La Hongrie de Viktor Orbán, démocratie illibérale ou autocratie électorale ?
Depuis l’arrivée au pouvoir du Fidesz en 2010, la Hongrie s’est orientée vers une politique ultra-conservatrice, que Viktor Orbán, le Premier ministre hongrois, qualifie « d’illibéralisme ». Une situation dénoncé par le Parlement européen qui préfère utiliser les termes de « régime hybride d’autocratie électorale ».
Depuis l’élection de Viktor Orbán comme Premier ministre, le pouvoir politique a donc appliqué un agenda politique illibéral. Dans les faits, cela se caractérise par une atteinte à la séparation des pouvoirs et à une volonté de nuire au pluralisme politique, justifiée par des plébiscites populaires notamment lors des élections. Élections que l’OSCE qualifie de « libres mais faussées ». Ainsi, Budapest a restreint la liberté de la presse par des lois « contre les fake-news », introduisant une peine de 5 ans de prison pour quiconque relaterait des informations erronées sur la pandémie ou sur les mesures gouvernementales, ainsi qu’en s’assurant la nomination de cadres du Fidesz dans les instances de contrôle des médias. Le gouvernement s’est aussi assuré le contrôle de l’appareil judiciaire par des lois limitant l’indépendance des cours et des magistrats. De fait, les pouvoirs judiciaires et médiatiques sont devenus soumis au pouvoir exécutif et législatif, faisant voler en éclat le principe de séparation des pouvoirs, et donc celui d’Etat de droit.
Un bras de fer sur le gel des fonds européens
Si toutes les mesures d’infraction avaient échoué jusque-là, l’accord de 2020 sur la conditionnalité des fonds européens au respect de l’Etat de droit a changé la donne. Voté à l’unanimité par les vingt-sept Etats membres de l’Union européenne (UE), cet accord prévoit que si un Etat de l’Union ne respecte pas les valeurs de l’UE alors les fonds qui lui sont destinés seront gelés.
C’est à ce titre que la Commission européenne a proposé que 55% des fonds européens destinés à la Hongrie soient gelés. Un total de 13 milliards d’euros donc, qui a été bloqué par le vote conjoint d’une majorité d’Etats membres et de députés européens. Budapest, par la voix de son ministère des affaires étrangères, Peter Szijjarto, a immédiatement dénoncé un « chantage de Bruxelles ». Mais loin des postures, le gouvernement magyar, qui a besoin plus que jamais des fonds européens qui représentent 10% de son PIB, a cherché un compromis avec la Commission. L’exécutif européen a alors proposé le dégel des fonds en échange d’une liste de « vingt-sept jalons » sur le respect de l’Etat de droit, que la Hongrie est enjointe d’appliquer.
Réformes hongroises et promesse européenne
Parmi les 27 jalons donnés par la Commission européenne se trouve celui d’une réforme de la justice. Selon ce même rapport, la Hongrie doit permettre le « [renforcement de] l’indépendance et l’impartialité des tribunaux et des juges établis par la loi ».
L’enjeu majeur de cette réforme est le statut et les pouvoirs du Conseil national de la magistrature, notamment afin que ce dernier soit le plus indépendant possible du pouvoir politique. Aujourd’hui, le Conseil national de la magistrature est soumis à l’autorité de l’Office national de la magistrature lui-même dépendant entièrement de l’exécutif. Les institutions européennes souhaitent ainsi permettre une réelle indépendance de la justice en donnant plus de pouvoirs et d’indépendance au Conseil national de la magistrature.
Ce mercredi 10 mai, le parlement monocaméral de Hongrie a voté en faveur d’une telle réforme, notamment dans l’espoir de voir les fonds débloqués. La réforme de la justice votée par les législateurs hongrois prévoit, en plus de la réforme du Conseil national de la magistrature, une réforme de la Cour suprême pour la rendre moins dépendante des décisions politiques, une révision du rôle de la Cour constitutionnelle dans les affaires courantes et une reconnaissance explicite des compétences de la Cour de justice de l’Union européenne.
La justice, pilier de la démocratie européenne
Si cette réforme de la justice est bien appliquée par les autorités hongroises, et qu’elle permet une meilleure séparation des pouvoirs judiciaires et politiques, alors le Conseil et la Commission européenne permettront un dégel partiel des fonds destinés à la Hongrie.
Une grande majorité des fonds gelés (85%) est en effet soumise à la réforme des institutions permettant la démocratie et l’Etat de droit en Hongrie. L’autre partie (15%) étant soumise aux droits LGBTQ+, et plus particulièrement au retrait de la loi « sur la protection de l’enfance » amalgamant l’homosexualité et les questions de genre à la pédophilie, ainsi qu’à un retour à « une pleine et entière liberté académique » au sein des universités hongroises.
La question de l’indépendance de la justice est en effet primordiale. Elle est la condition première d’une véritable démocratie. Sans indépendance du pouvoir judiciaire, tout recours est vain. Le pouvoir politique peut donc faire comme bon lui semble sans se soucier des contradictions juridiques ou des droits et libertés individuels. Une justice indépendante assure un Etat de droit, un Etat de droit permet l’épanouissement d’une véritable démocratie qui ne peut se résumer à la seule élection.
Permettre le retour d’une justice indépendante en Hongrie, c’est poser les prémisses d’un retour possible du pays vers la « démocratie libérale », qui n’est rien d’autre qu’une lapalissade qualificative de ce qu’est une véritable démocratie.
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