Un projet énergétique européen inédit
Prévue pour 2025 et portée par l’entreprise française RTE (Réseau de transport d’électricité) et l’entreprise espagnole Red Electrica, une nouvelle ligne à très haute tension longue de 370 km passant en grande partie sous le Golfe de Gascogne (de Cubnezais près de Bordeaux à Gatika, dans les environs de Bilbao) doit relier les réseaux électriques portugais, espagnol et français. Il s’agit de doubler les capacités d’échanges entre ces pays, pour atteindre les 5.000 MW, soit l’équivalent de la consommation de 5 millions de foyers environ. Avec près d’un tiers du projet financé par la Commission européenne (soit environ 578 millions d’euros), le commissaire pour l’action pour le climat et l’énergie, Miguel Arias Cañete estime qu’il s’agit du plus important projet d’infrastructure énergétique jamais soutenu par l’Union européenne (au titre du mécanisme pour l’interconnexion en Europe), et l’a par ailleurs reconnu « Projet d’Intérêt Commun ». Cette initiative s’inscrit dans la logique des objectifs de l’Union de l’Énergie et vise à la concrétiser. Le but affiché est en effet de fournir à tous « une énergie sure, abordable et durable ».
Entre solidarité européenne, économie d’échelle et transition énergétique
Afin d’assurer la sureté et l’indépendance de l’approvisionnement européen en énergie, les interconnexions entre les réseaux européens sont indispensables. Un objectif de 15% d’interconnexion électrique pour chaque État membre à l’horizon 2030 a en effet été fixé par le paquet « Une énergie propre pour tous les Européens » proposé par la Commission, c’est à dire que 15% de l’électricité produite dans un pays de l’UE doit pouvoir être transférée ailleurs dans l’UE. Jusqu’à présent, l’Espagne et le Portugal n’étaient que peu intégrés dans le marché européen de l’énergie : seulement 6% de leur réseau est interconnecté. Pendant de longues années, les différents gouvernements espagnols et portugais se sont battus pour que la péninsule ibérique ne forme plus « l’îlot énergétique » de l’Europe. Même si des liaisons existent d’ores et déjà entre les états, le Projet Golfe de Gascogne constitue ainsi une première en termes de puissance partagée, de coopération régionale et un succès en ce qui concerne la solidarité énergétique. La mutualisation d’une partie de la production devrait également permettre une baisse des coûts, l’électricité la moins chère pouvant circuler d’un pays à l’autre.
Alors que la Cour de justice de l’Union européenne a déclaré recevable la plainte déposée par des citoyens de plusieurs pays membres et non membres contre l’UE pour « inactivité climatique », on peut se demander si de tels projets européens sont pertinents pour faire face aux défis de la transition énergétique et aident l’Union européenne à remplir ses objectifs climatiques. Pour rappel, l’UE s’est engagée à réduire d’ici 2030 de 40 % les émissions de CO2 par rapport à 1990 et porter à 27 % la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie.
D’après la Commission européenne, cette nouvelle ligne permettrait d’offrir de nouveaux débouchés à travers l’UE au secteur de l’énergie verte, produite en grande quantité en Espagne et au Portugal, et ainsi de renforcer la production des énergies renouvelables et leur part dans le mix énergétique européen. Le projet Golfe de Gascogne s’inscrit donc comme une infrastructure nécessaire dans la construction d’un marché intérieur de l’énergie décarboné.
Malgré le soutien politique international fort dont bénéficie ce projet, le chantier est encore loin de pouvoir démarrer. Après la phase de concertation en France et en Espagne, de nombreuses étapes, comme la déclaration d’Utilité Publique et les études d’impact environnemental doivent encore être franchies. Les associations de protection de l’environnement, comme les Amis de la Terre par exemple, ne sont pas convaincues par la construction d’une ligne à haute tension sous-marine. Cette association considère ainsi que de tels investissements devraient être dirigés vers les économies d’énergie, comme l’isolation des logements, ainsi que dans la recherche. Certes, ce projet témoigne de l’engagement de l’UE dans la réalisation de projets concrets pour promouvoir l’Union de l’Énergie. Mais est-ce suffisant pour atteindre les objectifs de protection climatique ? Quels seront les bénéfices réels pour les citoyens européens ? Autant de questions que cette affaire à suivre laisse en suspens.
Suivre les commentaires : |