Lettre ouverte de Roland Ries à Bernard Kouchner

Le Taurillon a publié le 7 décembre dernier l’article d’Arielle Rouby, fonctionnaire au Parlement européen qui se trouvait en Inde lors des attentats du 26 novembre dernier.

S’étant retrouvée sans passeport à la suite des événements, cette européenne convaincue qui détient la double nationalité franco-allemande s’est heurtée à l’autarcie de ses deux ambassades, constatant avec stupéfaction l’écart qui sépare la réalité de la citoyenneté européenne et sa proclamation par les traités, de surcroît en période de crise.

Nous saluons l’initiative de Roland Ries et le remercions de nous autoriser à reproduire cette lettre sur le Taurillon.

Le Maire, Strasbourg, Le 11 décembre 2008

Monsieur le Ministre,

J’apprends à la lecture des Dernières Nouvelles d’Alsace du samedi 6 décembre dernier, ainsi que du magazine en ligne Le Taurillon du dimanche 7 décembre la mésaventure de Madame Arielle ROUBY, fonctionnaire au Parlement européen.

Celle-ci, strasbourgeoise d’origine a, comme de nombreux enfants de la région, la double nationalité française et allemande.

Alors que cette richesse devrait être un atout pour elle, sa double identité s’est transformée en cauchemar, votre administration n’ayant semble-t-il pas encore intégré pleinement les dispositions de l’article 20 du Traité instituant la Communauté européenne. Celui-ci vise à garantir une pleine protection consulaire des citoyens européens à l’étranger.

Or, prise dans le feu des attaques terroristes de Bombay à la fin du mois de novembre, Madame ROUBY s’est vue refuser l’assistance diplomatique par l’Allemagne au prétexte qu’elle avait une autre nationalité de l’Union européenne, et par la France en raison du fait qu’elle était entrée sur le territoire indien avec son passeport allemand.

Sans appuis diplomatiques bien placés, qui sait si elle ne serait pas toujours bloquée en Inde, chaque Etat membre de l’Union européenne ne s’occupant que de ses propres nationaux au lieu de considérer tous les ressortissants européens sur un pied d’égalité ?

Quant aux citoyens titulaires d’une double nationalité, ils ne devraient pas être désavantagés par rapport aux autres Européens, alors qu’ils sont, plus que nous tous, les vrais enfants de la construction européenne. C’est particulièrement le cas ici, à Strasbourg, où se construit dans l’Eurodistrict Strasbourg-Ortenau une nouvelle manière de vivre concrètement l’Union européenne.

Je vous remercie par avance de bien vouloir me faire connaître les dispositions que vous entendez prendre pour que les Etats membres garantissent enfin une mise en œuvre effective de la citoyenneté européenne.

Dans cette attente, je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, à l’assurance de ma haute considération.

Roland RIES