Lorsqu’ils décidèrent d’aller au restaurant, ils ne parlèrent qu’en anglais pour ne pas être pris pour des Serbes visitant leur pays.Ils commandèrent donc leur café en anglais, le serveur albanais se retourna et leur demanda en serbo-croate : « Hoceš veliki ili mali ? »(tu en veux un grande ou bien ?). Tous se mirent à rire et les Serbes se sentirent tout de suite mieux. Ils étaient surpris par la tolérance affichée des Albanais, alors qu’ils avaient tenté de dissimuler leurs véritables identités. La tolérance représente la condition fondamentale et nécessaire pour que la jeunesse serbe et albanaise communique sans crainte.
La jeunesse veut le changement
Participant à un événement régional organisé par la JEF, j’ai remarqué à quel point la jeunesse de Serbie, du Kosovo, de Macédoine, d’Albanie et d’autres pays des Balkans manifestaient un désir de voir s’instaurer le progrès, pas seulement dans leur avenir politique, mais aussi dans leur qualité de vie et la perspective d’une vie paisible. Cela ne sera possible que lorsque la « bonne paix » s’établira dans la région. Les experts expliquent qu’une bonne paix est une paix qui fait disparaître les raisons sous-jacentes de la guerre, une paix qui n’est pas seulement une trêve, mais un changement au sein des relations humaines. La Serbie ne pourra probablement pas offrir une bonne paix au Kosovo aussi longtemps que sa société restera identique ; de même, le Kosovo ne pourra pas offrir une bonne paix à sa population serbe aussi longtemps que la société kosovare restera identique.
C’est là que réside le problème. La Serbie restera anti-démocratique tant qu’elle fera sienne les richesses du Kosovo (économies personnelles, titres de propriété, etc.) et qu’elle laissera les familles de Gjakova dans la peine des « disparus ». Simplement, la Serbie porte en elle son futur autant que les nôtres, otage parce qu’opiniâtre.
« La violence fondamentale »
Le Kosovo est lui aussi anti-démocratique. Il a besoin d’intégrer les Serbes locaux autant que possible et de cesser toute violence envers eux. Mais son plus grand problème n’est pas tant le manque de démocratie que la pauvreté.
La pauvreté, qui se traduit par le manque de revenus et de richesses, il vaudrait mieux aujourd’hui l’éradiquer, est source de conflit au sein d’une société donnée. Le pouvoir, l’argent et la fierté sont en train de disparaître et lorsqu’ils sont rares dans une société telle que celle du Kosovo, le conflit n’est pas loin. En fait, certains considèrent la pauvreté et la faim comme des formes d’oppression et de violence. Ils appellent cela la « violence fondamentale » qui la plupart du temps, résulte autant de problèmes structurels que des relations humaines, telles que le meurtre. Au Kosovo, il existe ce type de violence qui ne vient pas du passé, mais plutôt de l’extrême pauvreté qu’il y règne. Au regard de cette définition, on peut parler de mauvaise paix au Kosovo. Il n’y a pas tant de meurtres commis que cela, mais il y a une immense pauvreté et un déclin des valeurs, qui pourraient entraîner un nouveau conflit ; il suffit de regarder un instant ce qui s’est passé en mars 2004, période durant laquelle des gens ont souffert de morts violentes.
Pour la plupart des jeunes kosovars et serbes, faire des idées démocratiques un style de vie semble plutôt une utopie. Avec sa culture militariste, la Serbie où l’armée joue un rôle prépondérant dans la conduite du gouvernement, peut représenter une menace pour un pays comme le Kosovo, en particulier pour les gens vivant à la frontière. Se trouver si près d’une « bombe à retardement » rendra les jeunes albanais du Kosovo aussi pessimistes que ceux de Serbie, aussi longtemps que la perspective d’une vie paisible, loin de tout conflit, posera problème.
Bonne paix et indépendance du Kosovo
Pour instaurer une bonne paix nouvelle et durable, nous devons non seulement modifier les apparences d’une société et de son système politique, mais aussi les mentalités, ce qui se révèle très subjectif. Pour le Kosovo, une bonne paix signifie un changement rapide de la société. L’indépendance est nécessaire de la part de la Serbie et de l’Albanie ; l’alternative signifie tout à la fois, traiter le conflit et une plus grande exigence sociale du peuple envers son gouvernement pour amorcer un mouvement de paix, des activités politiques différentes, le renforcement des points de vue contre la violence, un système éducatif pacifié.
L’échange culturel démontrera que les différences nationales ne sont pas une menace pour notre pays. Nous devons essayer d’établir une fierté citoyenne plutôt qu’une fierté ethnique. Un nouveau système qui garantit l’égalité en politique et les droits de l’homme, une rapide progression de l’économie d’Etat seront le meilleur indicateur que la Kosovo se dirige vers la bonne paix.
L’établissement de la bonne paix est bien sûr lié à l’indépendance du Kosovo car sans cela, il n’y aura ni bonne paix, ni mauvaise paix. L’indépendance aiderait aussi à l’intégration de la Serbie et à l’implantation de la démocratie. J’espère que cela ne sera pas compris comme une rhétorique trop souvent entendue. La Serbie a réellement besoin de se décharger du poids de son histoire et de cesser son mysticisme envers le Kosovo. Si le Kosovo et la Serbie entament de telles politiques fructueuses et changent le discours tant entendu de « gagnant-perdant » contre celui de « gagnant-gagnant », ils encourageront leur jeunesse à croire en un avenir meilleur. La construction des démocraties dans cette partie du globe prend une importance multidimensionnelle. Le plus important à retenir, c’est que deux démocraties ne se combattent jamais. Nous assistons au spectacle de deux anti-démocraties se combattant ou de la démocratie combattant l’anti-démocratie, mais nous n’avons jamais vu deux démocraties partirent en guerre.
Voilà ce qu’est une bonne paix : lorsque deux pays n’ont pas de raison de se battre parce qu’il n’y en a plus. L’alternative à la bonne paix est la violence, le conflit, le meurtre, le sous-développement, etc. Tout ce que nous vivons depuis longtemps dans les Balkans.
Si nous continuons dans cette direction, les étudiants occidentaux en sciences politiques continueront d’apprendre que les Balkans sont une région plongée dans un désordre sans issu.
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