Marie-Pierre Vedrenne : « On veut porter une Europe qui met fin à sa naïveté »

, par Laura Mercier

Marie-Pierre Vedrenne : « On veut porter une Europe qui met fin à sa naïveté »
Marie-Pierre Vedrenne est candidate sur la liste Renaissance pour les élections européennes de 2019. Photo : DR

A quelques jours du scrutin européen, le Taurillon a interviewé Marie-Pierre Vedrenne, candidate en troisième position sur la liste Renaissance pour les élections européennes.

Laura Mercier : Vous êtes en troisième position sur la liste Renaissance pour les élections européennes, pourquoi avez-vous choisi de vous porter candidate ?

Marie-Pierre Vedrenne : Parce que l’Union européenne est le bon échelon pour agir sur de nombreux sujets. C’est la bonne échelle pour répondre aux enjeux de la mondialisation et mettre en place un espace plus juste, plus vert et peser dans ce contexte mondialisé.

J’ai été membre de l’association des Jeunes Européens ainsi que directrice de la Maison de l’Europe de Rennes. Mais mon engagement, véritablement, en tant que citoyenne, s’est exprimé dans mes origines et dans des rencontres. Je suis originaire du Limousin, j’ai visité Oradour-sur-Glane, j’ai rencontré Lucie Aubrac et de par les échanges que j’ai avec ma famille, la question de la paix a toujours été centrale dans ma vie. Je m’engage avant tout parce que pour moi, l’Union européenne c’est la paix, la libre circulation. C’est de là que vient mon attachement au projet européen, qui s’est ensuite poursuivi à travers des études de droit européen et l’appréhension d’un espace européen de réglementation qui nous est essentiel. C’est un espace à préserver et à expliquer, je l’ai fait dans le cadre des Jeunes Européens et de mes fonctions à la Maison de l’Europe. Et puis j’ai eu envie de m’engager et d’aller plus loin. On est dans un contexte de montée des nationalismes, un contexte de complotisme où on nous fait croire que l’Union européenne serait la cause de tous nos maux. Ça, je ne peux pas l’admettre. J’ai donc fait le choix de candidater aux élections européennes sur la liste Renaissance.

Laura Mercier : Pourquoi la liste Renaissance ? Qu’est-ce qui vous a convaincu dans ce projet ?

Marie-Pierre Vedrenne : Déjà, Emmanuel Macron, lorsqu’il était candidat aux élections présidentielles en 2017, était le seul à porter les questions européennes. Je me souviens trop de par le passé, que ce soit le PS ou LR, qui portaient les questions européennes en demi-teinte. Emmanuel Macron a affirmé son engagement et a porté les enjeux européens à travers sa candidature puis en tant que président, avec le discours d’Athènes, le discours de la Sorbonne, et je me retrouve dans ces ambitions. Je me retrouve dans le projet porté par cette liste, celui d’une Europe plus verte, plus unie, une bonne échelle de souveraineté. C’est une continuité de mon engagement que d’être sur cette liste.

Laura Mercier : Dans le programme que vous défendez, plusieurs mesures nécessitent une réforme des traités européens pour être mises en place : doter le Parlement européen du pouvoir d’initiative législative, mettre fin à la règle de l’unanimité au Conseil sur les questions de fiscalité. Comment se matérialiserait une telle réforme ? Quel rôle les citoyens peuvent-ils jouer ?

Marie-Pierre Vedrenne : On l’a dit et on l’a écrit, la réforme des traités ce n’est ni un tabou ni un totem. Oui, pour pouvoir porter une Europe plus juste, plus sociale et plus proche des citoyens, il sera nécessaire de changer les traités. Mais pour autant, on porte aussi dans notre programme des mesures qui sont réalistes et réalisables dans le cadre des traités actuels. On est conscient qu’une réforme de traité passe par des référendums et cela peut être très compliqué : on l’a vu en Irlande, en République Tchèque, en France.

