Pollution : l’UE ouvre une enquête contre BMW, Daimler et Volkswagen

, par Rémy Mével

Pollution : l'UE ouvre une enquête contre BMW, Daimler et Volkswagen
Déjà épinglé en 2015 par la Commission européenne, le groupe Volkswagen fait à nouveau l’objet d’une enquête, pour pratiques anticoncurrentielles avec BMW et Daimler.

La Commission européenne soupçonne trois géants européens de l’automobile d’une entente visant à éviter une réelle concurrence sur la réduction de la pollution engendrée par les nouvelles technologies applicables aux voitures fonctionnant à l’essence et au diesel. BMW, Daimler (Mercedes-Benz, Smart...) et le Groupe VW (Volkswagen, Audi et Porsche) se seraient ainsi concertés pour ne pas appliquer ces coûteuses mesures. La Commission a ouvert une enquête formelle dans le but de déterminer si une entente illégale a bien eu lieu.

D’une enquête initiale à une enquête approfondie

Une enquête initiale, comme le souligne le communiqué de la Commission, était déjà en cours depuis plusieurs mois pour déterminer si des éléments sérieux permettaient de nourrir de réels soupçons. En effet, dès octobre 2017 et au même titre que pour l’enquête approfondie actuelle, les locaux de ces entreprises, surnommées le « Cercle des Cinq », ont été inspectés.

Dès lors, ce deuxième volet de l’enquête concentre sa recherche sur les informations que la Commission semble avoir obtenu à propos de réunions entre les cinq entreprises. L’enjeu est de déterminer si l’objet de ces réunions était bien de s’entendre pour « limiter le développement et le déploiement de certains systèmes de contrôles des émissions pour les voitures vendues dans l’Espace économique européen ». L’entente porterait précisément sur deux dispositifs de réduction d’émissions : les systèmes de réduction catalytique sélective dits SCR (oxydes d’azote produits par les moteurs diesel) et les filtres à particules Otto dits OPF (particules nocives produites par les moteurs essence).

Une des difficultés de l’enquête résidera probablement dans le contenu des réunions en question, puisque de nombreux autres sujets ont pu être évoqués durant ces entrevues, de manière légale : standards communs pour le contrôle de la qualité, sur le contrôle des pièces détachées, collaboration sur les essais de collision…

L’industrie automobile allemande déjà sinistrée par les scandales précédents

Cette enquête formelle s’ouvre trois ans après le Dieselgate de Volkswagen, qui a éclaté en septembre 2015. Elle avait illustré les prouesses techniques du Groupe pour modifier les émissions de substances polluantes durant les tests d’homologation de voitures essence et diesel… D’après une étude parue dans la revue Nature en 2017, 38 000 personnes sont décédées de manière prématurée en 2015, à cause des excès d’émissions d’oxydes d’azote liés au Dieselgate.

Le préjudice réputationnel du Monkeygate de janvier 2018 est, lui aussi, bien présent. Les méthodes du Groupe européen de recherche sur l’environnement et la santé dans le secteur du transport (EUGT), rémunéré par Volkswagen, Daimler et BMW, avaient été exposées. En 2014, dix singes ont été enfermés dans une salle close durant quatre heures, aux côtés d’une voiture en marche sur un tapis roulant. Le test visait à démontrer les progrès effectués au niveau de la pollution engendrée par les véhicules diesel. Après cette première révélation du New York Times, la Süddeutsche Zeitung et la Stuttgarter Zeitung ont même prouvé que des tests au dioxyde d’azote (NO2) avaient eu lieu sur des humains…

Vers un nouveau Dieselgate ?

D’après la règlementation en vigueur, dès le lancement d’une procédure par la Commission européenne sur l’affaire concernée, les autorités nationales de concurrence de l’Etat membre concerné ne peuvent plus jouir « de leur compétence pour appliquer également les règles de concurrence de l’UE » (se référant à l’art. 11 § 6). Ces autorités doivent aussi « éviter de prendre des décisions qui iraient à l’encontre d’une décision envisagée » par la Commission, dans le cadre de l’enquête (se référant à l’art. 16 §1).

La Commission pilote donc clairement cette enquête et ses conséquences pourraient faire date pour le secteur automobile, dont les frasques médiatiques ont déjà fortement amenuisé l’image… De plus, les enquêtes sur des soupçons d’ententes ne sont pas limitées dans le temps, et au vu de la complexité et la technicité de celle-ci, elle risque d’être particulièrement longue.

Des amendes considérables ont déjà été infligées par la Commission en réponse à des ententes. En 2016 et 2017, la Commission a considéré que les leaders européens de la construction de camions s’étaient entendus sur leurs prix et leur politique de conformité à des obligations antipollution : l’amende s’est élevée à presque quatre milliards d’euros en tout. En l’espèce et si les revenus concernés sont ceux de l’année 2016, l’amende infligée par la Commission aux constructeurs automobile pourrait s’élever à un peu moins de cinquante milliards d’euros au total, c’est-à-dire 10 % du chiffre d’affaires des entreprises visées.

L’enquête, si son ampleur semble lui faire revêtir une qualité politique, reste avant tout une procédure administrative : il s’agit de déterminer impartialement si BMW, Daimler et le Groupe VW se sont entendus ou non pour niveler par le bas leurs équipements antipollution. Cependant, la portée globale de la politique de concurrence européenne n’en est pas moins fortement politique. Comme l’exprime la Commissaire européenne à la Concurrence Margrethe Vestager, « cette collusion a peut-être privé les consommateurs de la possibilité d’acheter des voitures moins polluantes, alors que la technologie était à la disposition des constructeurs ». Il s’agit avant tout de protéger le citoyen consommateur européen contre un éventuel abus de l’industrie. Les développements publics de l’enquête seront publiés sur la page correspondant à l’affaire du registre des Antitrust/Cartel Cases de la Commission européenne.

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