Regard fédéraliste de Mercedes Bresso sur la présidence italienne 2014

, par Hervé Moritz

Regard fédéraliste de Mercedes Bresso sur la présidence italienne 2014
Nouvelle eurodéputée S&D, Mercedes Bresso, membre du groupe Spinelli, est consciente que cette législature est celle « de la dernière chance » : « Nous n’avons pas le droit à l’erreur », confiait-elle à propos du nouveau Parlement européen et de la Commission Juncker. - © European Union 2014 - European Parliament

Alors que la session plénière s’ouvre à Strasbourg, la Lettonie assure déjà depuis le 1er janvier la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne. C’est l’heure du bilan pour la présidence italienne. Un bilan que Mercedes Bresso, nouvelle eurodéputée italienne du S&D, membre du groupe Spinelli, a dressé à la fin de l’année à Strasbourg.

Un tournant dans la politique de l’Union : « Juncker propose, Barroso obéit »

La présidence italienne fut d’abord marquée par l’entrée en fonction du nouveau Parlement européen, du nouveau président de la Commission, Jean-Claude Juncker et de son collège de commissaires. Un tournant pour une Union européenne qui subit les assauts des eurosceptiques.

D’après Mercedes Bresso, l’élection de Jean-Claude Juncker au poste de président de la Commission est une victoire pour le Parlement européen, et donc des électeurs, puisqu’il fut le candidat du parti arrivé en tête aux élections européennes, le PPE. Il devient ainsi le président d’une Commission « de la dernière chance », qui a un objectif simple pour Mercedes Bresso : « Le nouvel objectif, c’est de coupé net avec le passé et de faire démarrer une Europe nouvelle ».

Une nouvelle Union, c’est la réponse que Mercedes Bresso veut apporter « aux mouvements populistes anti-européens qui se nourrissent de la crise et jettent leur dévolu sur toutes les institutions ». Une Union bureaucratique ? Pour Mercedes Bresso, cette Europe est révolue : « Il faut arrêter de dire que l’Europe est bureaucratique, ce sont des instances politiques, Juncker est un président politique ». Ce fut aussi une façon de rappeler que les personnalités politiques ont des responsabilités et que les citoyens et les médias ont le devoir de les questionner et de demander des comptes.

Le plan Juncker, un plan pour l’avenir

De la coalition constituée au Parlement européen a émergé un plan de relance sans précédent. Mercedes Bresso dresse un constat simple : « Nous sommes le continent le plus riche du monde, mais nous avons peur de notre futur ». Ce plan d’investissement pour l’Union européenne doit permettre de ramener la confiance et d’engager la relance en Europe, seule réponse efficace face aux eurosceptiques : « le plan Juncker doit réussir pour faire taire les eurosceptiques ».

Par l’apport de 16 milliards d’euros de fonds européens et 5 milliards d’euros de la BEI, un fonds de garanti sera constitué de 21 milliards d’euros. Le but est d’attirer au moins 63 milliards d’euros d’investissement privé pour ensuite faire levier et atteindre la somme de 315 milliards d’euros d’investissements pour des projets européens comme dans les infrastructures énergétiques, de transport ou de communication, la réindustrialisation et l’innovation.

Pour compléter ce « système d’ingénierie financière », Mercedes Bresso propose de faire appel à l’épargne des Européens : « Je pense que l’on peut récolter plus pour le plan Juncker en mobilisant l’épargne des Européens », il faut proposer « un investissement sûr et non taxé pour encourager les Européens à investir dans la relance de l’Union européenne. » Enfin, elle regrette que les Etats membres n’aient pas retenu l’idée d’utiliser les fonds européens disponibles pour sauver les Etats et les banques en difficulté, fonds qui auraient pu servir de garanti à la levée de fonds privés.

