Peut-on expérimenter de nouvelles formes de Démocratie en Europe ? (2/2)

Seconde partie : La proposition du tirage au sort

, par Arnaud Huc

Peut-on expérimenter de nouvelles formes de Démocratie en Europe ? (2/2)

Les élections européennes approchent et avec elles l’obligation de faire un choix sur le futur de l’Union européenne. Mais, plutôt que de n’être de simples électeurs votant en faveur de partis politiques pour lesquels l’élection européenne a avant tout une dimension nationale, pourquoi ne profiterions-nous pas de cette élection pour imaginer une Europe plus démocratique ? Une réflexion en deux parties.

La voie des anciens, le tirage au sort

Parfois il suffit de regarder en arrière pour trouver des solutions. Les athéniens avaient au VIe et Ve siècles av-J.C mis en place le tirage au sort pour la désignation de certaines assemblées et de certaines magistratures [1]. L’héliée était par exemple composée de 6000 citoyens tirés au sort. Les athéniens avaient par ailleurs conservé un système électif pour certaines fonctions et notamment les fonctions militaires. Surtout, il ne faut pas croire que la démocratie athénienne était parfaite, comme beaucoup de régimes elle avait ses défauts et la guerre du Péloponnèse les démontra.

Le tirage au sort est une méthode qui est souvent critiquée car comme dirait Etienne Chouard elle amène Monsieur tout le monde « au pouvoir » . Et c’est justement cela son avantage ! Depuis quand faut-il être un professionnel de la politique pour prendre des décisions qui nous concernent tous. Le tour de magie de nos élites a été de nous faire croire que seuls eux pouvaient (avaient la capacité de) présider à nos destinées. Quand on nous dit que la démocratie représentative permet aux électeurs de choisir le meilleur représentant, celui qui a les capacités à nous « guider », il nous suffit alors de regarder la qualité générale assez mauvaise de nos hommes politiques actuels, mais ce constat n’engage que moi. De plus la démocratie représentative ne nous permet pas de choisir librement nos représentants, mais nous force à les choisir parmi une liste de candidats déclarés eux mêmes désignés par leurs partis politiques.

Une autre critique est souvent avancée, le tirage au sort pourrait amener des hommes mauvais au pouvoir, des corrompus, ou des dictateurs en puissance. Tout d’abord, les élections, historiquement, ont amené leur lot de dictateurs au pouvoir, leur lot de corrompus et de mafieux. Ensuite, le tirage au sort comme le souligne Etienne Chouard ne peut s’envisager que dans un cadre collégial, c’est à dire ou l’ontire au sort plusieurs individus . Ce n’est pas un président qu’on désigne au sort mais un collège exécutif. On peut ainsi espérer que le caractère collégial suffise à faire peur aux plus ambitieux.

Le tirage au sort est l’application même de l’égalité. Avec lui tous les citoyens ont les mêmes chances d’exercer une part du pouvoir. Tirer au sort des représentants, notamment pour le Parlement a cet avantage qu’on amène aux responsabilités des personnes qui n’en veulent pas. C’est justement à l’homme qui ne veut pas du pouvoir, qui prendra cela comme un devoir, un fardeau, qu’il faut donner le pouvoir. Il ne sera ni trop ambitieux, ni trop corrompu par celui-ci et essaiera juste de remplir sa tache comme il le pourra jusqu’à la fin d’un mandat qui serait de toute façon court. D’aucuns diront que les lois sont trop compliquées à faire pour les « hommes ordinaires ». A ceux là il faut répondre que si les lois sont compliquées c’est parce que nos dirigeants veuillent qu’elles le soient. Il est facile de se gouverner avec des lois simples. Les romains n’ont par exemple voté que 25 lois en l’espace de 300 ans, et il ne semble pas qu’ils aient connu une anarchie permanente pendant toutes ces années. De l’autre côté nos démocraties représentatives souffrent d’inflation législative et de bureaucratie. Les gouvernements successives légifèrent sur tout, bricolent les lois précédentes, en font de nouvelles et rendent la législation de plus en plus complexe.

Introduire le tirage au sort, une question de courage plutôt que de faisabilité

Introduire le tirage au sort, tout comme introduire la démocratie directe est quelque chose de difficile. Ne comptons pas sur les hommes politiques. C’est demander au Roi qu’il se guillotine lui-même. En réalité, ces réformes sont quasi impossibles à mettre en place tant elles vont à l’encontre du système « démocratique » actuel. Il faudrait élire des représentants portant ces idées et être sur qu’ils ne trahissent pas leur programme une fois au pouvoir et in fine en majorité ? C’est une douce utopie.

Ainsi, avant de demander de refonder tout un système politique, voir une façon de faire de la politique pourquoi ne nous contentons pas d’une chose plus simple ? Pourquoi ne demandons pas à nos hommes politiques, à l’échelle européenne (ou nationale), de nous laisser écrire notre constitution. Internet fournit aujourd’hui une plateforme idéale pour permettre aux citoyens de s’exprimer. Or, tous autant que nous sommes, nous pensons que l’Union européenne actuelle n’est pas idéale. Certains pensent que le volet politique est trop peu développé, d’autres pensent que c’est le volet social. Nous sommes 500 millions au sein de l’Union européenne. Demandons à nos élus de nous laisser écrire le prochain traité/constitution pour l’Union européenne. Ainsi nous pourrons dire que nous avons crée l’Union que nous voulions. Certains des articles ne nous plairont pas, peut être que le résultat final approuvé par référendum nous semblera insatisfaisant mais au moins nous aurons eu notre mot à dire et nous ne serons pas contenté d’un oui ou d’un non comme cela fut fait en 2005. Surtout souvenons-nous que « ce n’est pas aux hommes au pouvoir d’écrire les règles du pouvoir ».

