Selon RSF, l’indépendance des réactions et la transparence de la propriété des médias constituent des défis essentiels. En effet, l’ONG fustige le manque d’indépendance de l’autorité de régulation de l’audiovisuel et les dérives de la lutte contre la propagande. Ces défis sont d’autant plus conséquents dans un pays dont la population est exaspérée par une corruption endémique et un niveau de vie très précaire, le plus faible d’Europe. Quel avenir pour la liberté de la presse dans de telles
Une presse « diversifiée mais polarisée »
Dans une Moldavie indépendante depuis plus de vingt ans maintenant, les médias sont organisés selon les grandes failles de la société. En ce sens, ils sont constitués selon la structuration polarisée de la société. Rappelons que la presse moldave a initialement servi à la cause de l’indépendance du pays ; les premiers médias libres apparaissant dans les années 1990. En 1994, la compagnie d’Etat « Téléradio-Moldava » est créée et directement placée sous le contrôle de la Présidence de la République ; faisant de la télévision et de la radio d’Etat les seuls médias en Moldavie. « Téléradio-Moldava » se fera le porte-parole peu critique des gouvernements en place en raison de sa forte proximité avec ces derniers. Au milieu des années 1990, plusieurs chaines de télévision voient le jour.
La presse écrite est quant à elle initialement partagée entre des journaux moscovites et d’autres journaux pro-roumains. A ce titre, « Timpul » et « Contrafort » illustrent l’opacité des sources de financement des médias moldaves puisque soutenus indirectement par le gouvernement roumain. Au moment de l’indépendance du pays, le journal « Moldava Suverana » se fera le porte-parole du pouvoir en place. A la fin de l’année 1995, des journalistes d’opposition sont violemment agressés. Ces menaces contre la liberté d’expression conduiront le Parlement à adopter, en 1996, une charte des activités médiatiques, garantissant une meilleure protection et un droit à la liberté d’expression renforcé. L’architecture médiatique des années 1990 est finalement assez diversifiée.
Toutefois, l’arrivée au pouvoir de Vladimir Voronin en 2001, du parti communiste de la République de Moldavie ouvertement favorable à la Russie, a suscité de vives inquiétudes pour les partenaires occidentaux. Dès sa nomination, le parti a mis en place un contrôle sévère de la télévision et de la radio nationale : période, difficile à imaginer mais pourtant bien réelle, durant laquelle les ¾ de la population n’ont accès qu’à la seule chaine de télévision publique, Moldava 1. En 2002, une grève d’environ 500 journalistes de Téléradio Moldova [1] a provoqué une réaction du Conseil de l’Europe dont l’Assemblée parlementaire a demandé la fin du contrôle politique sur la chaîne publique et la privatisation de cette dernière. Malgré ces oppositions, la chaîne deviendra tout de même le porte-parole officiel du gouvernement. Il en va de même pour la presse écrite puisque le parti en place a la pleine main sur le journal Moldava Suverana. Avec Vladimir Vorinin au pouvoir de 2001 à 2009, le pluralisme des médias est devenu quasi inexistant et la liberté de la presse n’a cessé de se dégrader.
Le secteur audiovisuel au service des oligarques
Avec un président pro russe, Igor Dodon, mais un gouvernement quant à lui pro européen et le lancement par l’Union européenne d’un Partenariat occidental, les relations UE/Moldavie se sont approfondies depuis 2009. Dans cette optique, avec ce nouveau souffle pro européen, la réforme du Code de la diffusion audiovisuelle avait pour but de « réduire les influences étrangères », et notamment la menace russe. Reporters sans Frontières continue en effet de dénoncer le manque d’indépendance de l’autorité de régulation de l’audiovisuel. La réforme ayant eu cours en 2016 est accusée de servir les intérêts des oligarques des médias comme Vlad Plahotniuc plutôt que de diminuer les influences étrangères. Cette réforme incohérente a introduit de sévères restrictions dans les programmes en langue étrangère et ceux venus de l’étranger. Selon l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe et le Conseil de l’Europe, « ces mesures constituent une forme indirecte de censure et limitent le droit des citoyens à avoir accès à une information pluraliste ». Les amendements en question ont en réalité été proposés par le Parti démocratique (PDM), et « élaborés avec Media House et General Media Group, qui appartiennent à Vlad Plahotniuc ». Cela ne donc fait que renforcer l’influence exercée par les oligarques des médias.
Rappelons en effet que Vlad Plahotniuc est propriétaire de General Media Group et contrôle de nombreuses chaînes de télévision ; lui procurant ainsi une influence déterminante dans les hautes sphères politiques du pays, jusqu’au Parlement. Dès lors, les enjeux que sont la protection du pluralisme médiatique et l’introduction de limites sur la concentration de la propriété des médias ont aujourd’hui encore toute leur place en Moldavie…
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