Le Tour de France, porte d’entrée sportive sur l’Europe

, par Jérôme Flury

Le Tour de France, porte d'entrée sportive sur l'Europe
Image : stokpic de Pixabay

L’épreuve cycliste du Tour de France, célèbre sur toute la planète, permet aussi de découvrir l’Europe, ses paysages et ses sportifs. La réussite actuelle du slovène Tadej Pogacar, vainqueur le 18 juillet, a ainsi remis un coup de projecteur sur cette petite nation.

Des athlètes du Venezuela, de Colombie, d’Australie, des drapeaux de tous les continents sur les bords des routes, des messages et des encouragements dans des dizaines de langues… Le Tour de France est peut-être l’une des épreuves sportives les plus mondialisées qui existe. Et pourtant, elle est aussi avant tout la vitrine d’un pays et d’un continent. La victoire finale du Slovène Tadej Pogacar, qui a conservé son titre et a été récompensé sur les Champs Elysées le 18 juillet en est un bel exemple.

“Le Tour”, comme l’épreuve est désormais appelée et connue autour du globe, est diffusé par plus de 100 chaînes dans 190 pays, rassemblant plus d’un milliard de téléspectateurs à chaque édition. Ce qui en fait l’un des événements sportifs les plus suivis de la planète avec la Coupe du monde de football ou les Jeux Olympiques. Rien qu’en Europe, 150 millions de téléspectateurs ont été recensés cette année. La course représentant au total plus de cent heures de diffusion. Et l’un de ses intérêts majeurs, au-delà de l’aspect sportif, est son cadre sans cesse changeant.

Chaînes de montagnes, petits villages, campagnes, l’épreuve traverse l’Hexagone, et en fait découvrir de nombreux recoins. « Au-delà de la dimension sportive, la découverte et la contemplation des paysages de France fait partie de l’ADN du Tour de France : des études conduites par France Télévisions démontrent que les téléspectateurs sont nombreux à suivre la course cycliste autant pour le sport que pour les paysages », indique le site du gouvernement français. Pour le chroniqueur et écrivain spécialisé en histoire Franck Ferrand, c’est même plus fort que cela. « Si le Tour est la première course de la planète, il le doit aux paysages de la France », développe-t-il pour La Dépêche.

Une boucle qui s’européanise

Ainsi, depuis 2018, « le bureau des Paysages et de la publicité du ministère de la Transition écologique, en lien avec le bureau des sites et espaces protégés, s’associe avec le groupe ASO (Amaury Sports Organisation) pour faire découvrir chaque jour un paysage traversé par le tour de France ». Cependant, ces dernières années, seules les éditions 2013 et 2020 se sont déroulées intégralement en France. La compétition cycliste franchit de plus en plus régulièrement les frontières nationales. Et permet également de découvrir d’autres décors.

Depuis 2014, le Tour est parti du Royaume-Uni, des Pays-Bas, de Belgique ou d’Allemagne, relançant l’intérêt local pour la course, et est aussi passé par Andorre, l’Espagne, la Suisse, le Luxembourg. Le grand départ était prévu en 2021 à Copenhague mais s’est finalement tenu en Bretagne. Ce qui sera rattrapé l’année prochaine : le Danemark deviendra en 2022 le dixième pays d’accueil du Grand Départ du Tour de France, à l’occasion de la 109e édition qui sera lancée de Copenhague puis se poursuivra dans le sud du pays pour ses trois premières étapes. Un départ très éloigné de la France ! Et Bilbao (Espagne) est déjà annoncée comme la ville hôte de la première étape du Tour 2023.

Cette européanisation d’une épreuve plus que centenaire puisque née en 1903 n’est pas nouvelle. Après la Seconde Guerre mondiale, de plus en plus régulièrement, l’épreuve sort du pays. Et 1954 constitue une étape décisive. Jean Leulliot lance un Tour d’Europe concurrent. Le Tour de France démarre de son côté pour la première fois dans un autre pays, à Amsterdam. Deux ans plus tard, le Tour d’Europe est racheté et le Tour de France prend le nom de « Tour de France et d’Europe ». Désormais, il passe plus souvent dans les États voisins.

