska reste en Bosnie-Herzégovine, alors que la Bosnie-Herzégovine n’y est plus. La Republika Srpska constitue plus une province de la Serbie que le Kosovo », considère ainsi le journaliste et politologue bosnien Nerzuk Ćurak, dans une chronique publiée sur le site Tacno. « Pour que les États tels que la Bosnie-Herzégovine et l’Ukraine survivent, les États-Unis et l’Union européenne ne doivent plus s’accommoder des nationalistes et des sécessionnistes. Le temps est venu de prendre une autre direction : pour les forces d’intégration la carotte, pour les forces de désintégration le bâton. »
30 ans d’indépendance et de fractures
L’existence d’agitations nationalistes diverses sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine est réelle, et cela depuis longtemps. Patchwork ethnique, le pays a subi de multiples conflits depuis la violente dislocation de la Yougoslavie. La Bosnie-Herzégovine « fêtait » ainsi ses 30 ans d’indépendance le 1er mars 2022.
Aline Cateux, habitant à Sarajevo, a raconté sur Twitter ce à quoi elle a asssité ce jour-là : un homme chantant « Hej Sloveni », l’hymne… yougoslave. Dans le centre de la capitale, quelques dizaines de personnes se sont rassemblées avec pour unique slogan : « Otpor ! » (Résistance). Et une question : « Sommes-nous vraiment indépendants ? »
Dans ce territoire divisé, les citoyens doivent réapprendre à cohabiter malgré des nationalismes bien ancrés. Le pays est composé de trois entités autonomes : la fédération de Bosnie-et-Herzégovine, la République serbe de Bosnie (Republika Srpska) et le District de Brčko. La coalition au pouvoir, formée quatorze mois après les élections d’octobre 2018 par l’Union démocratique croate de Bosnie et Herzégovine (HDZ BiH croate), le Parti d’action démocratique (SDA, bosniaque) et l’Alliance des sociaux-démocrates indépendants (SNSD, serbe) n’a pas eu de résultats probants jusqu’ici.
Une situation politique qui stagne et un statut de candidat à l’UE pas encore reconnu
Les choses n’ont pas l’air d’évoluer favorablement sur place. Un coup d’œil à nos archives le montre tragiquement. « L’avenir de la Bosnie-Herzégovine » publié le 18 mai 2006 est devenu « Quel avenir pour la Bosnie-Herzégovine ? » en juillet 2021, en étant passé par une réflexion en 2012 sur « Un pays européen en devenir ? » En 2014, nous nous interrogions sur le fait que l’État était sans doute ingouvernable tandis qu’en 2017, nous rappelions que plusieurs problèmes dont des velléités séparatistes dans le pays rendent peu probable son intégration à l’UE malgré un dépôt de candidature le 15 février 2016.
Le statut de candidat à l’Union de la Bosnie-Herzégovine n’a toujours pas été reconnu en 2022 et justement, plus récemment, en novembre dernier, nous revenions sur l’histoire du drapeau de ce pays, en rappelant que « l’intégration européenne de la Bosnie-Herzégovine est encore un horizon lointain ». La Commission européenne avait fixé 14 priorités à atteindre en 2019, le pays n’en a toujours réalisé aucune et a battu le nouveau record d’attente de reconnaissance du statut de candidat à l’Union européenne.
Parmi les évolutions à noter en 2021, un nouveau haut représentant de la communauté internationale en Bosnie-Herzégovine a été nommé en la personne de l’homme politique allemand Christian Schmidt. Son prédécesseur, l’Autrichien Valentin Inzko, a annoncé le 23 juillet dernier des modifications du Code pénal du pays permettant de sanctionner les négationnistes des crimes de guerre reconnus par les tribunaux nationaux ou internationaux. Une loi non reconnue par la République serbe et qui a débouché sur le blocage institutionnel du pays.
Une sécession des Serbes est-elle envisageable ?
La fin de 2021 a également été marquée par des débats sur la modification de la loi électorale. Des élections législatives reportées doivent être mises en place avant le 5 mai 2022.
À l’heure actuelle, dans ce puzzle explosif, l’une des inquiétudes majeures est donc celle d’un délitement du pays tel qu’on le connaît actuellement. Les journalistes du Spiegel ont ainsi rencontré Milorad Dodik, Président de la République serbe de Bosnie, qui ambitionne une sécession des Serbes et une création d’un État serbe de Bosnie. Comme le rapporte Courrier international dans divers articles traduits de médias croates, le président serbe, Aleksandar Vucic, quant à lui, « rêve d’un “monde serbe” ».
« Sans aucun doute, la reconnaissance par la Russie de la sécession du Donbass sera l’occasion pour les séparatistes de la république serbe de Bosnie de revendiquer leur séparation de la Bosnie-Herzégovine ». La décision du président russe, Vladimir Poutine, de reconnaître l’indépendance des républiques populaires autoproclamées de Donetsk et de Louhansk le 21 février risque de servir d’antécédent inquiétant, voire de modèle pour les sécessionnistes de Bosnie.
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