Une stigmatisation permanente et périlleuse de “l’étranger”
Là où elle gouverne, l’extrême droite n’hésite pas à instrumentaliser la figure de l’étranger, aujourd’hui celle du migrant. Une instrumentalisation utilisée par les forces nationalistes aussi bien lors de leurs campagnes électorales que lorsqu’elles sont au pouvoir. Un sujet développé dans la série de Louis Ritter explorant les liens unissant l’immigration et la progression de l’extrême droite en Europe.
La figure de l’étranger, et désormais celle du migrant, dessert l’extrême droite qui invoque les peurs et les haines dans un objectif de prise du pouvoir. Dans les pays où l’extrême droite est puissante, l’instrumentalisation raciste divise la société. Les discours et les actes haineux sont libérés dans une atmosphère décomplexée où le sentiment d’impunité est maître. Une situation décrite dans l’interview de la politologue Birgit Sauer par nos confrères du Treffpunkteuropa.
Droits des femmes, la menace perpétuelle
En Europe, l’extrême droite au pouvoir s’est également illustrée par une mise en péril des droits des femmes.
En Pologne, gouvernée par l’extrême droite de 2015 à 2023, le Parti Droit et Justice (PiS) a strictement limité l’avortement, rendant l’interruption volontaire de grossesse quasi-interdite. Une décision qui menaça directement les vies et droits de millions de femmes polonaises comme nous l’a expliqué, dans un article de 2022, Théo Faucon.
Cette politique se retrouve dans l’ensemble des pays européens gouvernés par l’extrême droite : en Pologne, en Hongrie, et même dans l’Italie gouvernée par Giorgia Meloni, une femme pourtant. Dans la péninsule, la Président du Conseil a fait voter une loi permettant aux militants anti-IVG d’entrer dans les cliniques et de tenter de dissuader les jeunes femmes s’y rendant. Une situation décrite par Pemika Pimpakrareed.
La déterioration des droits des femmes n’est pas uniquement palpable dans la restriction de l’avortement, c’est bel et bien une déterioration généralisée de la condition des citoyennes qui est menée. Un climat décrit dans l’article de Jérôme Flury et d’Olivia Masoja à travers l’exemple d’une vie de femme polonaise.
Les droits LGBT+, des boucs émissaires tout trouvés
Les femmes et les étrangers, ou considérés comme tels, ne sont pas les uniques victimes des politiques haineuses de l’extrême droite et de la droite radicale. En effet, des attaques homophobes et transphobes se retrouvent partout dans les nations menées par ces dernières.
En Hongrie, comme le raconte Jules Bigot dans son article de 2021, le gouvernement de Viktor Orban a utilisé l’homophobie afin de légitimer son pouvoir. Un référendum, visant à donner autorité à son gouvernement, a en effet amalgamé homosexualité, pédophilie, peur et morale dans le but clair de brouiller la défense des droits des LGBT+.
Une défense brouillée qui vise, tout comme l’instrumentalisation de l’étranger, à créer des boucs-émissaires, et donc à permettre l’émergence d’un pouvoir nationaliste autoritaire fort. C’est ce que nous démontre Annika Pietrus dans son analyse des situations hongroises et polonaises.
Le pauvre et le social : enjeux de campagne, hors-jeu de gouvernement
Souvent utilisée lors des campagnes électorales par les populistes de droite, la situation des personnes paupérisées est promise à être améliorée une fois que les partis d’extrême droite auront “réglé” la situation migratoire. Une promesse en trompe-l’oeil puisque si l’extrême droite applique ses promesses xénophobes, elle ne “règle” en rien la question de la pauvreté.
C’est ce que montre le reportage mené par Sophia Berrada dans un centre pour sans-abris en Hongrie, alors qu’en quelques années, la pauvreté a explosé dans le pays de Viktor Orban.
L’environnement, le grand oublié
Récemment, les députés européens ont pu s’exprimer sur l’environnement et la protection de la biodiversité, notamment par le projet de législation sur la restauration de la nature. Le vote a pu montrer le retour d’un clivage gauche/droite…ou plutôt gauche-centre/droite radicale-extrême droite. En effet, comme nous l’explique Manon de Lima, la droite traditionnelle s’est alliée à la droite radicale et à l’extrême droite pour contrer le vote de cette loi, par les voix et par les idées. L’extrême droite de l’hémicycle n’a en effet jamais placé la préservation de l’environnement et la lutte contre le dérèglement climatique au cœur de son projet. Et elle le prouve quand elle vote, quand elle gouverne.
Liberté de la presse : restriction, censure, et privatisation
Une fois au pouvoir, l’extrême droite n’hésite pas à s’attaquer à la séparation des pouvoirs, notamment au “Quatrième pouvoir”, autrement dit à la liberté de la presse et à celle d’informer.
De nombreux articles du Taurillon, presse citoyenne et participative, reviennent sur d’une part l’importance d’une presse libre et indépendante, et d’autre part sur les attaques systématiques et multiples de l’extrême droite à l’encontre de la liberté de la presse. Que cela soit sur les restrictions et les censures, notamment en Pologne comme nous l’expliquait Agnès Faure, ou par la privatisation et l’atteinte au pluralisme médiatique, décrits pas Elise Bucher dans son article de mars dernier.
Des gouvernements difficiles à déloger
Une fois au pouvoir, les partis d’extrême droite se mobilisent contre la séparation des pouvoirs et l’Etat de droit, on l’a dit. Mais plus que des mots, ces attaques contre le fonctionnement de la démocratie libérale ont des conséquences plus que concrètes : au fur et à mesure que l’extrême droite s’installe, elle devient de plus en plus difficile à déloger.
En Hongrie, en Serbie, comme nous le commentions il y a près de deux ans, les gouvernements national-populistes de Viktor Orban et d’Aleksandar Vučić ont réussi à se maintenir au pouvoir quelle que fut la vigueur des manifestations ou l’état des oppositions. La raison : les limites mises à l’opposition, l’atteinte à la séparation des pouvoirs, le contrôle des médias, et la mise en place d’une propagande féroce.
En Pologne, les nationalistes du PiS ont perdu le pouvoir il y a peu. Mais ce ne fut le cas que grâce à des oppositions unies et des manifestations inflexibles, cela pendant des mois entiers, comme nous l’expliquait Emma Brycove. Mais même battue, l’extrême droite n’a pas renoncé au pouvoir. Le lendemain de sa défaite, et après l’échec des manoeuvres visant à décrédibiliser l’opposition, le Président Duda a essayé de controurner l’esprit des institutions démocratiques du pays en confiant le mandat de Premier ministre au Premier ministre sortant, membre de son parti. Une saga qui se finit certes sur l’élection du libéral et opposant Donald Tusk en tant que Premier ministre, mais qui mena également le nouveau gouvernement libéral à mettre en place des mesures drastiques afin de permettre le rétablissement d’une démocratie polonaise abîmée
Si le vote d’extrême droite est principalement motivé par un raz-le-bol - un raz-le-bol des politiques, un raz-le-bol de l’inflation et de la situation économique, un raz-le-bol de sa situation social, un raz-le-bol généralisé donc - il mène souvent à relativiser les conséquences de son vote, le fameux “on n’a jamais essayé !”. Mais relativiser son vote parce que le vote n’aurait pas d’incidence est faux, aussi faux et trompeur que la soi-disante dédiabolisation du Rassemblement national. En Europe, l’extrême droite a montré sa dangerosité et son incompétence à respecter la démocratie et ses valeurs. Alors espérons que nous ne passerons pas du “on n’a jamais essayé” au “comment les déloger ?”
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