Les grands clubs de football européens ont grandement bénéficié des libertés qu’offre l’Union européenne, notamment du principe selon lequel chaque citoyen européen a le droit de travailler dans toute l’Union - joueurs compris. Depuis 1995 les clubs peuvent ainsi recruter à leur gré dans toute l’Europe, ce qui a permis l’émergence d’équipes hors du commun comme le Real Madrid. Économiquement le football européen se porte très bien du haut de ses 25,5 milliards d’euros de valorisation annuelle.
Nos autorités sont dépassées par ces géants économiques
Après les révélations des Football Leaks, la relation s’est tendue. Le Parlement européen n’a pas pris des pincettes : les puissantes fédérations de l’UEFA et de la FIFA sont accusées d’un « double discours » loin du fair-play sportif en étant les « facilitateurs d’un système corrompu » pour reprendre la déclaration des députés européens. Les responsables ont donc été auditionnés en septembre dernier, afin de comprendre comment un tel niveau de corruption pouvait être toléré dans leurs fédérations. Manque de chance, ceux-ci ont refusé de condamner l’évasion fiscale massive de leurs joueurs, ce qu’ont dénoncé les eurodéputés de la Commission d’enquête sur le blanchiment de capitaux, l’évasion fiscale et la fraude fiscale.
Pourtant, n’en déplaise à ses détracteurs, en matière de sport l’Union européenne n’a qu’une compétence d’appui. C’est-à-dire que seuls les États peuvent légiférer. Il n’est pas non plus question de mettre fin aux équipes nationales, faut-il le préciser, contrairement aux légendes urbaines que l’on peut parfois entendre.
Les 28 devraient cependant s’unir pour lutter contre l’évasion fiscale – le club de Lille, par exemple, est détenu par une mystérieuse société dans les Iles Vierges. L’enjeu est de taille lorsque l’on sait que la valeur des transferts de joueurs dans l’UE représente 60% du total mondial. Par exemple, la justice espagnole s’est récemment intéressée au joueur Léo Messi. Bien que rémunéré plus de 100 millions d’euros par saison, il avait eu recours à des sociétés-écrans pour échapper à plus 4,1 millions d’euros d’impôts sur des revenus issus du droit à l’image. Il est également soupçonné d’avoir - avec d’autres stars du ballon rond - profité financièrement des matches qu’il organisait officiellement pour venir en aide à des réfugiés syriens, selon les révélations du Spiegel et de Mediapart.
Outre l’argent qui entache le football européen, le racisme en est une autre plaie
L’UE interdit les discriminations raciales, mais que faire lorsque des supporters insultent systématiquement des joueurs en leur lançant injures racistes et bananes ? Si vous êtes un joueur et qu’un supporter vous insulte, lui répondre vous fait risquer un carton rouge – par contre, les supporters ne sont presque jamais sanctionnés. L’Union européenne a par conséquent décidé en 2008 de lutter plus efficacement contre la xénophobie en prévoyant des sanctions pénales, y compris envers les personnes morales qui ne prendraient pas leurs responsabilités - comme les clubs. La mise en œuvre est toutefois insuffisante et relève entièrement des 28, ce que regrettait déjà en 2012 l’Agence des droits fondamentaux de l’UE dans son rapport sur l’accès à la justice en cas de discrimination dans l’Union européenne.
L’Europe ne déclare donc pas forfait et tente, doucement, mais surement, d’accompagner le football dans une meilleure direction. Loin d’oublier que le sport peut être un puissant outil d’intégration, l’UE finance des associations de football dans les quartiers populaires pour lutter contre l’exclusion sociale et donc la radicalisation. Les aides européennes au sport s’élèvent à plusieurs centaines de millions d’euros pour 2014-2020 et sont réparties sur plusieurs programmes, dont 265 millions d’euros pour les financements Erasmus + dédiés au sport.
L’Europe ne rigole pas avec la sécurité des supporters.
Suite aux débordements du stade du Heysel en Belgique – 39 morts en 1985 - les autorités ont grandement développé leurs bases de données sur les supporters violents. Fini l’alcool autour des matches, les portiques de sécurité sont obligatoires et les sorties de stade ne se font plus simultanément pour les groupes de supporters « sensibles ».
Symbole de cette politique, à l’occasion de l’EURO 2016 fut lancée au Stade de France, à Saint-Denis, la nouvelle convention européenne renforçant la sécurité des stades. Une initiative du Conseil de l’Europe.
Le Brexit affaiblira les clubs Anglais.
Dernier épisode en date du long feuilleton qui lie le football à la politique européenne, le Royaume-Uni s’est embourbé dans un match impossible à remporter qui se nomme le Brexit, un penalty face à 27 équipes. Michel Barnier, le représentant de l’Union européenne dans les négociations, a dû rappeler au gouvernement britannique que « Brexit is not a game ». En effet, les supporters anglais ont peut-être voté Leave au référendum de 2016, mais ils ne savaient peut-être pas que la construction européenne avait été si généreuse envers le football outre-Manche. La moitié des joueurs de Chelsea sont Européens non Britanniques, comme 12 des joueurs d’Arsenal ou de Manchester United. Les clubs anglais n’auraient jamais atteint leur niveau de jeu actuel sans le marché unique, dans une Premiere League plus strictement anglaise.
L’état du football ne reflète-t-il pas celui de l’Europe ? De belles réussites, mais tant reste encore à faire pour les petits clubs économiquement plus fragiles, pour éradiquer la corruption ou le racisme dans les stades. Le prochain grand match se tiendra en mai 2019 et tout le monde y est convié : les élections européennes. Or l’histoire de notre continent nous rappelle que voter n’est pas un jeu. Soutenir tel ou tel parti aura des conséquences sur l’Europe que nous voulons, de la lutte contre l’évasion fiscale à la xénophobie, car, au Parlement européen aussi, il est essentiel de participer.
Suivre les commentaires : |