Législatives : la Suède à un carrefour de son intégration intérieure et extérieure

, par Alexis Vannier

Législatives : la Suède à un carrefour de son intégration intérieure et extérieure
Parlement suédois, source Pixabay

Deux semaines avant des législatives cruciales en Italie où l’extrême-droite est à un cheveu -blond- du pouvoir, ce sont les Suédois qui inauguraient la rentrée politique en Europe pour renouveler les 349 membres du Riksdag, le Parlement monocaméral suédois. À noter également le premier test électoral le 11 septembre en Russie, où des élections governorales et législatives infranationales ont eu lieu. À Stockholm, néanmoins, les électeurs ont décidé d’envoyer une majorité de droite. Une conséquence indirecte de la guerre en Ukraine ?

Défense et sécurité en campagne

Ce scrutin législatif sera officiellement le plus serré qu’ait connu le Royaume scandinave. Il semblerait que tout se soit joué littéralement à un cheveu. Le bloc de gauche (rejoint par le Parti du Centre, écoeuré par la fin du cordon sanitaire autour des Démocrates suédois (SD) du Sverigesdemokraterna décidée par le conservateurs) obtient ainsi 174 sièges, contre 175 pour le bloc droite-droite radicale. Les Sociaux-démocrates (S) du Sveriges Socialdemokratiska Arbetareparti trustent encore la première place et gagnent pourtant des sièges : avec 30,5% des voix et 108 sièges obtenus, ils gagnent 2,2 points et 8 strapontins au Parlement. Le parti d’opposition, les Modérés (M) du Moderata Samlingspartiet, largués en fin de campagne, perdent leur seconde place : ils se stabilisent autour de 19% des voix mais n’obtiennent que 67 sièges contre 70 auparavant. Après une belle percée en 2018, la droite radicale des Démocrates réalise la meilleure performance de ces élections : plus de 20% des voix et 73 sièges leur sont attribués. Son leader, Jimmie Åkesson, a déjà revendiqué le poste de Premier ministre. L’ensemble des autres partis perdent du terrain (7 sièges en moins pour les Centristes, 4 pour la gauche radicale et les libéraux), excepté les écologistes qui repassent la barre de 5%.

Si la Suède était dans l’actualité depuis quelques mois, c’est que dans les semaines qui ont suivi le début de l’invasion russe en Ukraine, Stockholm a dynamité sa politique de neutralité en se jetant dans les bras rassurants de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), à l’opposé exact des objectifs de guerre du Russe Poutine. Une remise en cause profonde opérée par le gouvernement suédois, évidemment au cœur de la campagne des législatives du 11 septembre dernier. Les Modérés, principale force d’opposition, en avaient d’ailleurs fait un argument de campagne.

Les écologistes, arrivés 7èmes du scrutin, n’ont pas vraiment réussi à capitaliser sur leurs thèmes de prédilection, alors même que l’enfouissement de déchets nucléaires "pour 100 000 ans avait fait grand bruit dans le pays en janvier dernier.

Influence de la Turquie ou pas, Magdalena Andersson avait rejeté toute alliance avec le Parti de Gauche en raison de son soutien aux Kurdes du PKK, organisation considérée comme terroriste par l’Union européenne et bête noire de Recep Erdoğan.

Autre thème majeur de cette campagne, la sécurité. La statistique effarante d’une personne tuée par arme à feu chaque semaine depuis le début de l’année dans le royaume place la violence des gangs parmi les sujets brûlants. En outre, dans un acte de contrition clairement scandinave, à la suite de violences particulièrement choquantes dans les rues du royaume, impliquant des populations immigrées, la cheffe du gouvernement a reconnu la « faiblesse » de l’État dans la lutte contre la « ségrégation » et le développement de véritables "sociétés parallèles. La droite radicale en avait fait son cheval de bataille, l’atlantico- et l’euroscepticisme n’étant plus vraiment à la mode en ce moment.

La réunion des trois principaux partis de droite avec les Démocrates suédois lors d’une conférence consacrée au nucléaire semble avoir, fin août, dynamité le cordon sanitaire autour de la droite radicale. Les conservateurs ont cédé aux sirènes à leur droite…

La stabilité au cœur des Suédois

Déjà, lors des élections de 2018, qui avaient vu une participation massive (87,2%, un record depuis 33 ans), le bloc de gauche avait réduit son avance sur le bloc de droite à peau de chagrin : un petit siège les séparait. Et ce, en raison de l’inexorable montée de la droite radicale. Les Sociaux-démocrates avaient reculé de près de 3% en obtenant 28,3% des suffrages et 100 sièges, contre 113 précédemment. Les Modérés, première force de droite, recueillaient moins de 20% des voix (-3,5% par rapport à 2014) et perdaient 14 de leurs 84 strapontins. Autre grand perdant du scrutin, les Écologistes : 4,4% des voix et 16 représentants contre 27 auparavant. Le vert n’imprime guère dans le Royaume.

Grand gagnant du scrutin de 2018, les Démocrates suédois augmentaient de près de 5% leur score en totalisant 17,5% des voix et s’assurant 62 sièges au Parlement. Un score important, mais plus faible qu’escompté. Les 28 sièges (7 supplémentaires) obtenus par la Gauche ne parvenaient cependant pas à compenser les bons résultats du Centre (31 sièges obtenus) et des Chrétins-démocrates (22 élus). Cumulé, le bloc de gauche obtenait ainsi 144 sièges, contre 143 pour la droite et 62 pour la droite radicale.

Stefan Löfven, le Premier ministre sortant, lâché par la gauche radicale et les écologistes, avait réussi à se maintenir grâce au soutien contre-nature de deux petites formations de droite, effrayées par une alliance avec la droite extrême, après un record de 131 jours de vacances du pouvoir. Cependant, M. Löfven restera également dans les annales de la politique suédoise en succombant à une motion de censure, événement inédit au parlement de Stockholm. Évitant un scrutin anticipé, ce sont les militants de gauche qui ont décidé le nom du successeur, une successeure en l’occurrence, puisque c’est la ministre des finances Magdalena Andersson qui devient donc la première femme Premier ministre en Suède.

Si les Démocrates suédois sont moins radicaux que le Rassemblement national français, il n’en reste pas moins que la Suède n’est pas épargnée par la vague droitière qui secoue le continent depuis maintenant plus de dix ans. Sa très probable participation au prochain gouvernement suédois n’est que la conséquence logique d’une campagne axée sur les questions de sécurité où le débat était acquis aux mesures portées par la droite de la droite.

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