Budget 2014-2020 : le Parlement européen « a perdu la bataille, mais pas la guerre »

Après plusieurs semaines de bras de fer à la fin de l’année 2014 à propos du budget 2015 et de la révision du budget 2014, le Parlement européen et la Commission sont revenus sur leurs propositions pour trouver un terrain d’entente avec le Conseil. En effet, l’enjeu est de mettre un terme aux impayés qui s’accumulent, résultant du décalage entre les prévisions de dépense de la Commission et des Etats, et des versements effectués.

Mercedes Bresso en appelle à la responsabilité des Etats : « On promet plus que ce que l’on paie : on crée une dette ». Une dette qui n’est pas permise par les traités. Le Parlement prépare dès les premières sessions de 2015 une nouvelle riposte, celle de « la révision à mi-mandat de la stratégie 2014-2020 », prévue en 2016.

L’Italie fera la politique migratoire commune, la diplomatie et la défense européennes

L’immigration fut l’un des dossiers de la présidence italienne. La fin des opérations de sauvetage des migrants Mare Nostrum a entraîné de nouvelles négociations en Europe. Une coordination et une coopération minimales entre quelques Etats ont permis la création de l’opération Triton, prenant le relais de Mare Nostrum. Mercedes Bresso veut y voir « un premier pas » vers une politique commune de l’immigration, d’une politique d’asile et d’une force d’intervention commune.

Cette politique pourrait également entraîner la mise en place d’une politique de sécurité commune, une diplomatie et une défense communes. Pour Mercedes Bresso, la défense commune apparaît comme une nécessité pour les Etats membres : « Tous les pays sont maintenant d’accord, car aucun pays n’est en mesure de se défendre seul. » Une défense commune, un prérequis pour que l’Union européenne fasse entendre durablement sa voix sur la scène internationale. Mercedes Bresso ajoute que « l’Italie sera à l’initiative, car c’est la seule qui peut lancer le débat ». Et c’est du Service Européen pour l’Action Extérieure que cette initiative pourrait émerger grâce à un pion bien placé par Matteo Renzi : Federica Mogherini.

« Un premier pas » vers une fédération ?

Le projet que porte Mercedes Bresso, récemment élue au Parlement européen, membre du groupe Spinelli, c’est celui d’une Europe fédérale, d’une Europe où les Etats ne sont pas l’alpha et l’oméga du monde : « Il faut que les Etats arrêtent de se croire le début et la fin du monde », a-t-elle clamé, rappelant que « jamais une fédération d’Etats n’a été constituée par consentement ». Elle a conclu son intervention en appelant à « raconter autrement l’Europe » et en insistant sur la transmission de ce projet inédit : « c’est le projet de nos pères, nous le devons à nos enfants ».

Certes, la présidence italienne, marquée par le renouvellement du Parlement européen, par les nouveaux visages de la Commission et par l’élection de Jean-Claude Juncker, est le début d’une nouvelle ère pour l’Union européenne. Par ses débats sur l’immigration, la relance, l’emploi, la défense et la diplomatie européennes, la présidence italienne était ambitieuse.

Les résultats ne seront sans doute pas à la hauteur des espérances de la présidence italienne. L’opération Triton en Méditerranée n’est qu’une réponse timide à la mort des clandestins qui continuent à affluer sur nos côtes. Le plan de relance européen défendu par la Commission Juncker est déjà annoncé comme insuffisant et la collecte des fonds incertaines. L’absence de ressources propres pour approvisionner le budget européen perpétue une situation financière fragile, un budget à la merci des Etats, qui votent des budgets en deçà des prévisions, créant ainsi une dette contraire aux traités.

Renzi a cependant joué un atout de taille, Federica Mogherini, s’offrant ainsi une influence durable dans le nouveau collège de commissaires et dans la politique de l’Union européenne. Ainsi, ce sont les Italiens qui pourraient bien faire l’Europe de la diplomatie et de la défense, là où ont échoué les Français il y a plus de 60 ans. Un pas de plus vers une Union intégrée et fédérale.

Matteo Renzi clôturera mardi 13 janvier la présidence italienne du Conseil de l’Union européenne. La Lettonie prend la succession de l’Italie.

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