En effet, en crise depuis plusieurs années, le Portugal connaît un redressement économique inattendu en 2017. Inutile de rappeler la situation économique catastrophique du pays des Oeillets en 2011, période durant laquelle ce dernier avait été déclaré en « déficit excessif » par la Commission européenne. Alors, contraint de demander un plan d’aide à l’Union européenne et au Fonds Monétaire International, le Portugal avait été bénéficiaire d’une aide européenne s’élevant à hauteur de 78 milliards d’euros afin de l’épauler dans sa reconstruction économique.
Sur le plan politique, alors que les gauches européennes se fracturent comme c’est par exemple le cas en France, le « Bloco de Esquerda » [ Bloc de Gauche ] de Antonio Costa (élu Premier ministre en 2015 et encore en fonction) regroupant les socialistes portugais associés à la gauche radicale et aux communistes en un parti anti-austérité semble œuvrer comme il se doit au redressement de la situation économique du pays.
Déjà, le mardi 18 juillet 2017, à Lisbonne, le Commissaire européen aux Affaires économiques et financières, à la Fiscalité et à l’Union douanière, Pierre Moscovici, avait confirmé de bons résultats suite à la politique économique et aux mesures prises par le gouvernement Costa en affirmant que « la réduction du déficit au Portugal [serait] durable » et que « la croissance sera[it] probablement supérieure à 2,5% en 2017 ». Ceci du fait « des progrès significatifs [qui] ont été accomplis » dans le secteur financier avec une nouvelle arrivée d’investisseurs étrangers depuis 2015 (notamment dans le secteur du textile, des chaussures et de l’automobile), des exportations, qui représentent environ 40% du PIB portugais aujourd’hui, et de l’« énorme boom du tourisme ».
Aujourd’hui, le Portugal s’est remis sur les rails en se situant sous la barre des 3% de déficit public autorisés et fixés par les règles européennes et en voyant clôturer la procédure de « déficit excessif » engagée par la Commission européenne il y a sept ans. Bien que ceci soit déjà un progrès considérable pour le pays lusophone, celui-ci peut aussi faire-valoir un taux de croissance de +2,7% en 2017, tout en affichant un taux de chômage en baisse comme a pu l’annoncer le ministre des finances portugais Mario Centeneo, le 22 janvier 2018, lors de la réunion Eurogroupe dont il est le président depuis le 4 décembre 2017.
Un plan anti-austérité, des mesures « à la portugaise » ; serait-ce la solution pour l’Europe ?
La coalition de gauche du gouvernement Costa, défaite des règles d’austérité budgétaire édictées par la troïka (gels des salaires des fonctionnaires et des pensions de retraite, baisse des prestations sociales etc.), a mis en place une politique de « relance par la demande et une amélioration des protections sociales » en impulsant le pouvoir d’achat et par conséquent la consommation des Portugais par le rétablissement des salaires et des retraites, en baissant drastiquement les investissements publics, en augmentant les impôts sur les sociétés et en augmentant la fiscalité indirecte (immobilier, carburant etc.)
Même si aujourd’hui les résultats sont visibles, comme nous avons pu le constater précédemment, seul l’avenir nous dira si cette politique anti-austérité permettra au Portugal d’avoir un taux de croissance pérenne puisqu’il nous faut garder à l’esprit que le PIB portugais reste inférieur à celui d’avant la crise de 2008. Aussi, les analyses économiques divergent entre ceux affirmant que cette « croissance du siècle » est dû à la politique économique du « Bloco de Esquerda » et ceux affirmant que cela est surtout dû à la confiance redonnée au Portugal par les investisseurs étrangers et aux réformes d’austérité pratiquées au temps de la droite portugaise sous le gouvernement de Pedro Passos Coelho alors au pouvoir de 2011 à 2015. Comme l’a annoncé João Luis César das Neves, professeur à l’Université catholique de Lisbonne : « le gouvernement a réussi à mener une sorte d’austérité acceptable socialement […], le gouvernement a acheté la paix sociale […], [mais] de profonds déséquilibres n’ont toujours pas été résolus, tous les périls demeurent » du fait des difficultés du pays à se financer et de sa dépendance vis-à-vis des politiques de la Banque centrale européenne.
Néanmoins, même si l’accent est porté sur l’aspect positif de cette croissance à +2,7% en 2017 pour le Portugal et que les avis sont parfois opposés, ne serait-ce pas « l’occasion d’en finir avec la théorie selon laquelle l’Europe est condamnée à un avenir fait seulement d’austérité » comme l’affirme le ministre des finances Mario Centeno, le modèle lusitanien ne serait-il pas « une recette exportable dans tout le continent » ?
Il semblerait que ce soit une possibilité. Même le FMI avait déjà annoncé en 2016, à propos de la Grèce, que « l’austérité ne fonctionnait pas ». Certes, préconiser une politique sociale de relance en Europe paraît chimérique là où les institutions européennes ont toujours été favorables aux politiques d’austérité. Mais comment blâmer un pays sortie de crise en ne suivant pas la ligne dictée par la Commission européenne ? Comme le disait Fernando Pessoa, grand poète Portugais, dans ses Textos Filosoficos : « Esperar pelo melhor e preparar-se para o pior : eis a regra. » [Espérer le meilleur et se préparer au pire : c’est la règle]. Ceci semble parfaitement s’appliquer à ce contexte économique dans lequel nous devons garder espoir afin de s’orienter vers un changement économique et social permettant une sortie de crise en Europe.
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