Mais cette réforme, encore une fois, ne sera ni un tabou ni un totem. Et pour y arriver, on défend aussi des actions avec les citoyens : renforcer l’Initiative Citoyenne Européenne, faire du Parlement un vrai parlement avec l’initiative législative sont des avancées essentielles. Notre devoir en tant que futurs parlementaires sera d’être présents en sessions et commissions, mais aussi à revenir sur notre territoire. On a pour cela signé une charte d’engagement. Il y a un rôle important à remplir, celui de donner aux citoyens la possibilité de mieux comprendre l’Union européenne, son fonctionnement. On remarque que les Français voient plutôt l’UE comme la France en grand. Pour changer ça, on s’engage aussi à renforcer le programme Erasmus en triplant son budget. L’Europe des citoyens se construira aussi grâce à la libre circulation et leur engagement.

Laura Mercier : Concernant Erasmus, j’ai remarqué notamment deux mesures dans le programme de la liste Renaissance : d’un côté, tripler le budget pour la période 2021/2027 et de l’autre, inclure progressivement un échange Erasmus dans les formations de chaque jeune européen. Aujourd’hui, le budget Erasmus permet seulement à une minorité de jeunes d’effectuer une mobilité. Pensez-vous que l’objectif d’un budget triplé peut suffire à ce que chaque jeune en ait l’opportunité ?

Marie-Pierre Vedrenne : L’objectif d’un budget triplé est un premier pas pour élargir le programme. Il est nécessaire aussi, dans ce projet, d’accompagner davantage les jeunes qui partent via Erasmus. En effet, ça ne sera sûrement pas suffisant, mais cette volonté d’élargir est essentielle : dès le plus jeune âge, élargir le programme aux apprentis, aux enseignants qui ont aussi un rôle de promotion primordial. On veut aussi soutenir les jeunes artistes européens : l’Europe des citoyens passe aussi par la culture. Bâtir des résidences culturelles européennes va dans ce sens. Développer le Corps européen de solidarité est aussi un de nos objectifs : peu de gens connaissent ce dispositif or les jeunes veulent s’engager et on le voit quotidiennement. Je pense que pour élargir Erasmus, nous avons beaucoup de barrières à faire tomber et pas seulement financières.

Laura Mercier : Dans votre programme, il est également prévu d’instaurer un salaire minimum qui serait adapté à chaque pays. Or, le Parlement européen n’a pas de compétence relative aux salaires nationaux. Comment allez-vous mettre cette mesure en place ?

Marie-Pierre Vedrenne : C’est comme pour l’acte 1 de la directive des travailleurs détachés : là aussi, on a nous a toujours dit que ce serait impossible, que ça ne relevait pas des compétences de l’UE, mais il y a eu des avancées. Il ne faut rien lâcher sur l’émergence d’une Europe plus sociale et ça doit passer par la mise en place d’un SMIC adapté à chaque Etat membre de l’UE. En l’absence de ce SMIC adapté, on crée des distorsions à l’échelle de l’Union européenne. Or, il est reproché à l’UE de créer ces distorsions, cette concurrence et de favoriser la délocalisation. On aura l’ambition de travailler avec le Conseil sur ce sujet. Et il y a déjà une base à ce travail commun. Dans notre campagne, les candidats sont aux côtés de nos parlementaires nationaux, de nos ministres : c’est cet engagement commun qui nous permettra de faire avancer l’Europe.

Mais vous avez raison, la question des mesures sociales nous oblige à nous demander quelle Europe nous voulons et comment agir. A terme, nous aurons besoin d’une réforme des traités pour que l’Union européenne repose sur des compétences solides en matière sociale. Cette évolution viendra de l’implication des citoyens. On le voit, les citoyens sont beaucoup plus prêts parfois que nos propres chefs d’Etat, à transférer des compétences à l’Union européenne.

Laura Mercier : Vous prévoyez aussi d’organiser une « Conférence pour l’Europe » : quels en sont les objectifs et sous quel format une telle conférence aurait lieu ?

Marie-Pierre Vedrenne : L’objectif est d’impliquer les jeunes générations, associer les citoyens autour de ce premier acte de renaissance de l’Europe. Cette conférence rassemblera des chefs d’Etat, des élus locaux, des citoyens tirés au sort pour pouvoir porter cette refondation du projet européen et déterminer les priorités qui doivent être européennes.

