Quand les citoyens apprennent en faisant
Il n’y a pas meilleure motivation à l’apprentissage qu’une cause en laquelle on croit. La culture de militantisme qui s’est développée autour de la lutte contre le Brexit est riche. Pétitions, manifestations, bus de campagne, lettres adressées à leurs députés, campagnes protéiformes sur les réseaux sociaux, marchés, actions dans les rues, déguisements, les militants ont mis tous les outils imaginables au service de leur cause. Via des groupes de coordination tenus par des volontaires sur Facebook, ils apprennent des autres et mettent à l’essai leurs techniques en interagissant avec les organisations militantes locales.
Depuis trois ans, on retrouve dans de nombreux foyers britanniques un endroit dévolu à l’entreposage d’équipements de campagne tels des drapeaux et des tracts. Quand des centaines voire des milliers de citoyens apprennent à monter un stand sur la voie publique, à tenir une campagne politique sur les réseaux sociaux ou à organiser des manifestations à l’échelle locale, la vie démocratique du pays en ressort grandie.
En assistant au dédale législatif qu’a connu le Brexit au sein du parlement britannique, les citoyens intéressés par la question en ont appris davantage sur le système politique de leur pays qu’ils ne le pourraient sur les bancs de l’école. T-J Marsden, figure de proue de l’organisation de la campagne à Édimbourg depuis 2017, en veut pour preuve les tendances de recherches enregistrées sur Google : « La prorogation, cette procédure parlementaire obscure, n’a fait l’objet, pendant des années, que d’une poignée de recherches, avant de connaitre une explosion lorsque tout le monde a voulu savoir ce que cette notion recouvrait. »
De sujets de la démocratie à citoyens acteurs de leur démocratie
Les responsables politiques favorables au Brexit et la Première ministre ont martelé que revenir sur un référendum tenu trois années plus tôt saperait la confiance en la démocratie de citoyens du Royaume-Uni. Il s’avère que l’inverse s’est produit : la campagne pour le maintien dans l’Union européenne a rendu un fier service à la démocratie britannique.
Elle a, en effet, enseigné à la population comment s’engager. Certains pensent même que ce processus a rappelé aux Britanniques la nature fondamentale de la démocratie.
« Si le Brexit devait avoir un point positif, c’est que les citoyens arrivent doucement au constat que la démocratie est l’affaire du peuple, qu’elle ne s’organise pas par le haut, mais par la base », déclare T-J Marsden, avant d’ajouter : « Beaucoup se sont engagés et ont découvert qu’en réalité s’organiser au niveau local n’est pas aussi difficile qu’il n’y parait, mais aussi que, si la politique peut sembler complètement inabordable, c’est parce que certains l’ont enveloppée de mystères. »
Désormais, les citoyens consacrent davantage de leur temps libre au bénévolat. En outre, tout ce que les Britanniques ont appris lors de la campagne (communication écrite et verbale, organisation d’évènements, travail d’équipe, compétences pratiques diverses allant de la conception graphique rudimentaire à la logistique du matériel de campagne) pourrait les aider à se montrer plus productifs et créatifs au travail.
Quelle que soit l’issue de la procédure de retrait de l’Union européenne, l’économie et le tissu social du Royaume-Uni en ressortiront meurtris. À l’inverse, les fluctuations erratiques provoquées par le Brexit au cours des dernières années ont eu la vertu de renforcer les Britanniques, d’améliorer leurs compétences et de les préparer à la mobilisation quand le besoin s’en fera sentir.
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