« Top jobs européens » et le déficit démocratique de l’UE
Alors que la campagne pour les élections européennes 2024 bat son plein, la presse semble plus intéressée par la spéculation autour des possibles candidats aux « top jobs européens ». Il s’agit des postes clés de l’UE : les présidences de la Commission, du Parlement, du Conseil européen, de la Haute Représentation de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, et la présidence de la Banque centrale européenne (BCE), qui n’est pas remise en jeu cette année. Au début de chaque nouvelle législature du Parlement européen, ces postes sont renouvelés. Or, la désignation des personnalités qui occupent les « top jobs » est très peu démocratique.
A l’exception du Parlement qui élit son propre président, le choix des quatre autres « top jobs » dépend de l’appréciation du Conseil européen. Celui-ci est composé des 27 chefs d’Etat ou de gouvernement des Etats membres et élit son propre président à la majorité qualifiée. Bien que les députés doivent approuver à la majorité absolue le choix du président de la Commission et faire une évaluation positive de chaque commissaire, c’est de la responsabilité du Conseil de proposer un candidat à la présidence de la Commission ainsi que de nommer les restants commissaires, le Haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et la composition du directoire de la BCE.
Si les spéculations existent c’est parce que le processus de sélection des candidats aux postes clés de l’UE n’est pas démocratique et même plutôt opaque. Alors que chaque parti européen présente son « spitzenkandidat » (terme allemand qui veut dire « tête-de-liste ») comme potentiel candidat à la tête de la Commission, la victoire électorale ne garantit pas que sa tête-de-liste sera choisi par le Conseil européen. Les dernières élections en 2019 en sont un parfait exemple. Alors que le Parti populaire européen (PPE) est arrivé en tête des élections, son « spitzenkandidat » Manfred Weber n’a pas été proposé par le Conseil car il ne faisait pas l’unanimité parmi les chefs d’Etat ou de gouvernement, notamment auprès du président français Emmanuel Macron. C’est finalement l’allemande Ursula von der Leyen qui a été désignée.
Qui a des chances d’occuper un « top job » ?
En 2019, Ursula von der Leyen a été élue par le Parlement européen sur proposition du Conseil. Elle est ainsi devenue la première femme à la tête de la Commission. Pour la prochaine législature, elle a fait part de son souhait de rester en poste. Pourtant, cela n’est pas une garantie. Tout comme en 2019, des personnalités se présentent aux prochaines élections comme le « spitzenkandidat » de leur parti politique. Von der Leyen est la représentante du PPE et les socialistes sont représentés par le Luxembourgeois Nicolas Schmit, les libéraux par la Française Valérie Hayer. Mais étant donné que le Conseil n’est pas contraint par les traités européens de prendre en compte le choix des partis, d’autres candidats peuvent prétendre à la tête de la Commission. Et selon la presse italienne, le discours de l’ancien président de la BCE Mario Draghi le 16 avril 2024 sur le futur de l’Europe est un demi-aveu de sa prédisposition à obtenir un « top job européen ».
Mario Draghi avait déjà été pointé par la presse italienne pour un autre « top job » au début de l’année 2024 lorsque le président du Conseil européen Charles Michel avait annoncé qu’il démissionnerait de son poste pour se présenter aux élections européennes. En simultané, la presse portugaise affirmait qu’Antonio Costa, ancien Premier ministre du Portugal, avait des chances d’être nommé à la tête du Conseil. En effet, cela fait plusieurs années qu’il jouit d’une bonne appréciation de ses anciens homologues européens. Néanmoins, Costa a démissionné de son poste en novembre 2023 caril fut associé par la justice portugaise à une affaire de corruption (opération Influencer). Cependant, en avril dernier, la justice a annoncé qu’il n’y avait pas d’indices incontestables de l’implication d’Antonio Costa dans l’affaire. Pour le président de la République portugaise, Marcelo Rebelo de Sousa, ces nouvelles lui font pressentir qu’il est de plus en plus probable qu’il y aura « un Portugais au Conseil européen ». D’autres noms sont toutefois avancés, comme le Roumain Klaus Iohannis ou le Croate Andrej Plenković.
Finalement, et malgré toutes ces spéculations, le choix final des postes clés de l’UE ne sera connu que quelques semaines après le scrutin du 9 juin. Mais il est inquiétant de s’apercevoir que les citoyens ne pèseront que très peu dans ce choix. Étant donné les défis auxquels l’Europe doit faire face, il est temps de réformer les institutions, notamment pour les rendre plus démocratique. Les citoyens ne s’identifient pas aux dirigeants des institutions européennes. Et cela joue beaucoup dans la participation des citoyens aux élections. Cessons donc toute spéculation pour enfin présenter des candidats qui nous motiveront tous à voter.
Suivre les commentaires : |