Un camp ravagé, des populations paniquées,... Les images de l’incendie du camp de la Moria le 9 septembre dernier sont de nouvelles preuves – s’il en fallait – de l’immense échec de la politique migratoire européenne. Face à cette actualité « brûlante », la réaction des institutions européennes ne s’est pas faite attendre. Le Discours sur l’état de l’Union européenne le 16 septembre dernier, a favorisé cette prise de position. Une annonce phare a marqué ce discours de près d’une heure et demie : la modification du règlement de Dublin. Une semaine plus tard, le 23 septembre, la Commission proposait un nouveau « pacte européen sur la migration et l’asile ». Des contrôles plus fréquents au frontières, une procédure de rapatriement facilitée, un système de quotas abandonné… Le Taurillon fait le point.
« Restaurer la confiance des citoyens dans la capacité de l’Union à gérer la migration »
Cette réforme de la politique migratoire européenne part du constat simple que « le système actuel ne fonctionne plus ». Les accords de Dublin, selon lesquels le premier pays d’entrée est responsable de la prise en charge des migrants, a poussé à l’engorgement de camps de plus en plus vétustes : l’île de Lesbos en est un symbole. Le nouveau pacte doit à la fois « renouer la confiance entre les pays », et mettre un terme aux solutions ponctuelles et temporaires. Il s’agit d’adopter une « approche européenne globale de la migration ».
Au cœur de cette démarche se trouve la recherche de consensus. Tout l’enjeu de ce texte consiste en effet à parvenir à un équilibre, à un « partage équitable » des responsabilités. Face à la montée de l’euroscepticisme dans les États membres confrontés à de fortes vagues migratoires (notamment l’Italie), ce nouveau pacte fait office de test. L’Union européenne saura-t-elle « restaurer la confiance des citoyens dans [la] capacité [des Vingt-Sept], en tant qu’Union, à gérer la migration », comme le promet Ylva Johansson, commissaire aux affaires intérieures ?
Cinq piliers pour un système migratoire renouvelé
Le premier constat de la Commission européenne concerne la lenteur des procédures d’accueil et de rapatriement. Afin de parer à ce manque d’efficacité, le nouveau Pacte européen sur la migration et l’asile envisage un durcissement des règles de filtrage et d’identification des personnes à l’entrée de l’Union européenne. Il sera désormais moins facile d’entrer sur le territoire des vingt-sept. A cela s’ajoute un changement de stratégie dans la répartition du poids économique et social de la crise migratoire. Exit les accords de Dublin, la gestion de l’asile et de l’immigration doit désormais s’appuyer sur deux nouveaux principes : le « partage équitable des responsabilités » et la « solidarité ». Concrètement, cela implique qu’en cas de tension, chaque État membre apporte son soutien pour stabiliser l’ensemble du système.
Ce soutien peut prendre des formes très différentes, de la relocalisation des demandeurs d’asile à une aide plus matérielle. Cela doit en outre être complété par la création de « partenariats sur mesure et mutuellement avantageux avec les pays tiers », tel que décrits dans le troisième pilier du pacte. Un cadre juridique harmonisé doit également voir le jour, et les effectifs spécialement dédiés à la protection des frontières européennes doivent être renforcés, stipule le quatrième pilier du pacte.
Il en va de la crédibilité de l’Union européenne dans le domaine de la migration. Cette section envisage ainsi la formation d’un contingent permanent de garde-frontières et de garde-côtes dès le 1er janvier prochain. Un nouveau coordinateur de l’Union européenne chargé des retours sera en outre nommé et assurera le dialogue avec un réseau de représentants nationaux. Enfin, l’Europe doit être en mesure d’attirer les talents étrangers. Pour ce faire, le cinquième pilier du Pacte prévoit un plan d’action global sur l’intégration et l’inclusion pour la période 2021-2024, spécialement dédié à ce sujet.
Les députés européens, ainsi que les chefs d’Etats, doivent à présent décider du sort de cette réforme de la politique migratoire. La Commission se veut optimiste et compte sur une adoption à la fin de l’année.
Un accueil contrasté
Les réactions face à ce nouveau texte sur la migration sont néanmoins très contrastées. « Triomphe de Viktor Orban », durcissement à outrance des règles sécuritaires et des contrôles pour les uns ; pacte « pris sous le coup de l’émotion » pour Thierry Mariani et trop laxiste pour les autres, le texte de la Commission ne parvient pas à élever le débat. Dépourvu de véritable vision, sinon la recherche de consensus, le pacte européen sur la migration et l’asile reste avant tout une base de négociation. Le risque étant de réduire cette crise profondément humaine à un énième débat théorique et abstrait.
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