Dans le système législatif européen, les projets de législation, proposés par la Commission européenne, doivent être négociés puis adoptés conjointement par le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne. D’un côté, le Parlement européen représente les citoyens de l’Union avec des députés élus au suffrage universel direct. De l’autre, le Conseil de l’Union, constitué des ministres des gouvernements de chaque Etat membre réunis en fonction de leur domaine d’activité (économie, agriculture, affaires étrangères…), représente les intérêts des Etats. Ainsi, toute législation de l’Union européenne est censée être adoptée sur la base d’un équilibre entre l’intérêt des citoyens européens et l’intérêt des Etats membres. Pour autant, le Conseil de l’Union a longtemps cristallisé l’idée même de déficit démocratique. Aux débuts de la construction européenne, le Parlement européen était réduit à un rôle consultatif, tandis que le Conseil était au cœur du centre décisionnel du système institutionnel européen.
Un blocage dans le processus démocratique européen
Face à ce déséquilibre, le rôle du Parlement européen a été considérablement renforcé pour asseoir sa légitimité en tant que seule institution européenne élue directement par les citoyens. Malgré ces efforts, le fonctionnement du Conseil de l’Union reste problématique. Premièrement, le Conseil tire sa légitimité du fait que les ministres sont responsables devant leur parlement national. Au premier abord, le raisonnement semble logique. Il pose cependant plusieurs problèmes d’un point de vue du processus décisionnel. Les ministres représentent avant tout le gouvernement auquel ils appartiennent, dans la vision à court terme et cloisonnée au niveau national que leur mandat implique. Deuxièmement, le système de vote au sein du Conseil demeure complexe. Pour les questions les plus sensibles, le vote se fait à la majorité qualifiée (l’ensemble des votes doit représenter 55% des Etats et 65% de la population de l’Union), voire à l’unanimité. La majorité qualifiée favorise les Etats les plus peuplés en contraignant les plus petits à choisir leur camp, tandis que le vote à l’unanimité permet à un seul Etat de bloquer toute prise de décision.
Le Conseil de l’Union apparaît ainsi comme une institution fonctionnant à coups de négociations opaques et de tractations diplomatiques, peu compatibles avec son rôle de co-législateur. Le Conseil s’apparente davantage à un champ de batailles où les Etats préservent jalousement leurs intérêts qu’à un lieu de débats où ils peuvent faire entendre leurs sensibilités différentes. A cela s’ajoutent le manque de visibilité et la complexité du Conseil qui empêchent les citoyens de saisir son rôle et son fonctionnement.
Une réforme nécessaire du Conseil de l’Union européenne
Le Conseil doit effectuer une transition vers un fonctionnement plus transparent. Le Parlement européen représente déjà la taille des Etats, avec un nombre de députés proportionnel à leur population. Le Conseil doit devenir l’institution où les Etats sont représentés de manière égale. Plutôt que d’y inclure des ministres désignés avant tout pour leur action au niveau national, il serait plus judicieux d’organiser l’élection d’un nombre identique de sénateurs pour chaque Etat. Les sénateurs européens auraient un mandat plus long que les députés du Parlement européen, et indépendant de la durée de leur gouvernement national. Les sénateurs défendraient ainsi les intérêts de leur État avec une vision sur le long terme. L’élection de sénateurs européens par les parlements nationaux permettrait de les impliquer dans le processus législatif européen, alors que nombre de critiques reposent justement sur cette mise à l’écart. Un Sénat des Etats pourrait simplifier le fonctionnement de l’Union, vers plus d’efficacité et de transparence.
Une solution alternative serait de remplacer le Conseil par un Sénat des régions. Au plus près de la réalité économique et sociale des citoyens, les régions seraient plus pertinentes pour prendre des décisions au niveau européen, mais une telle configuration écarterait complètement les Etats du processus. Si de telles réformes ne sont pas à l’ordre du jour, il est indéniable que le Conseil de l’Union européenne a besoin d’être réformé en profondeur. Les européens connaissent peu cette institution, ils la comprennent mal et finissent par se perdre dans la complexité du système institutionnel européen.
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