Des événements illustrent aussi l’importance européenne du Tour. En 1958, le départ de l’épreuve depuis Bruxelles où se tient l’Exposition universelle est vu comme un « clin d’œil appuyé des organisateurs à l’Europe communautaire en construction, quelques mois après le Traité de Rome qui a vu la naissance de l’Europe des Six. » [1] Et en 1992, année de la signature du traité de Maastricht, acte de naissance de l’UE, le Tour visite sept pays, un record.

Coups de projecteurs nationalisés

Au-delà des paysages et du parcours, le Tour oppose des équipes et des athlètes du monde entier, qui font briller leurs pays. Historiquement, en 109 éditions, seuls cinq maillots jaunes sont partis hors du continent européen. Egan Bernal est devenu en 2019 le premier sud-américain titré. Le Slovaque Peter Sagan, sept fois vainqueur du maillot vert (classement par points), l’allemand Jan Ullrich ou le luxembourgeois Andy Schleck, trois fois arrivés en tant que meilleur jeune, le français Richard Virenque, sept fois maillot à pois (meilleur grimpeur), autant d’Européens tout en haut des palmarès de l’épreuve. Dernièrement, le doublé slovène avec la victoire de Tadej Pogacar devant Primoz Roglic en 2020 a permis de remettre en lumière le petit État situé au coeur du continent européen.

Ces victoires sportives rejaillissent en prestige pour les pays des vainqueurs dans cette discipline qui, un temps éprouvé par des scandales de dopage dont le Tour a été loin d’être exempt (les sept titres de Lance Armstrong obtenus entre 1999 et 2005 ont finalement été retirés), reste parmi les plus populaires de la planète. Ce qui engendre forcément des intérêts importants et fait l’objet d’enjeux géopolitiques. Si les équipes ont de plus en plus souvent des noms d’États, c’est bien parce qu’elles sont sponsorisées par le Bahreïn, les Émirats arabes unis ou encore Israël.

« C’est du nation branding ? Oui, et alors ? Que croyez-vous que fait la France quand elle diffuse en mondovision les vues d’hélicoptère de ses paysages, en obligeant les commentateurs du monde entier à en toucher un mot ? », soulevait Yoav Dubinsky, professeur au Lundquist College of Business, dans l’Oregon, dans des propos rapportés sur un article très complet de Franceinfo. Une référence en la matière restant la formation kazakhe Astana. « Le maillot de l’équipe reprend le drapeau national avec l’aigle et le soleil, le nom de l’équipe celui de la capitale (renommée Noursoultan depuis). Le budget est conséquent, c’est le prestige national qui est en jeu. »

Toujours est-il qu’en parlant de drapeaux, symboles des nations et de l’Union européenne, l’association des Jeunes Européens - France, fondatrice du média le Taurillon et d’un programme d’intervention pédagogique dans les écoles, nommé Europe par les jeunes, s’est justement appuyée cette année sur le cadre fourni par le Tour de France pour effectuer le lancement de son action d’Europe En Vacances à à Pontivy, en Bretagne, du vendredi 25 au dimanche 27 juin. « Toutes les générations ont pu s’amuser et en apprendre davantage sur le cyclisme à travers l’Europe grâce à un Time’s Up sur cette thématique ou encore notre carte géante utilisée pour placer les cyclistes européens selon leur pays d’origine », expliquaient les bénévoles investis.

Trois jours d’actions, soit autant que le nombre de grands tours cyclistes mondialement réputés : avec le Tour de France, il faut en effet aujourd’hui compter le Tour d’Espagne (La Vuelta) et le Tour d’Italie (Le Giro). Soit autant de portes d’entrée sur l’Union européenne, ses paysages et sa culture.

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Notes

[1Jean-Luc Bœuf et Yves Léonard, « Les forçats du Tour de France », L’Histoire, no 277,‎ juin 2003, page 221

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