Pourquoi l’UE n’autorise-t-elle pas la recapitalisation d’Alitalia ?

, par Silvia Dalla Ragione

Pourquoi l'UE n'autorise-t-elle pas la recapitalisation d'Alitalia ?
Un aéronef Alitalia dans le ciel bleu d’Italie. Source : pkozmin, Pixabay.

Alors que le gouvernement italien a signé un document dans lequel il s’engage à payer les employés de la compagnie aérienne nationale Alitalia, la Commission européenne refuse de donner le “feu vert” pour la recapitalisation de l’entreprise. Pendant que des manifestations se déroulent en Italie, le Premier ministre italien, Mario Draghi, a annoncé qu’il approuvait la décision de l’UE.

La pandémie a causé un préjudice financier absolument majeur aux compagnies aériennes en raison de l’impossibilité de voyager et des mesures de sécurité à prendre qui imposent des coûts plus importants. Pour cette raison, la Commission européenne a introduit un encadrement temporaire pour permettre aux États membres d’utiliser toute la flexibilité prévue par les règles en matière d’aides d’États pour soutenir l’économie.

Le budget de l’UE étant limité, la principale réponse doit cependant provenir des budgets internes aux États membres. Ces derniers peuvent apporter des modifications en faveur des entreprises qui ne relèvent pas des règles relatives aux aides d’État. Ils peuvent également accorder une compensation aux entreprises pour les dommages subis en raison de la pandémie. L’encadrement temporaire devait durer jusqu’en décembre 2020, mais, compte tenu de la durée de la crise pandémique, cet encadrement temporaire est continuellement amendé.

Le cas d’Air France et Lufthansa

D’autres compagnies aériennes comme Air France et Lufthansa doivent aussi profiter de l’encadrement temporaire proposé par l’UE. Air France appartient au groupe Air France-KLM et l’État français en détient 14.3% du capital de l’entreprise. Le groupe Air France-KLM a réalisé un bénéfice annuel de 750 millions d’euros en 2019, mais souffre lui aussi des restrictions de voyages depuis 2020. La mesure de recapitalisation française octroie d’une part une aide de 4 milliards d’euros de l’État à l’entreprise et d’autre part, Air France a annoncé, conformément aux recommandations européennes, laisser libre 18 de ses créneaux à l’aéroport de Paris-Orly donnant la possibilité à ses concurrents d’étendre leurs activités.

En ce qui concerne la Lufthansa, la principale compagnie aérienne allemande, l’État va fournir une aide de 6 milliards d’euros à la compagnie et s’engage à se porter garant d’un prêt de 3 milliards d’euros. À l’instar d’Air France, la Lufthansa laissera certains de ses créneaux, les rendant disponibles pour les concurrents, dans ses aéroports-hubs de Francfort et de Munich.

Il se trouve que dans les deux cas, la Commission européenne a approuvé les mesures et a donné à la France et à l’Allemagne, le droit de procéder à la recapitalisation de leurs compagnies aériennes nationales. Alors, pourquoi Alitalia ne peut-elle pas bénéficier de l’encadrement temporaire et l’État italien permettant ainsi de recapitaliser la compagnie aérienne nationale ?

Le cas d’Alitalia, la compagnie « zombie »

Alitalia, la compagnie aérienne nationale italienne, est souvent qualifiée d’entreprise « zombie ». Or, qu’est-ce que cela signifie ? Cela veut tout simplement dire que c’est une entreprise vouée à l’échec, mais qui est maintenue en vie économiquement par des aides publiques. En parlant des différences entre Alitalia et Air France, lors d’une réunion ordinaire en ligne, Arianna Podestà, porte-parole de la Commission européenne pour la politique de concurrence, a expliqué que le but de l’encadrement temporaire est d’aider les entreprises qui sont entrées dans des difficultés financières dues au Covid-19, mais qui étaient économiquement viables avant la pandémie. Alitalia, en réalité, a toujours eu des difficultés financières. En 2019, donc avant la pandémie, Alitalia faisait état d’une perte de 500 millions d’euros sur un chiffre d’affaires de 3 milliards d’euros. Durant cet exercice, l’entreprise a perdu 100 millions d’euros de plus qu’en 2018. Néanmoins, la Commission européenne a donné à l’Italie la possibilité d’aider Alitalia pour un montant de 297.15 millions d’euros, pour les revenus perdus strictement à cause de la pandémie.

Suite aux décisions de la Commission européenne, les employés de la compagnie aérienne italienne sont descendus dans les rues de Rome pour protester : pour les travailleurs, la décision a été prise afin de favoriser Air France et Lufthansa, signant l’avis de décès d’Alitalia. Pour le Premier ministre, Mario Draghi, Alitalia peut être soutenue si elle peut voler de ses propres ailes et non pas avec des aides publiques comme ce fut le cas ces vingt dernières années. À cet égard, Alitalia n’a pas encore remboursé l’argent emprunté à l’UE entre 2017 et 2019, une situation sur laquelle l’agence antitrust de l’UE enquête. En définitive, pandémie ou non, Alitalia se retrouve dans une situation désespérée.

Ita, la nouvelle Alitalia

En novembre 2020, une nouvelle société a été fondée et porte le nom de : Ita (Italia Trasporto Aereo). Propriété du ministère de l’économie et dotée d’un budget de 3 milliards d’euros de “deniers publics”, l’objectif d’Ita est de louer et d’acheter les actifs d’Alitalia, notamment le nom du groupe. Elle possède une quarantaine d’avions, moins de la moitié d’Alitalia, et se retrouve ainsi condamnée à être écrasée par de plus grands groupes comme Air France et Lufthansa.

Alitalia détient la plus petite part du marché européen du transport aérien et celle d’Ita ne pourra être que plus faible encore. La Commission européenne est plus que sceptique quant à la nouvelle entreprise aérienne italienne, utile à court terme pour payer les salaires, mais en l’état, incapable de se maintenir à long terme.

Dès lors, le choix de l’Union européenne de ne pas soutenir la recapitalisation d’Alitalia par le gouvernement italien est le résultat de la situation de perte dans laquelle l’entreprise était déjà avant la pandémie. Il ne s’agit donc pas d’une discrimination à l’encontre du groupe italien. Il ne faut pas oublier que Alitalia perd de l’argent depuis des années et que ce sont les citoyens italiens, par l’impôt, qui payent les plans d’aides de l’Etat italien octroyés à un groupe non-rentable. Ainsi, en Italie, nombreux sont ceux qui souhaiteraient voir l’entreprise fermer ses embarcadères...

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