Stéphane Séjourné, Vice-président exécutif à la prospérité et à la stratégie industrielle européenne dans la Commission Von der Leyen II : plus ou moins fort que son prédécesseur Thierry Breton ?

Qui sont les candidats à la Commission ? 4/27

, par Florian Pileyre

Stéphane Séjourné, Vice-président exécutif à la prospérité et à la stratégie industrielle européenne dans la Commission Von der Leyen II : plus ou moins fort que son prédécesseur Thierry Breton ?
“Renew Europe Pre-Summit meeting 30.05.2022”, photo prise par le parti européen ALDE ©Flickr

Claquant la porte à la surprise générale et dans le fracas le 16 septembre, le pressenti commissaire français Thierry Breton a cédé sa place in extremis à Stéphane Séjourné pour garnir le second collège des commissaires d’Ursula Von der Leyen. La raison de ce revirement de dernière minute ? Les relations exécrables entre Breton et Von der Leyen et la promesse de cette dernière faite à un Emmanuel Macron, affaibli politiquement, de confier à la France plus de poids dans la prochaine Commission s’il retirait la candidature de Thierry Breton. Le Président français s’est exécuté, le commissaire français sortant préférant démissionner pour garder la face et son remplaçant Stéphane Séjourné se voyant offrir le titre de “vice-président exécutif” lors de la présentation du collège des commissaires européens du mandat Von der Leyen II. Dans toutes ces péripéties, qu’a gagné ou perdu Séjourné par rapport à son prédécesseur ? Et que lui réserve sa lettre de mission confiée par la Présidente de la Commission ?

Séjourné : le Monsieur Industrie de la Commission Von der Leyen II

L’ancien ministre des affaires étrangères et potentiel plus jeune commissaire français s’est donc vu confier la prospérité et la stratégie industrielle dont le portefeuille de l’industrie, des PME et du marché unique lors de l’annonce par Ursula Von der Leyen de la composition de son prochain collège. C’est sans aucun doute l’un des portefeuilles les plus importants de ce nouveau collège et ce alors que Von der Leyen (VDL) a placé la compétitivité industrielle au centre de son second mandat. Dans la lettre de mission adressée à Séjourné, VDL a placé la focale sur le volet de la croissance verte du Pacte vert européen du précédent mandat pour permettre à l’Europe d’acquérir un avantage compétitif par rapport à ses concurrents et ainsi assurer la sécurité et la prospérité du continent. Stéphane Séjourné doit en être le garant en portant à bras-le-corps un « pacte industriel vert ». C’est-à-dire, piloter les politiques de décarbonation de l’industrie qui devraient permettre de réduire les coûts de l’énergie utilisée dans la production et en ce sens rendre l’industrie européenne plus compétitive.

Pour y parvenir, il ne sera pas seul. D’une part, toute une armée de fonctionnaires européens lui prêtera main-forte, puisqu’il lui est rattaché la Direction générale de la Commission européenne du Marché intérieur, de l’industrie, de l’entreprenariat et des PME (DG GROW). D’autre part, il aura sous sa supervision plusieurs commissaires dont les portefeuilles d’attribution sont liés à l’industrie et qui dès lors devront lui rendre des comptes dans l’objectif de renforcer l’industrie européenne. C’est le fameux privilège offert à la France par Von der Leyen pour s’assurer de l’éviction de Thierry Breton.

Nouvelle commission, nouvelle hiérarchie : Séjourné parmi le club des 6 vice-présidents exécutifs

Dans la nouvelle composition du collège des commissaires, tous les commissaires n’auront pas le même poids. Outre l’allocation des portefeuilles sectoriels qui n’ont pas tous la même importance, certains commissaires auront aussi une place plus importante dans la hiérarchie du nouveau collège à venir. Cette nouvelle hiérarchie devrait s’opérer de la façon suivante, par ordre décroissant d’importance : (1) Présidence de la Commission européenne (2) Vice-présidences exécutives (VPE) (3) portefeuilles de commissaire.

