Nos mondes sont à l’arrêt, pas nos problèmes sociaux

, par Kiera Wason Milne, Sport et Citoyenneté

Nos mondes sont à l'arrêt, pas nos problèmes sociaux
Image : Pexels / Pixabay

C’est comme si quelqu’un avait appuyé sur le bouton pause à l’échelle mondiale. Nos mondes, nos sociétés, nos styles de vies sont à l’arrêt, et c’est une expérience tout à fait unique.

Bien que nous partagions un désir de retrouver une certaine « normalité », considérée comme acquise, nous sommes sans cesse encouragés à prendre ce temps suspendu comme une opportunité. Pour apprendre, pour créer, pour réfléchir, pour réparer, pour développer, ou pour repenser nos mondes de demain. Embarquer dans un voyage d’introspection, que ce soit au niveau personnel ou sociétal, n’est que rarement sans gêne. Faisant partie du processus, c’est tout à fait normal. N’ayons pas peur de ce léger malaise, il ne durera qu’un temps, le temps de nous habituer à cette lumière éblouissante qu’est notre réalité et les extrêmes que nous avons normalisés. Cette introspection nous permettra de nourrir ensemble notre humanité, en pensant nos mondes de demain et comment les mettre en place dès à présent.

Le sport et son secteur font peut-être partie intégrante de votre vie, que ce soit par la pratique, la compétition, le bénévolat, le supportérisme ou encore l’activité professionnelle. Pour un nombre encore plus important, le sport ne fait pas l’objet d’un intérêt ou d’une passion particulière. Mais en y réfléchissant bien, il occupe une place influente dans la vie de personnes qui vous sont proches. Il est ainsi indirectement présent dans la vie de chacun. Vous en avez donc peut-être entendu parler : le secteur sportif, et notamment le sport pour tous et le sport amateur, est violemment affecté par la crise sanitaire, aussi bien au niveau local, national qu’européen.

A échelle humaine, la disparition abrupte du sport pour tous semble laisser derrière lui un vide majeur en matière de lien social. Lorsqu’il est employé correctement, le sport offre une plus-value qui dépasse grandement celle de la santé physique et mentale de ses pratiquant(e)s. Par sa popularité, par son langage universel et par sa nature apolitique, le sport pour tous est un lieu de sociabilité et de cohésion sociale. C’est cet aspect-ci qui fait du sport pour tous un terrain propice à l’inclusion sociale de populations éloignées, marginalisées ou nouvelles. De fait, ce terrain, si précieux au bien-être nos communautés locales, est également mis sur pause. Notre solitude solidaire est un temps opportun pour réfléchir à celle des autres, à celle des publics isolés qui n’est ni limitée ou ni entamée par la crise sanitaire, comme c’est le cas pour les populations réfugiées et migrantes.

Depuis 2014, des projets et initiatives favorisant et promouvant l’inclusion sociale des réfugiés et migrants par le sport se sont démultipliés à travers le continent, aussi bien à l’échelle locale qu’européenne. Malgré les résultats positifs, la rentabilité économique et les preuves de leur efficacité, l’utilisation du sport comme vecteur d’inclusion sociale demeure malheureusement sous-exploitée. Il faut dire que le sport est souvent le dernier point à l’agenda politique ; s’additionnant au fait que l’intérêt politique, médiatique et public reste aujourd’hui encore rivé sur les frontières et les chiffres des primo-arrivants, et ce depuis 2014. Nous voilà donc mal engagés, par ces deux plans, pour déclencher le changement de perspective nécessaire pour faire face à cette fameuse « crise » des réfugiés et migrants. Afin de sortir de cette situation, il est indispensable de placer la notion de crise non pas aux frontières de l’Union européenne (UE) et de ses États Membres, mais au sein des communautés locales. C’est bien une « crise d’inclusion sociale » qui s’installe silencieusement.

L’UE a saisi la situation critique qui prend forme si l’intégration de ces nouveaux arrivants n’est pas pensée et actée de manière proactive au niveau national, régional et local. Cette prise de conscience est reflétée dans les lettres de missions respectives de la Commissaire Mariya Gabriel (en charge de l’Innovation, de la Recherche, de la Culture, de l’Education et de la Jeunesse, portefeuille auquel est rattaché le sport) et du Vice-Président de la Commission européenne Margaritis Schinas (en charge de la Promotion de notre mode de vie européen), tous les deux chargés d’utiliser le potentiel du sport pour accroître la cohésion sociale. Malgré la pandémie, Margaritis Schinas et la Commissaire Ylva Johansson (en charge des affaires internes) sont récemment revenus au centre des discussions lorsque les ministres de l’Intérieur d’Allemagne, d’Espagne, de la France et d’Italie ont ensemble émis des propositions pour relancer la réforme du système d’asile européen (le nouveau pacte sur la migration et l’asile), qu’ils sont tous deux chargés de livrer.

La pandémie n’affecte pas les flux migratoires vers l’Europe. Le défi social, conséquent, reste le même. Un long chemin reste à parcourir avant la généralisation d’initiatives mobilisant le sport comme outil d’inclusion sociale. Prenons cette pause individuelle pour songer à comment, collectivement, nous pouvons contribuer à relever, dès demain, cet enjeu.

Kiera Wason-Milne, Cheffe de projet « Affaires européennes », Think tank Sport et Citoyenneté
Mots-clés
Vos commentaires
modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?

Pour afficher votre trombine avec votre message, enregistrez-la d’abord sur gravatar.com (gratuit et indolore) et n’oubliez pas d’indiquer votre adresse e-mail ici.

Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Suivre les commentaires : RSS 2.0 | Atom