Une proposition pour résoudre l’injustice fiscale
Gabriel Zucman, économiste reconnu, essaie de montrer que, malgré leur grande richesse, les ultra-riches paient proportionnellement moins d’impôts que les classes moyennes en Europe. En France, par exemple, le taux effectif d’imposition de ces foyers s’élève à environ 0,2% de leur patrimoine, contre un taux moyen de prélèvement dépassant 50% pour la majorité des contribuables.
Ceci crée une importante distorsion dans le principe d’égalité devant l’impôt, pourtant inscrite dans la Constitution française par exemple. Par l’instauration de ce seuil plancher, la taxe Zucman permettrait de corriger cette situation précise en exigeant que les ultra-riches contribuent de manière minimale et proportionnelle à leur fortune réelle.
Un levier majeur pour les services publics
Les estimations de gains fiscaux pour les États membres sont considérables : Gabriel Zucman évalue de 15 à 25 milliards d’euros par an les ressources supplémentaires générées uniquement en France, avec un effet cumulé encore plus important à l’échelle européenne. Ces fonds pourraient permettre de financer les services publics déjà fragilisés, la transition écologique, la réduction des déficits mais aussi l’augmentation des investissements dans les infrastructures sociales.
Dans un contexte de tension budgétaire, cette source de revenus semble être un levier crucial pour restaurer la confiance des citoyens envers les institutions, notamment ceux fortement impactés par les inégalités croissantes.
Le mythe d’une fuite des ultra-riches
Cependant, il est régulièrement mis en avant que cette mesure provoquerait l’exode des ultra-riches, ce qui fragiliserait l’économie et réduirait ainsi les recettes fiscales attendues. Toutefois, plusieurs études sur des réformes analogues ont pu montrer que ce risque est en réalité bien plus limité qu’on ne pourrait le penser.
Effectivement, un rapport du Conseil d’analyse économique publié en 2025 montre que l’effet réel de l’exil fiscal suite à une hausse des impôts sur les hauts patrimoines est très restreint : cette expatriation supplémentaire toucherait seulement entre 0,02 % et 0,23 % des foyers appartenant au top 1 %. En d’autres termes, la fuite d’un ou deux centièmes des ultra-riches est attendue, ce qui relativise grandement les craintes d’un afflux massif vers d’autres juridictions moins taxées.
Au-delà des considérations fiscales, les choix de résidence des ménages les plus aisés sont aussi très souvent guidés par des facteurs non fiscaux comme le capital social, la qualité de vie, la stabilité politique mais également la sécurité juridique. Ainsi, la mise en place d’une taxation encadrée et coordonnée à l’échelle européenne ne pousserait pas nécessairement à la fuite des principaux concernés.
Vers une fiscalité européenne
Pour être efficace, la taxe Zucman doit être adoptée à l’échelle européenne afin d’éviter les risques concurrentiels entre États membres et ainsi développer une réponse coordonnée face à la mobilité internationale des capitaux et des ultra-riches. Cependant, alors que ce projet suscite un large soutien parmi de nombreux économistes, dont certains prix Nobel comme Daron Acemoglu ou Esther Duflo, aucune avancée législative européenne concrète n’a encore été adoptée.
En France, ce projet d’instauration avait été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale en février 2025. Toutefois, il a été rejeté par le Sénat en juin 2025, en dépit de la mobilisation citoyenne et du soutien des partis de gauche. Malgré le refus de la mise en œuvre de cette taxe, les ambitions de justice fiscale exprimées par ses partisans n’ont cependant pas été totalement enterrées. Cette harmonisation fiscale au sommet des fortunes constitue pourtant une étape essentielle vers une Europe plus juste, solidaire et capable de faire face aux défis économiques et sociaux majeurs à venir.

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