Les VPE donnent le droit à un pouvoir de supervision sur d’autres commissaires “simples”. Par exemple, Stéphane Séjourné supervisera la commissaire bulgare Ekaterina Zakharieva en charge des Startups de la recherche et de l’innovation. Les VPE sont aussi amenées à collaborer entre elles sur certains dossiers. Teresa Ribera et Stéphane Séjourné, par exemple, seront amenés à travailler sur le futur pacte pour une industrie propre. Ce système est censé prendre en compte le caractère transversal des dossiers comme en attestent les lettres de mission des commissaires : « Les priorités que j’ai définies dans les orientations politiques ne sont pas des domaines d’action isolés. Elles sont toutes reliées et elles influeront toutes les unes sur les autres ». Ce procédé a également l’atout pour VDL de mettre en place un système de « check and balances » d’équilibre des pouvoirs entre les commissaires. Ce qui lui est d’ailleurs reproché ; de cette manière VDL se prémunirait de voir émerger un commissaire suffisamment fort pour lui tenir tête dans ses décisions. Elle avait d’ailleurs peut-être en mémoire la fronde portée justement par son ancien collègue Thierry Breton contre la nomination de Markus Pieper comme “représentant de l’UE pour les PME”.

La lettre de mission de Séjourné : le « Pacte industrie propre » dans les 100 premiers jours du nouveau mandat

Annoncé parmi les promesses de campagne de VDL en juillet dernier, le “Pacte industrie propre” est le principal dossier législatif de la nouvelle mandature pour l’industrie. L’objectif du pacte est de soutenir la transition du secteur industriel en : (1) débloquant des investissements (2) créant des marchés pilotes pour les technologies propres (3) mettant en place des conditions permettant aux entreprises de se développer et d’être compétitives. La construction de ce pacte doit être répartie entre les vice-présidents exécutifs (VPE) Stéphane Séjourné (stratégie industrielle) et Teresa Ribera (transition propre et concurrence) mais il est aussi cité dans les ordres de mission de Wopke Hoekstra (Climat et croissance propre), Dan Jørgensen (énergie) et Apóstolos Tzitzikóstas (transport durable).

Sa lettre de mission qui lui a été confiée par VDL lui confie aussi le soin de mettre en place un “nouveau fonds pour la compétitivité” pour flécher les investissements vers l’innovation et les technologies nécessaires à la transition de l’industrie. Séjourné devra également établir une “plateforme européenne consacrée aux matières premières critiques”, afin de soutenir les achats communs, et gérer les stocks stratégiques.

La France a-t-elle perdu au change en comparaison du portefeuille occupé précédemment par Thierry Breton ?

Dans le précédent collège, Thierry Breton était un « simple » commissaire sans titre de vice-président exécutif. Il ne supervisait aucun autre commissaire. Il disposait du titre de commissaire européen au marché intérieur qui se révélait être un « super portefeuille » bien plus large que le seul fonctionnement du marché intérieur, comprenant également :

  • La transition et l’économie numérique ;
  • L’industrie de défense et de l’espace ;
  • Il s’est vu également confier en cours de mandat la task force européenne sur les vaccins contre la Covid-19.

Dans la nouvelle composition du collège, Stéphane Séjourné perd ces deux attributions au profit d’Henna Virkunnen (VPE à la souveraineté technologique) s’agissant du numérique ; et d’Andrius Kubilius (commissaire à la défense et à l’espace). A l’inverse, contrairement à son prédécesseur, Séjourné obtient le titre de vice-président exécutif qui lui donne un droit de supervision (rôle de coordinateur) sur l’action de quatre de ses collègues commissaires. Sans que l’on sache encore à ce jour la portée d’un tel titre ni la répartition exacte des rôles tant les différents portefeuilles se recoupent, en attendant d’amples précisions de Von der Leyen.

En somme, sur le papier Stéphane Séjourné perd deux pans conséquents du portefeuille de son prédécesseur. Cependant, à la défense de Séjourné, le portefeuille du marché intérieur sera d’autant plus sous les projecteurs dans cette nouvelle commission que son mot d’ordre est celui de la compétitivité de l’industrie. Dans l’optique d’un « pacte industriel vert » son association avec la VPE socialiste espagnole Teresa Ribera en charge de la « transition propre, juste et compétitive » devrait être déterminante pour juger de l’influence française dans l’exécutif européen. En effet, à eux deux (et avec les commissaires sous leur supervision), ils auront la charge d’assurer la mise en œuvre du Pacte vert européen tant dans sa dimension environnementale qu’économique, financière et industrielle. Il devra aussi naviguer, en tant que commissaire issu des rangs de Renew, dans un collège outrageusement dominé par les 14 commissaires issus du Parti populaire européen (PPE). La précision du rôle de VPE devrait aussi contribuer à évaluer le pari d’Emmanuel Macron de remplacer son candidat initial Thierry Breton par Stéphane Séjourné en échange d’un poste de commissaire plus influent.

Cet article a été écrit dans le cadre d’une série de portraits sur les candidats aux postes de commissaires européens. Certains articles ont été rédigés avant les auditions.

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