Session plénière à Strasbourg : la rentrée des classes pour les eurodéputés

, par Thomas Arnaldi

Session plénière à Strasbourg : la rentrée des classes pour les eurodéputés
Crédits : © Loris Birkemeyer / Le Taurillon tous droits réservés Session plénière du Parlement européen à Strasbourg, 3 juillet 2019.

Du 2 au 4 juillet 2019 se tenait à Strasbourg la première session plénière de la nouvelle mandature du Parlement européen. Cette session inaugurale avait pour objectif d’élire les postes à responsabilité du nouveau Parlement mais également de rencontrer les nouveaux collègues élus. Une ambiance de rentrée des classes.

Mardi matin, alors que la session plénière inaugurale vient de débuter, l’incertitude règne toujours sur la faisabilité de l’ordre du jour. Une députée européenne PPE confie ainsi au Taurillon son « incertitude sur un vote de la Présidence du Parlement européen » prévue pour le lendemain matin à 9h00. A contrario, Ska Keller (Verts/ALE) insiste en conférence de presse : « le Parlement européen doit être autonome sur l’élection de son président, il n’y a en aucun cas besoin d’attendre le Conseil européen »<. Une position partagée par de nombreux élus qui ont vivement critiqué « la fumée blanche du conclave réuni en toute opacité à Bruxelles », à l’image de Manon Aubry (GUE/NGL), députée européenne membre de la France insoumise (LFI).

Ouverture de la session plénière du Parlement européen avec l’Ode à la joie, 2 juillet 2019. © Loris Birkemeyer / Le Taurillon tous droits réservés

La Présidence du Parlement européen

Pourtant, dans les coulisses, les négociations pour la Présidence du Parlement européen se poursuivent. Quatre candidats en lice croisent plusieurs groupes politiques et délégations nationales pour tenter de les convaincre. A la GUE, l’espagnole Sira Rego (Podemos) a été désignée candidate et s’efforce d’appuyer le programme sur « 10 demandes pour le nouveau président de la Commission européenne » parmi lesquelles figurent des sujets sur l’évasion fiscale, les « politiques d’austérité néo-libérales » de l’Union européenne ou bien le changement climatique. Le combat souhaite se faire, « non pas sur des postes mais sur des projets ».

Pour les conservateurs et réformistes européens (ECR), c’est le tchèque Jan Zahradil, également Spitzenkandidat lors des élections européennes, qui tente de convaincre. Si tôt l’annonce des « Top Jobs » connue, il a rappelé l’importance d’un équilibre géographique et politique dans la répartition des postes à responsabilité de l’Union européenne, soulignant qu’aucun d’entre eux n’était confié à une personnalité d’Europe centrale et orientale. Un flyer de candidature était également distribué à tous les eurodéputés à l’entrée de l’hémicycle.

A l’annonce des nominations par le Conseil européen, les négociations s’amplifient entre les groupes politiques, notamment le groupe des conservateurs (PPE), les sociaux-démocrates (S&D) et les libéraux (S&D). Une candidature commune pour la Présidence du Parlement européen était attendue mais les soutiens des parlementaires autour de David-Maria Sassoli (S&D) très incertains. Du côté des conservateurs, certains ne comprennent tout simplement pas pourquoi le principe des Spitzenkandidaten est autant mis à mal ; pour les sociaux-démocrates, on ne comprend pas la raison de la mise de côté des Verts. A l’issue du premier tour de scrutin pour la Présidence du Parlement européen, Ska Keller (Verts/ALE) a remporté le double de voix que compose son groupe politique. Plus de 70 bulletins blancs ou nuls provenant sans doute en majeur partie des conservateurs, ont également fait manquer de 7 voix la majorité absolue au candidat David-Maria Sassoli. Un député vert s’amusait de voir que « les sociaux-démocrates ne votent même pas pour leur candidat ». Au second tour, le S&D semble s’être ressaisi, la même configuration laisse élire l’italien David-Maria Sassoli à la majorité des suffrages exprimés.

Conférence de presse du nouveau Président du Parlement européen, David-Maria Sassoli. © Loris Birkemeyer / Le Taurillon tous droits réservés

Le combat pour les autres postes à responsabilité

Si la Présidence du Parlement européen revient à un social-démocrate italien, ce dernier s’est senti obligé de défendre le rôle du Parlement européen face au Conseil devant les doutes que ce dernier résulterait du compromis ficelé à Bruxelles la veille. « Je ne suis pas l’homme du Conseil, je suis l’homme du Parlement » a-t-il rappelé pour sa première conférence de presse.

Les négociations entre les groupes politiques se sont ensuite poursuivies tout au long de la journée pour choisir les noms des vice-présidences et des présidents des différentes commissions parlementaires, la vraie question étant de savoir si un cordon sanitaire autour de l’extrême-droite aurait lieu.

