Législatives: la Lettonie serre les rangs

, by Alexis Vannier

Législatives: la Lettonie serre les rangs
Saeima, Parlement letton Source: Pixabay

Quatre ans après le dernier scrutin législatif, les Lettons retournent aux urnes pour renouveler les 100 membres de la Saeima, le parlement monocaméral du pays. Et ce, alors même que le Brésil s’engouffrait dans une période électorale présidentielle chargée de dangers, que la Bulgarie renouvelait son Parlement pour la quatrième fois en deux ans et que les Bosniens votaient pour une nouvelle composition des pouvoirs exécutifs et législatifs, dans un climat tendu.

Une droite gagnante, des russophones sanctionnés

Un peu de dépoussiérage dans ce parlement très morcelé en 2018. Coalition regroupant pas moins de cinq partis aux intérêts divergents, pandémie de Covid-19, guerre en Ukraine menée par le voisin russe et facilitée par l’autre voisin bélarus… Les motifs d’instabilité étaient nombreux, les cinq doigts de la main lettone ont néanmoins tenu bon pendant quatre ans, arrachant un record de longévité: une législature complète! Certains membres du gouvernement semblent néanmoins avoir tiré leur épingle du jeu. Ainsi, le parti de droite classique Unité (Vienotība, V) remporte le scrutin : de la sixième place en 2018 avec 6,7% des voix en sa faveur, il gravit la plus haute marche du podium puisque aujourd’hui plus de 19% des électeurs lui ont accordé leur confiance, lui assurant un gros quart des sièges au Parlement, et probablement la direction du prochain gouvernement. Augmentant légèrement son score (12,6% des voix), les libéraux-conservateurs du ZZS (Union des Verts et des paysans, Zaļo un Zemnieku Savienība), exclus du gouvernement issu du scrutin de 2018, suivent au podium. La Liste Unie (AS) autour d’une écologie libérale double son score par rapport à 2018 en captant 11% des suffrages cette année, et 13 sièges. À l’inverse d’autres formations d’extrême droite en Europe, les nationalistes et russophobes de l’Alliance nationale (Nacionālā Apvienība, NA) perdent du terrain, engrangeant 9,4% des voix (-1,7% en 4 ans). Du côté des progressistes, vase communicant entre la plateforme Développement/Pour! qui voit sa base électorale divisée par deux, parvenant tout juste à atteindre la barre des 5%, mais sans pouvoir espérer de sièges et les bien nommés Progressistes qui attirent 6% des voix, doublant leur score de 2018, et gagnant 10 sièges. Lettonie d’abord, un parti national-populiste vient 6,3% des suffrages et 9 représentants. Grosse claque en revanche pour le parti de la minorité russe Harmonie (SDPS), social-démocrate: arrivé premier du scrutin de 2018 avec 20%, un cordon sanitaire de cinq partis s’était alors formé autour du gagnant. Cependant, il ne fait pas bon défendre des positions prorusses en ce moment, surtout en Lettonie. Résultat: à peine 4,8% des électeurs sont restés convaincus par cette Harmonie, divisée en interne quant à la question ukrainienne. Détenant 23 strapontins en 2018, le parti ne sera plus représenté. Parallèlement, les Conservateurs, issus d’un parti dégagiste anticorruption, deuxième en 2018, sont quasiment éliminés du scrutin. Leur score passe de 14,1% à 0,3% Suivent ensuite de nombreuses petites formations russophones, nationalistes, populistes, conspirationnistes, chrétiennes… La participation, en légère augmentation, frôle les 60%.

Le parti Harmonie agit comme un repoussoir politique en Lettonie du fait de ses sympathies prorusses. Bien qu’obtenant de bons résultats depuis 2010, il a toujours été exclu des négociations gouvernementales. Ainsi en 2018, du fait de l’éclatement de la composition de la chambre, ce ne sont pas moins de cinq partis qui se sont coalisés, d’une branche progressiste à une branche nationale-conservatrice, autour du dirigeant du petit parti libéral Unité, l’économiste américano-letton Arturs Krišjānis Kariņš. Durant son mandat, on lui reproche à tort de ne pas de ne pas avoir suffisamment traiter les problèmes climatiques et de se contenter de solutions de court-terme. En revanche, la volonté de son gouvernement de se passer du Russe pour faire du Letton la seule langue de travail dans les établissements scolaires est saluée par une majorité de la population, d’autant plus depuis que le Russe est associé à un régime criminel.

Un pays au bord du danger

La campagne des législatives était évidemment marquée par la guerre en Ukraine et les réponses qu’a dû apporter le gouvernement dans un climat de peur et d’insécurité: le pays, qui partage une frontière avec la Russie, se sent menacé dans son existence par les autorités belliqueuses de Moscou. Cependant, la minorité russophone du pays constitue 30% des habitants; les débats sont donc particulièrement houleux, certaines puissances étrangères n’hésitant pas à attiser les tensions internes, survenues dernièrement lors de la destruction d’un monument à la gloire de la “libération” du pays par l’Armée rouge en 1944. Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine le 24 février -jour de la fête nationale du voisin de la Lettonie, l’Estonie- Riga fait feu de tout bois pour soutenir Kiev et acculer Moscou sur la scène internationale. Le gouvernement letton s’allie ainsi très régulièrement avec l’Estonie, la Lituanie, la Finlande ou encore la Pologne sur la scène européenne dans des propositions comme la suspension des visas touristiques délivrés à tous les Russes. En août, le Parlement de Riga a qualifié la Russie d’“État soutenant le terrorisme” et a reconnu les exactions des soldats russes en territoire ukrainien comme un “génocide”. Récemment c’est la question de l’accueil -refusé par le gouvernement de Riga et ses voisins européens- des citoyens russes désertant le pays pour éviter la conscription partielle prononcée par Poutine qui a fait débat. Au-delà même des initiatives diplomatiques du gouvernement, les citoyens ont peur. Les demandes volontaires pour s’engager dans l’armée ont triplé depuis le début de la guerre, par rapport à une période normale. La folie russe prend une saveur particulière dans des pays qui ont recouvré leur indépendance il y a une trentaine d’années.

La situation dramatique en Ukraine doit servir de signal d’alarme pour les États baltes et plus particulièrement l’Estonie et la Lettonie qui abritent sur leur sol une forte minorité russophone. Un mal-être national, des solutions à court-terme électoralistes et nationalistes ne peuvent qu’attiser les tensions avec ces minorités et profiter évidemment à tous ceux -la Russie- qui veulent déstabiliser ces États.

Keywords
Your comments
pre-moderation

Warning, your message will only be displayed after it has been checked and approved.

Who are you?

To show your avatar with your message, register it first on gravatar.com (free et painless) and don’t forget to indicate your Email addresse here.

Enter your comment here

This form accepts SPIP shortcuts {{bold}} {italic} -*list [text->url] <quote> <code> and HTML code <q> <del> <ins>. To create paragraphs, just leave empty lines.

Follow the comments: RSS 2.0 | Atom