Notes

[1Hansen M-H, La démocratie athénienne à l’époque de Démosthène : Structure, principes et idéologie, Paris, Editions Tallandier, 2009, 493p.

Vos commentaires
  • Le 9 avril 2014 à 20:27, par Alexandre Marin En réponse à : Peut-on expérimenter de nouvelles formes de Démocratie en Europe ? (2/2)

    « C’est justement à l’homme qui ne veut pas du pouvoir, qui prendra cela comme un devoir, un fardeau, qu’il faut donner le pouvoir. »

    J’avoue ne pas très bien comprendre cette phrase. Si on donne le pouvoir à celui qui n’en veut pas, la chose la plus probable est qu’il s’acquitte de sa tâche avec de la mauvaise volonté, voire de la négligence. D’ailleurs il n’est guère susceptible d’être moins corrompu qu’un avide de pouvoir. D’où vient que la volonté s’oppose au pouvoir ? Je peux vouloir exercer une fonction, et la considérer comme un devoir. Il y a ici une confusion entre devoir et contrainte.

    « la démocratie représentative ne nous permet pas de choisir librement nos représentants, mais nous force à les choisir parmi une liste de candidats déclarés eux mêmes désignés par leurs partis politiques »

    Selon moi, le problème de la démocratie, ce sont les électeurs. Le défaut dénoncé de la démocratie représentative, c’est son côté grégaire (reproduction des élites, etc.). Si la démocratie est grégaire, c’est parce que les électeurs sont grégaires. La classe politique n’est que le reflet de la société civile. Si vous ne voulez pas de la liste, présentez-en une !

    La classe politique ne fait que promettre du « pain et des jeux », en garantissant qu’ils vont résoudre tous les problèmes de la société d’un coup de baguette magique. Si les citoyens suivent, c’est qu’ils ne raisonnent qu’en se demandant ce que la France ou l’Europe peuvent faire pour eux, pas ce qu’ils peuvent faire pour l’Europe. C’est pour cela que l’on laisse un ancien ministre de l’intérieur dire par exemple que les Roms n’ont pas vocation à s’intégrer. Il est là le problème de la démocratie. Comment peut-on vouloir un système de protection sociale efficace si le citoyen se désengage et considère que c’est à l’Etat de s’en charger entièrement ? Si on se désintéresse de sa communauté et de son prochain, comment vouloir que les élus s’intéressent à nos problèmes ?

    D’ailleurs, les promesses politiques tournent d’avantage autour d’une baisse du chômage, de la fiscalité, de ma richesse de chacun, que de la défense des libertés fondamentales, qui demeurent de nos jours gravement menacées.

  • Le 9 avril 2014 à 20:29, par Alexandre Marin En réponse à : Peut-on expérimenter de nouvelles formes de Démocratie en Europe ? (2/2)

    Si la démocratie fonctionne mal, c’est certes de la faute des élus et des médias, mais c’est aussi de la faute des citoyens et de leur indifférence. Et ce n’est pas un changement de système qui change les mentalités et qui résout les problèmes.

    Enfin, traditionnellement, le fait d’avoir des « élites » dans les parlements sert à éviter les pièges de la démagogie, un peu comme un syndicat dans une entreprise. Par exemple, supposons qu’un employeur demande à ses salariés de voter une augmentation de salaire ; il serait logique que les salariés l’approuvent ; mais si l’employeur se sert de cette augmentation pour justifier des licenciements, le rideau tombe. Les syndicats sont là pour éviter de telles dérives. C’est pourquoi, le droit du travail impose aux entreprises de passer par les syndicats ou les comités d’entreprise pour ce genre d’opération. Il en va de même pour les parlementaires : ils sont là, en théorie, pour éviter qu’un ambitieux n’impose un pouvoir personnel et illimité dans le temps et l’intensité par son charisme et sa démagogie.

    D’ailleurs, les premiers syndicats de l’Histoire ont été constitués par les ouvriers du livre, les ouvriers imprimeurs, qui devaient savoir lire, pour exercer leur métier. C’étaient les seuls ouvriers à devoir savoir lire et à devoir lire les livres qu’ils imprimaient.

    Pour reprendre Polybe, pour assurer une forme harmonieuse de système politique, il faut de la démocratie, de l’aristocratie, et de la monarchie. Si un de ces éléments manque, la démocratie vire à l’ochlocratie, l’aristocratie vire à l’oligarchie, et/ou la monarchie vire à la tyrannie.

  • Le 11 avril 2014 à 02:04, par tnemessiacne En réponse à : Peut-on expérimenter de nouvelles formes de Démocratie en Europe ? (2/2)

    Mais qui sont ces gens ? Je sais comment ça se passe dans un parti politique. Comment a t on laissé des moins que rien qui ont juste de l’ambition pour écraser les gens normaux. Mais écoutez Montebourg. Donner la parole à n’importe qui dans la rue yadura plus de dignité. Tout le monde les respecte parce que c des apartchik de m. C un scandale. C l’origine du FN et c pas près de changer. Une Honte ! Et le pire c que personne régit à part le vote FN contre cette classe inconsciente.

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