Une opposition ferme à l’indépendance écossaise
Lors de sa conférence de presse, François Hollande a mené une attaque en règle contre toute idée d’indépendance de l’Écosse. Cela a été un message très fort. Bizarre de prendre une telle position alors que le scrutin avait lieu au moment même où il parlait. Cela aurait été plus percutant il y a quelques semaines. Mais le chef de l’État semblait découvrir les conséquences de ce référendum en même temps que la plupart des rédactions.
Relancé par un journaliste espagnol, il a même été plus loin en expliquant qu’il rejetait ces séparatismes, affirmant On n’a pas fait l’Europe pour déconstruire les Nations
. La phrase est terrible. Terrible, car elle montre que François Hollande n’a rien compris au projet européen.
En effet, l’Europe a été construite pour dépasser les Nations. C’était le but des intellectuels qui avaient vécu la guerre de façons différentes : Henri Frenay, Altiero Spinelli ou Jean Monnet. Ils ne voulaient plus vivre ces guerres entre États-nations. Pour cela, il fallait dépasser le cadre de l’État et celui de la Nation. Pour les plus fédéralistes, il s’agissait même clairement de casser l’horizon national, déconstruire le mythe de la nation éternelle et faire des Européens, quel que soit le côté de la frontière duquel ils étaient nés, vivant ensemble, les uns chez les autres.
La phrase de François Hollande montre non seulement qu’il n’a rien compris à l’Europe, mais en plus qu’il est incapable de penser en tant qu’Européen. Bloqué dans une sphère nationale, il ne veut pas imaginer que les citoyens européens puissent penser, agir ou voter ensemble. Il est en parfaite adéquation avec la pensée merkelienne, celle de l’Europe des États.
Or le référendum écossais devrait nous interroger sur les citoyens plutôt que sur l’État britannique. Les citoyens écossais sont européens et veulent le rester. François Hollande les rejette sous prétexte qu’il a peur pour l’intégrité de son État. Or on attendrait d’un chef de l’État pro-européen qu’il propose une solution pour des citoyens déjà européens qui risquaient de sortir de notre espace commun à cause de traités internationaux qui n’ont pas prévu le cas de l’indépendance. Le constat est intéressant. Défendre les Nations telles qu’elles sont, c’est en arriver à rejeter des citoyens européens.
Le plaidoyer pour la défense européenne
François Hollande a plaidé une nouvelle fois, jeudi dernier, pour une défense européenne. Pour le président de la République, la défense européenne est nécessaire pour faire entendre la voix de l’Union européenne dans les coalitions internationales. Cette défense européenne doit permettre au continent de mener des opérations d’envergure. De plus, la France, qui multiplie ses interventions depuis plusieurs mois sur de nombreux théâtres d’opérations, souhaite partager les frais. François Hollande appelle enfin à une industrie européenne de la défense :
Je pense qu’une étape doit être franchie pour que les efforts soient coordonnés et le fardeau partagé ; pour qu’il y ait une véritable industrie européenne de défense. C’est la condition pour l’autonomie de l’Europe dans le cadre de ces alliances.
Certes, la mise en commun de matériels, le développement accru d’un système militaro-industriel européen, dont EADS est déjà un fleuron, feraient de nos armées les mieux équipées de la planète. Or, comment se donner les moyens d’une défense commune ? C’est une coquille vide sans penser au développement d’une politique étrangère commune, qui est déjà l’œuvre du Service Européen d’Action Extérieur, chargé de la coordination des positions diplomatiques des États membres de l’Union. Cependant, dans l’état actuel des choses, cela demeure un jeu difficile, qui conduit souvent à un silence de l’Union européenne sur la scène internationale en raison d’une absence de consensus européen, laissant toujours à chaque État le choix de sa politique extérieure et de sa position sur tel ou tel dossier. Comment ainsi décider de la participation d’une force européenne à une coalition dans le cadre de nos alliances si nous ne parvenons à être de concert ?
La France ne peut pas non plus choisir seule d’intervenir sur un théâtre d’opération et ensuite demander à ses partenaires européens, sans les avoir préalablement consulté, de participer logistiquement ou financièrement aux actions qu’a choisies de mener la France. C’est ainsi que si nous voulons une défense d’envergure au niveau européen, il faut pouvoir agir rapidement en dotant l’Union européenne d’une capacité d’action rapide et efficace, permettant de prendre des décisions aux moments opportuns, et ce, en sortant de la logique intergouvernementale. Ainsi, créons une force d’action européenne, peut être en s’inspirant de l’actuel Eurocorps, qui pourrait être déployé rapidement et qui bénéficierait de l’expertise du SEAE. Une telle force préalablement dotée de moyens matériels, humains et logistiques, permettrait aux chefs d’État de sortir d’une logique comptable à chaque opération, qui oblige les autres pays à s’aligner sur les décisions d’un seul et consistant sans cesse à partager la note.
Une Europe à plusieurs vitesses sous l’impulsion commune de la France et de l’Allemagne
Enfin, le président de la République a évoqué le lancement, avec l’Allemagne d’une Europe à plusieurs vitesses, afin de pousser l’intégration des pays qui souhaitent s’investir encore un peu plus dans la construction européenne. Alors que François Hollande refuse de « détricoter les traités », il place au cœur de cette démarche le couple franco-allemand, qui doit ainsi, sans plus de détail relancer le moteur de l’intégration en partie sur la question de la transition énergétique. Et rien que sur cette question, il y a du pain sur planche. On attend donc de connaître les résultats des dernières tractations entre Valls et Merkel.
Vos commentaires
1. Le 24 septembre 2014 à 21:36, par Giraud jean-guy
En réponse à : Que faut-il retenir de la conférence de presse de François Hollande ?
Excellente analyse - à laquelle on pourrait ajouter les points suivants :
Au delà, de tous les problèmes auxquels elle doit déjà faire face, la France risque de voir fortement déstabilisée sa position au sein de l’UE dans les mois qui viennent. Son attitude inutilement désinvolte - voire parfois carrément méprisante - vis à vis des Institutions ne crée pas un climat propice à la défense de ses intérêts. JGG
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