Les Outre-Mer et l’UE (3/5) : Quel avenir pour la Nouvelle-Calédonie en Europe ?

, par Valentin Dantec

Les Outre-Mer et l'UE (3/5) : Quel avenir pour la Nouvelle-Calédonie en Europe ?
Nouvelle-Calédonie / Source Pixabay

Après de nombreuses décennies de négociations et de tractations, les résultats finaux sont tombés. La Nouvelle-Calédonie reste au sein de la République française. Le contexte est certes trouble après l’abstention massive des indépendantistes qui ne reconnaissent donc pas l’issue de l’ultime référendum du 12 décembre 2021, mais c’est bel et bien le résultat qui sera juridiquement valable et pris en compte. Or, si l’on se fie aux deux précédents scrutins, en 2018 et 2020, l’opinion publique néo-calédonienne à ce sujet est divisée plus ou moins en deux. Et ce n’est pas un résultat officiel et définitif qui effacera toutes les tensions.

Bref historique et raisons du mal-être

La Nouvelle-Calédonie a une relation compliquée avec les Européens. Cette île fut découverte des Européens en 1774 par l’explorateur britannique James Cook, qui nomma l’île en l’honneur du nom latin donné à l’Ecosse : Caledonia, avec la particule « New » apposée comme si le caillou était tout juste sorti d’un four divin. Comme à chaque histoire de colonisation de l’époque, la rencontre engendra les sept étapes du deuil : 1) le choc (à savoir le choc microbien apporté par les Européens), 2) la douleur (abandon des coutumes locales de force), 3) la colère (violences entre européens et locaux), 4) le marchandage (développement du commerce de la baleine), 5) la dépression (le taux d’alcoolémie atteignant des sommets inédits pour les populations locales), 6) la reconstruction (selon les normes européennes) et 7) l’acceptation (l’installation pérenne des européens). Le statut de colonie signifiait à l’époque un florilège de joyeusetés : bagne pour criminels, Code de l’Indigénat (aucun droits ou libertés accordés aux populations autochtones), l’accaparement des terres, etc.

Ignorer cette réalité historique est une grave erreur, et apporter comme contre-argument le développement économique et éducatif est la prolongation d’une pensée coloniale. La liberté n’a pas pour prix la construction de routes ou l’apprentissage du français à l’école. Les européens devraient le savoir, ce sont les premiers à en scander le nom à la moindre déconvenue.

De plus, la fin du XXème siècle et le début du XXIème ont vu une vague de regain nationaliste et identitaire autour du globe, avec un nombre record d’accès à l’indépendance de divers peuples autour du monde, auxquels le peuple Kanak n’a pas eu accès.

Le problème est que les européens se sont installés durablement sur cette île, encore plus qu’ailleurs étant donné le statut particulier de colonie pénitentiaire, les bannis n’ayant nulle part autre où aller. Cela fait donc près de 170 ans que les descendants de ces colons originels y sont nés, y ont grandi et y ont vécu toute leur vie, se mélangeant – ou pas – aux populations locales. Impossible de dire aux descendants de ceux-là aujourd’hui qu’ils ne sont pas néo-calédoniens. Il y a donc un délicat équilibre à trouver entre identités Kanaks, identités néo-calédoniennes, et identités provenant de tout le Pacifique par immigration (les 3 représentent chacun à peu près un tiers de la population totale). La question n’est plus si oui ou non les Kanaks auraient leur propre pays, mais comment interagir en harmonie entre les divers peuples vivant sur place, car l’heure n’est plus à la colonisation ni à la revanche, mais à l’avenir.

De l’Union européenne à l’Union Néo-calédonienne : in varietate concordia

Et ce discours de réconciliation prend de plus en plus de place dans le débat national, si l’on peut dire ainsi. Et puisque le pays de la taille de la Slovénie reste bel et bien en Europe, c’est la seule issue possible. Il est facile de parler de réconciliation lorsque ce n’est pas son identité qui est remise en question, mais l’Europe a beaucoup de conseils à donner en termes de réconciliation.

La devise même de l’Europe le dit si bien : unis dans la diversité. Assurer un avenir prospère pour tous en Nouvelle-Calédonie passe par cette union des diverses identités, par une véritable compréhension des uns et des autres. Les batailles d’autrefois en Europe se résolvent aujourd’hui à coup de véto et de prises de tête au Conseil. Malgré les désaccords, les Européens ont appris à vivre ensemble après des milliers d’années de conflit. Y compris les partis les plus souverainistes ne veulent pas couper complètement les ponts avec leurs voisins.

Il y a également beaucoup de choses à apprendre des États fédéraux européens, telles l’Allemagne, la Suisse, ou l’Espagne, qui parviennent à réunir plusieurs cultures au sein d’une seule entité, où les diverses identités ne sont pas en compétitions, mais se superposent. On peut très bien être Bavarois, Allemand, et Européen. Pourquoi ne pourrait-on pas être Kanak, Français, et Européen ? Il est vrai que la situation n’est pas exactement comparable, certes. L’un est une union de peuples voisins avec des spécificités communes, l’autre une cohabitation entre des peuples locaux et des descendants de colons. La Finlande serait un bon exemple d’occupation du territoire par un peuple n’y étant pas natif (les Finnois) ni n’ayant de lien de parenté avec les locaux (les Sami). Le pays, vieux d’à peine une centaine d’années, a réussi à faire cohabiter les deux en prenant en compte les spécificités et les coutumes de chacun.

Les solutions

Exemple européen ou non, la Nouvelle-Calédonie devra choisir son chemin dans les années à venir. Et ce chemin sera plus autonome que la situation de l’archipel actuellement. L’île possède déjà son propre statut au sein de la France, et le statut (très large) de RUP (région ultrapériphérique) au sein de l’Europe. Les langues et les cultures Kanaks ne peuvent être mises sous le tapis, car elles sont l’âme même de l’archipel. Ce qui fait la beauté d’un territoire ce sont ses spécificités, et non son uniformité. La reconnaissance des torts du passé est également une étape importante dans l’acceptation et le pardon de tous les partis. Mais aussi la réalisation qu’un avenir commun est bien plus désirable et respectueux d’une autodétermination qu’une mise sous tutelle chinoise, résultant de leur politique diplomatique actuelle. Une option régulièrement mise en avant est celle du statut d’État associé, un État indépendant mais qui décide de lui-même d’abandonner certains aspects souverains (notamment la question militaire et la représentation internationale). C’est le cas par exemple de Palaos, associé aux États-Unis, ou Niue, associée à la Nouvelle-Zélande. Une autre solution serait de fédérer la Nouvelle-Calédonie elle-même en une sorte d’État fédéral au sein de la République. Ou bien respecter les aires coutumières kanaks, de façon similaire au statut si particulier de Wallis-et-Futuna (qui possède 3 rois bel et bien reconnus comme tels). Peu importe la solution, puisque tout est à revoir, il est temps de bien faire les choses.

C’est le moment de s’écouter réellement, mais surtout, de se comprendre. Nous l’avons fait dans le passé, nous pouvons aisément le refaire.

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