Législatives en Slovaquie, pour ou contre Moscou ?

, par Alexis Vannier

Législatives en Slovaquie, pour ou contre Moscou ?
Conseil national slovaque Source Pixabay

C’est pour apporter une solution à la crise politique dans laquelle le pays est englué depuis plus d’un an que les Slovaques étaient appelés aux urnes en cette fin septembre, de manière anticipée. La Slovaquie avait en effet organisé l’un des derniers scrutins avant la fin d’un monde, en février 2020. Retour sur l’élection des 150 membres du Národná rada, le Conseil national slovaque.

Victoire floue entre pro-russes, libéraux, socialistes-conservateurs et radicaux

La Slovaquie fait partie de ces pays –de plus en plus nombreux– avec un Parlement fragmenté, des partis qui “remportent” le scrutin avec moins de 20% des voix et de nombreux autres qui franchissent in extremis le seuil électoral.

Ainsi, le SMER, qui n’a de socialiste que de nom, conservateur, eurosceptique et russophile, termine premier du scrutin en rassemblant à peine 23% des votes. Il récupère ainsi sa place de leader dans le paysage politique national, quelques années après avoir dégoûté les Slovaques suite à l’assassinat du journaliste Jan Kuciak et de sa fiancée qui avait éclaboussé le Premier ministre de l’époque Robert Fico, président du SMER. Le parti pourra compter sur 42 strapontins. Après avoir échoué à entrer au Parlement en 2020, Slovaquie Progressiste (PS) de la Présidente Zuzana Čaputová, arrive en force puisque 18% des électeurs lui ont fait confiance, lui assurant 32 sièges. Le parti social-libéral, pro-européen, constitue l’antithèse évidente du SMER. Autre nouveau venu dans l’hémicycle, Hlas, un peu moins conservateur que SMER, fondé en 2020 par l’ancien Premier ministre Peter Pellegrini qui avait succédé à Robert Fico, dont il est devenu l’ennemi numéro un. S’il espérait surclasser son ancien mentor, Hlas devra se contenter des 14,7% des voix et de 27 représentants à la chambre. Viennent ensuite de nombreuses formations qui seront les faiseurs de roi lors des négociations gouvernementales : la liste conservatrice et anti-corruption OL’aNO qui avait remporté les élections de 2020 s’effondre sous les 9% et récolte 16 sièges le Mouvement chrétien-démocrate totalise 6,8% des bulletins et 12 représentants, le libéral eurosceptique SASKA affiche un score de 6,32% et disposera de 11 députés, Enfin le nationaliste SNS dépasse tout juste la barre des 5% et s’assure 10 sièges.

Parmi les représentants des intérêts des magyarophones, l’Alliance ne parvient pas à dépasser les 7% de seuil électoral prévu pour les listes communes, tout comme Most-Híd.

À noter la défaite surprise du nouveau parti République, qui a repris le flambeau d’extrême-droite, et échoué à franchir la barre des 5%. Tout comme les néo-nazis du L’SNS, effondrés sous les 1%.

Avec les trois partis arrivés en tête opposés sur de nombreux sujets essentiels comme la politique étrangère, la politique européenne, le libéralisme etc… il sera ardu de former un gouvernement stable. Les plus petites formations sont assurées d’être fortement courtisées.

La campagne s’était axée évidemment sur le retour à la stabilité gouvernementale, mais également à la lutte contre l’inflation galopante sur le continent, avec la guerre en Ukraine dans le rétroviseur. Dans un pays sensible aux arguments russes sur l’invasion russe (44% des Slovaques considèrent l’OTAN et l’Ukraine responsables du conflit), la campagne d’information “Pourquoi l’Ukraine est-elle importante pour l’Europe ?” lancée par l’alliance transatlantique a été vivement critiquée tant par le SMER que Hlas. Plus de la moitié des partis candidats se montrent d’ailleurs hostiles aux sanctions occidentales prises à l’encontre de Moscou.

Avec une participation s’établissant à 68,51% (en hausse pour la 5ème fois consécutive), les Slovaques montrent qu’il faut compter sur eux.

Gouvernements minoritaire, démissionnaire et intérimaires

La Slovaquie est empêtrée dans une crise politique profonde qui a commencé avec des vaccins russes. Le gouvernement issu du scrutin de février 2020 s’était constitué très rapidement en raison de la crise sanitaire qui allait frapper le monde. C’est le patron d’OL’aNO, Igor Matovič, arrivé en tête du scrutin avec un quart des voix en sa faveur, qui mène donc les négociations. En moins de deux semaines Sme Rodina (national-conservateur), SaS (libéral-conservateur) et ZL’ (libéral-conservateur) se mettent d’accord pour former une coalition forte de 95 sièges au Parlement. Difficile de mettre en œuvre un programme politique dans cette situation dramatique. Un an plus tard, c’est sans consulter ses partenaires de coalition qu’Igor Matovič décide d’acheter des vaccins russes Spoutnik V non homologués par les autorités européennes pour faire face à la crise. Le Premier ministre daigne accepter de démissionner à condition de rester dans l’équipe gouvernementale : le ministre des Finances Eduard Heger intervertit son poste donc avec celui d’Igor Matovič. Cette solution, d’un courage politique remarquable, ne suffira pas à calmer toutes les colères, les libéraux du ZL’ claquent la porte… Et Eduard Heger poursuit l’achat du vaccin russe !

Cependant, les divergences restent nombreuses entre les partenaires de coalition et, après des mois de violentes turbulences sur des questions économiques et financières, en septembre 2022, le SaS prend la poudre d’escampette et laisse derrière lui un gouvernement minoritaire. une motion de censure renverse le gouvernement qui expédie alors les affaires courantes. Parmi elles, l’organisation d’un référendum soutenue par l’opposition, menée par SMER, organise un référendum d’initiative populaire en janvier dernier afin de modifier la Constitution en ce qu’elle permettrait au Parlement de convoquer des élections anticipées. C’était sans compter l’apathie électorale des Slovaques : à l’instar de huit des neuf référendums organisés depuis l’indépendance du pays, le manque de participation invalide les résultats. C’est par la voie parlementaire que la réforme sera néanmoins adoptée.

Nouvelle crise en mai 2023, le chef du gouvernement toujours intérimaire Eduard Heger quitte ses fonctions. Ludovit Ódor, économiste à la Banque centrale, forme une équipe de technocrates qui n’obtient pas plus la confiance du parlement.

Avec des partis aussi éloignés idéologiquement en tête des votes, les négociations s’annoncent bien compliquées pour doter la Slovaquie d’un gouvernement stable. Si la marge de manœuvre est étroite pour les Progressistes, l’ancien Premier ministre Robert Fico n’aura pas de scrupule à s’allier avec des partis extrêmes, comme il l’a déjà fait par le passé, mais les positions libérales du SaS et pro-européennes des chrétiens-démocrates peuvent faire pencher la balance. À suivre…

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