Au final, les 14 vice-présidents (dont 8 femmes) sont répartis au sein des différentes familles politiques sans aucun vice-président du groupe Identité et Démocratie (ID, extrême-droite). Seul le député Castaldo du Mouvement 5 étoiles italien (Non inscrit) a pu accéder à une vice-présidence au troisième tour de scrutin parmi les candidats contestés. Si aucun Français n’a été élu, plusieurs personnalités connues sont désormais vice-présidents du Parlement européen telles que l’irlandaise Mairead McGuinness (PPE), les allemands Rainer Wieland (PPE, réélu) [1], Katharina Barley (S&D) [2], Nicola Beer (Renew Europe) ou bien la finlandaise Heidi Hautala (Verts).

La bataille pour les présidences des commissions parlementaires continue par ailleurs. Selon nos informations, Pascal Canfin (LREM) devrait accéder à la présidence de la Commission ENVI (environnement, santé publique et sécurité alimentaire) tandis que Younous Omarjee (LFI) à celle du développement régional (REGI). Les Présidences des commissions parlementaires seront connues d’ici la prochaine plénière.

Deux tiers de nouveaux députés européens

La rentrée des classes des députés européens a été d’autant plus inédite que le Parlement européen est recomposé. Le PPE et S&D n’ont plus de majorité à eux deux et sont obligés de composer avec les Libéraux et les Verts pour stabiliser une majorité. Plus de 60% de l’hémicycle a été renouvelé, la majorité des députés européens sont donc totalement nouveaux. Fabienne Keller (Renew Europe, Agir), ancienne maire de Strasbourg habituée des lieux mais nouvellement élue, a ainsi confié au Taurillon « sa grande émotion » et l’aspect « magique » de rentrer dans le Parlement européen en tant que députée européenne. Une autre habituée qui inaugure son premier mandat politique, Marie-Pierre Vedrenne (Renew Europe, Modem), ancienne directrice de la Maison de l’Europe à Rennes, a vécu un « moment émouvant ». « C’est une émotion différente de rentrer en tant que députée européenne dans le Parlement européen de Strasbourg qui incarne plus que Bruxelles la réconciliation franco-allemande et la représentation démocratique. » Elle se sent, comme nombre de ses nouveaux collègues « obligée » devant les citoyens européens de répondre aux enjeux de la nouvelle législature qui s’ouvre.

Parmi ces enjeux, le rôle de la démocratie européenne a été prépondérant tout au long de la session plénière. La critique du compromis sur les « Top Jobs », les postes à responsabilité de l’Union européenne, au premier rang desquels la Présidence de la Commission européenne, a été virulente, notamment chez les Verts. Philippe Lamberts, co-président du groupe des Verts au Parlement a rappelé que « pour faire la démocratie, il faut que l’Union européenne travaille au service de toutes et tous ». Même si Ursula Von der Leyen, nominée pour la Commission européenne, est venue à Strasbourg pour prendre le pouls de sa popularité auprès du PPE, ses chances sont limitées, y compris à l’intérieur des conservateurs qui regrettent que le principe des Spitzenkandidaten ne soit pas respecté. Seule l’extrême-droite semblait se réjouir de la cacophonie ambiante, appelant les groupes politiques à « respecter leurs valeurs et répondre par des actes » dixit Thierry Mariani (Identité et démocratie, Rassemblement National) et à voter contre l’investiture d’Ursula Von der Leyen. La question est donc de savoir si elle « sera capable de créer le miracle » conclut Philippe Lamberts.

Pour renouveler cette démocratie et la confiance des citoyens européens, les parlementaires ont également fait part de plusieurs revendications qu’ils souhaitent voir mis en œuvre durant leur mandat, à savoir la révision du Règlement de Dublin (S&D), l’établissement d’une Commission parlementaire spéciale sur l’urgence climatique (GUE/NGL), la convocation d’une conférence pour le renouvellement de l’Europe (Renew Europe), ou encore la lutte contre le chômage des jeunes, l’investissement dans la révolution numérique, des progrès sur l’égalité des genres, etc. Un appel aux jeunes a également été lancé par la Présidente du groupe S&D Iratxe Garcia Perez « Aidez-nous à faire preuve de courage », notamment pour les questions liées à l’environnement.

Le Parlement européen se retrouve de nouveau à Strasbourg dans une quinzaine de jours pour réellement commencer ses travaux et voter sur la nomination d’Ursula Von der Leyen à la tête de la Commission. Les débats risquent d’être vifs !

[1] Président de l’Europa-Union en Allemagne

[2] Ancienne ministre fédérale de la justice allemande

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