Lorsque les chefs d’Etat et de gouvernement prennent des décisions seuls, il n’y a pas d’adhésion de la part des citoyens car l’Union européenne a aussi créé un sentiment de déception. Oui, l’UE a apporté la paix, la liberté, la libre circulation, mais on l’oublie. Et que prônent les nationalistes, que prône Marine Le Pen depuis Milan ? La désunion. Dans cette Conférence pour l’Europe, on doit porter une ambition européenne avec les citoyens.

Laura Mercier : Depuis plusieurs mois, la jeunesse européenne se mobilise à travers le continent et attend des engagements et des actions fortes pour préserver notre environnement. Dans le programme de la liste Renaissance, vous proposez la mise en place d’une Banque pour le climat. C’est une mesure que l’on retrouve également dans le programme du Parti socialiste et de Place publique. Comment se matérialiserait une telle banque ?

Marie-Pierre Vedrenne : Oui, la jeunesse, et pas que, se mobilise dans cette transition et elle a raison, c’est maintenant qu’il faut agir. On veut associer tout le monde autour de la table pour travailler ensemble à cette transition. C’est d’ailleurs ce que représente notre liste, avec notamment Pascal Canfin et Jérémy Decerle. C’est cette volonté de ne pas opposer, de travailler ensemble pour trouver des solutions. Avec cette Banque du climat, on peut orienter l’épargne des Européens vers la croissance verte : la rénovation des bâtiments, faire en sorte que 40% des dépenses du budget européen soit consacré à la transition écologique, mettre fin aux centrales à charbon. On a fixé aussi l’ambition de pouvoir instaurer le principe de pollueur-payeur : des produits qui sont importés sur notre marché et qui ne correspondent pas à nos valeurs environnementales, ne rentrent pas sur le marché européen et sont taxés. On ne peut pas porter une Europe plus unie si on oblige pas à la réciprocité face aux États-Unis, à la Chine et autres Etats continents. On veut porter une Europe qui met fin à sa naïveté pour véritablement porter sa voix dans la mondialisation. On a un modèle à défendre sur la scène internationale et pour ça, on a besoin d’être unis.

Laura Mercier : Pour conclure cet entretien, j’ai une série de trois questions que nous posons à plusieurs candidats. Tout d’abord, en tant que députée européenne, quelle serait la première mesure concrète que vous voulez voir adoptée par le prochain Parlement européen ?

Marie-Pierre Vedrenne : Ce qui me tient à cœur, en lien avec mon parcours et les sujets du commerce international sur lesquels je veux m’impliquer au Parlement, c’est porter notre directive éthique. On ne peut pas conclure des accords commerciaux avec des Etats qui ne sont pas signataires des Accords de Paris. Faire adopter cette directive sera un de mes combats au sein du Parlement européen.

Laura Mercier : Pour vous, qu’est-ce que la citoyenneté européenne ?

Marie-Pierre Vedrenne : C’est difficile d’apporter une réponse qui correspondra à chacun. Se sentir citoyen européen, c’est propre à chacun. Oui, dès que nous avons la nationalité d’un des Etats membres, nous sommes citoyens européens. Mais cette citoyenneté reste différente d’un territoire à l’autre et d’une personne à l’autre. Il nous faut donc, via la mobilité et via nos systèmes éducatifs, incarner davantage cette citoyenneté. Ça passe aussi par un travail dans les médias et une responsabilité à chaque échelle, par les élus.

Laura Mercier : D’après un récent sondage de l’IFOP, 77% des 18/25 ans n’iront pas voter ce dimanche 26 mai. Quel message voulez-vous leur adresser pour les faire changer d’avis ?

Marie-Pierre Vedrenne : Ne vous laissez pas voler cette élection, c’est votre avenir qui est en jeu. On l’a vu avec le Brexit : les jeunes ne se sont pas mobilisés au moment du référendum, et maintenant, on voit qu’ils ne pourront plus bénéficier des acquis de l’Union européenne. Alors il faut s’engager, se mobiliser, aller voter : il n’y a qu’un seul tour. Le futur, il se construit aujourd’hui.

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