Pour une démocratie mondiale participative à divers niveaux

Article paru à l’origine dans The Federalist Debate, Turin, puis dans le numéro 186 de « Fédéchoses »

, par Giampiero Bordino

Pour une démocratie mondiale participative à divers niveaux
Drapeau fédéraliste. Domaine public

Les défis posés par l’absence d’un gouvernement mondial, les crises socio-économique, culturelle, environnementale, culturelle et institutionnelle qui en découlent ainsi que les réponses qu’il est possible de leur apporter sont l’objet principal de ce volume [La rivoluzione globale per un nuovo umanesimo. Le vie d’uscita dalle emergenze planetarie, ndlr du Taurillon]. Orazio Parisotto est un spécialiste des sciences humaines avec une longue expérience des ONG et des institutions européennes.

L’horizon de l’ouvrage est la construction d’un nouvel humanisme impliquant des « opérateurs de paix » sur tous les continents, pour parvenir à une « révolution globale et pacifique comme Gandhi a su la faire en Inde ». Puisque nous sommes tous sur le « même vaisseau de la planète Terre », ou bien nous serons capables de construire une « nouvelle maison commune » en rendant à la politique et aux institutions leur tâche de régler les problèmes qui concernent tous les humains, que ce soit la paix ou l’environnement, ou bien l’humanité sombrera dans le chaos, la barbarie, l’autodestruction. Un tel objectif est-il irréalisable, un rêve ? L’auteur se réfère à un témoin crédible, Nelson Mandela, qui a remporté pour son propre pays un défi qui paraissait impossible : « Qu’est-ce qu’un gagnant sinon un rêveur qui n’a jamais baissé les bras ? »

Comment s’y prendre pour affronter les défis de la mondialisation et construire une nouvelle maison commune ? Le livre de Parisotto regorge d’idées, d’intuitions et de suggestions pratiques. On peut partir de l’enseignement et l’information, deux thèmes auxquels l’auteur accorde à juste titre une grande importance. Comme disait Albert Einstein – souvent cité dans l’ouvrage – « si l’humanité veut survivre, nous avons réellement besoin d’une nouvelle façon de penser ».

L’auteur plaide pour un modèle éducatif interculturel et interreligieux fondé sur une éthique commune : « Ne fais pas aux autre ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse » étant, selon l’auteur, un principe commun à toutes les religions. Il avance l’idée d’une charte universelle des devoirs fondamentaux qui sous-tendrait cette nouvelle éthique.

Le modèle éducatif proposé est fondé explicitement sur une perception holiste du monde, allant au-delà de la vision mécaniste typique de l’Occident (le livre de Fritjof Capra, The Tao of Physics, est cité). Ce modèle comporte trois dimensions interdépendantes : psycho-physique, environnementale et civique. Dans ce contexte, la question de l’information se pose. Celle-ci est menacée actuellement, en particulier par les fake news sur internet ; des procédures doivent être instaurées pour garantir la fiabilité de l’information, « un défi essentiel pour notre avenir ».

Le deuxième sujet majeur du livre est environnemental et socio-économique. Le modèle néolibéral qui domine depuis des décennies, basé sur l’exploitation incontrôlée des ressources naturelles et du travail humain a failli. En 2018, lors du Sommet de Davos, les leaders mondiaux ont finalement reconnu que les inégalités avaient atteint un niveau insupportable : les 1% les plus riches possèdent autant de richesse que les 99% restants ! À l’origine de ce phénomène se trouve l’impuissance des institutions et des politiques à contrôler les capitaux et les marchés. Ces derniers sont désormais transnationaux tandis que les autorités politiques demeurent nationales. L’économiste Joseph Stiglitz a bien décrit les conséquences de cet état de fait sur la fiscalité dans un passage coté par Parisotto : « Dans une situation où le capital peut se déplacer librement d’un endroit à l’autre, si l’on tente de taxer davantage le capital, celui-ci se déplace immédiatement vers un autre endroit. Ainsi, alors que les inégalités se sont accrues, en particulier au cours des trois dernières décennies, la capacité de redistribuer les revenus à travers la taxation du capital a-t-elle été grandement réduite ».

Plus largement, au-delà du problème grandissant des inégalités, l’impuissance des politiques et des institutions est évidente au regard de l’urgence environnementale. La pénurie d’eau, la pollution des sols et de l’air, la démographie, et même certaines technologies nouvelles (voir les manipulations génétiques) sont autant de menaces qui pèsent sur la terre et ses habitants. On n’y fera face qu’en réformant radicalement l’architecture de la gouvernementalité mondiale, c’est-à-dire en dépassant la souveraineté nationale pour instaurer une véritable souveraineté mondiale. À défaut, la perspective d’autodestruction peut devenir rapidement réalité.

La voie à suivre, qui peut prendre pour guide la pensée fédéraliste, consiste dans la construction d’institutions supranationales au niveau continental et au niveau mondial. Ce n’est pas fortuit si l’auteur s’intéresse particulièrement à la réforme de l’ONU et défend le projet d’une autorité globale « pour le IIIe millénaire » ainsi que l’idée d’une taxe Tobin globale pour la financer. L’auteur consacre une large place à la politique d’unification de l’Europe, laquelle « bien qu’inachevée, représente la plus grande initiative d’unification pacifique d’un continent jamais entreprise jusqu’ici ».

Par essence, une dimension essentielle du nouvel humanisme proposé par l’auteur est la démocratie participative à plusieurs niveaux. Soit six niveaux complémentaires et interdépendants : familial, municipal, régional, national, continental, mondial.

Comme l’écrivait Arnold Toynbee, le grand historien des civilisations, dans son livre posthume, Mankind and Mother Earth : A Narrative History of the World (1976) cité par Parisotto : « Les États-Nations actuels ne sont pas capables de préserver la paix, ni de protéger la biosphère de la pollution d’origine humaine, ni préserver les ressources non-renouvelables. L’anarchie politique internationale ne saurait durer plus longtemps ».

Article paru initialement dans la revue The Federalist Debate, Turin, Vol. XXXII, n° 3, novembre 2019, puis dans le numéro 186 de « Fédéchoses », la revue de débat et de culture fédéraliste fondée en 1973. Avec tous les remerciements de la rédaction. Article traduit de l’anglais par Michel Herland.

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