Un pouvoir exécutif faible
En 2006, le troisième gouvernement de Silvio Berlusconi avait soumis aux Italiens par voie de référendum une réforme de la constitution italienne. Cette dernière devait transformer la République décentralisée en un République fédérale tandis que le Président du conseil, l’équivalent de Premier ministre dans la république transalpine, se voyait renforcé avec de nouvelles prérogatives. Si le “non” l’a emporté, le référendum mettait déjà en avant les limites du système politique italien.
La Constitution du 1er janvier 1948 donne naissance à la République italienne, régime démocratique, parlementaire et décentralisé. Par peur d’une résurgence du fascisme, les constituants ont favorisé la création d’un régime parlementaire bicaméral avec un parlement séparé en deux chambres, la Camera dei deputati (Chambre des députés) rassemblant 400 membres et le Senato della Repubblica (Sénat de la République) comptant 200 membres. Ces deux chambres disposent des mêmes prérogatives fragilisant l’exécutif. Ce dernier est détenu par le Presidente del Consiglio dei ministri della Repubblica italiana (Président du Conseil des Ministres de la République italienne) qui est issu, sauf exception, de la majorité du Parlamento italiano (Parlement italien)rassemblant les deux chambres. Il est nommé par le Presidente della Repubblica Italiana (Président de la République) auquel il propose un gouvernement. Le régime politique italien est soumis à la confiance du Parlement engendrant une grande instabilité politique. Depuis la proclamation de la République en 1946, l’Italie souffre d’un système politique instable. Elle a ainsi connu vingt-six présidents du conseil et soixante-quatre gouvernements.
L’avènement du Premierato
Reprenant certaines idées du référendum de 2006, Giorgia Meloni souhaite créer une III République dans laquelle le Premier ministre serait élu au suffrage universel direct en un seul tour pour cinq ans. Son élection aurait lieu en même temps que celle du Parlement. Le président du Conseil doit obligatoirement être un parlementaire et être élu dans la Chambre pour laquelle il est candidat. Toutefois, il continue d’être nommé par le président de la République auquel il propose un gouvernement. En cas de chute de ce dernier, un nouveau gouvernement serait constitué avec le même Président du Conseil ou un autre membre de la majorité afin d’assurer une continuité. Les Italiens devraient à nouveau retourner aux urnes en cas d’échec de désignation d’un président du Conseil et d’un gouvernement. En conséquence, le président de la République conserverait son rôle “au-dessus des partis” en nommant les Ministres sur avis du président du Conseil mais il ne désignerait plus ce dernier. De son côté le Parlement garantit 55% des sièges pour le parti lié au président du Conseil afin d’assurer une continuité durant le mandat. Le Président de la République ne pourrait plus nommer des sénateurs à vie, à l’exception des anciens présidents. Les sénateurs nommés antérieurement à la réforme conserveraient leur statut.
Globalement, la réforme envisage de modifier trois articles de la Constitution, le 88, le 92 et le 94. Pour être adopté, le texte devra passer devant les deux chambres avec trois mois d’intervalles. Si le vote du Parlement n’atteint pas la majorité qualifiée des deux tiers le texte sera soumis par voie de référendum aux Italiens avec l’obligation d’obtenir plus de 50% de oui. Le texte est ensuite promulgué par le président de la République italienne. Dans ce cas, la réforme donnera naissance au Premierato, expression italienne désignant un renforcement des pouvoirs et de l’indépendance du président du Conseil italien. Par ailleurs, aucun taux de participation n’est nécessaire pour la validation d’un référendum constitutionnel.
Promesse de campagne de la cheffe de Fratelli d’Italia, la réforme provoque des débats au sein même de la majorité. Certains plaident notamment pour un présidentialisme à la française. Le parti social-libéral de Carlo Calenda, Azione, soutient l’idée d’un changement politique tout comme Matteo Renzi, fondateur du parti Italia Viva et ancien président du Conseil (2014-2016). De son côté, le parti socialiste de l’opposition, le Partito Democratico, privilégie une réforme constitutionnelle pour aboutir à une chancellerie à l’allemande.
En cas de réussite de la réforme, elle consolidera d’après Giorgia Meloni la démocratie italienne et mettra fin à une spécificité italienne héritée de la fin de la Seconde guerre mondiale.
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