Comment est désignée la présidence de la Commission européenne ?
Le processus de désignation de la présidence de la Commission a bien sûr évolué depuis le début de la construction européenne. Le traité de Rome de 1957 indique dans son article 158 que « les membres de la Commission sont nommés d’un commun accord par les gouvernements des États membres », c’est-à-dire le Conseil européen.
Par la suite, après l’entrée en vigueur du Traité d’Amsterdam en 1999, le Parlement européen obtient un droit de regard sur la nomination de la présidence de la Commission. Toutefois, la nouveauté introduite par le Traité de Lisbonne en 2009 réside dans l’obligation pour le Conseil européen de proposer un candidat en tenant compte désormais du résultat des élections européennes.
C’est en 2014 que le processus de désignation prend un tournant avec le système du Spitzenkandidat (« tête de liste » en allemand). Celui-ci prévoit que la présidence de la Commission soit confiée au chef de file du parti européen arrivé en tête lors des élections du Parlement européen. De ce fait, chaque parti européen doit sélectionner en amont un candidat à la présidence de la Commission européenne.
L’intérêt du système du Spitzenkandidat
L’objectif premier du système du Spitzenkandidat est d’établir un rapport plus étroit entre les citoyens européens et les institutions de l’Union européenne. Primo, ce système de désignation permet une meilleure représentativité pour les électeurs qui peuvent mettre un visage sur la présidence de la Commission européenne avant même les élections. Cela donne ainsi aux citoyens une raison supplémentaire de se rendre aux urnes – si tant est qu’une seule raison ne suffise pas – car leur vote a alors plus d’enjeu. Les citoyens votent non seulement pour les députés européens du Parlement, mais aussi pour la présidence de la Commission, par ricochet.
Secundo, le système du Spitzenkandidat apparaît plus démocratique que le système de nomination à huis clos par le Conseil européen qui ne prend pas nécessairement en compte le résultat des élections, comme l’a montré la nomination d’Ursula von der Leyen en 2019.
Un manque de clarté dans les traités de l’Union
Cependant, la pierre d’achoppement du processus du Spitzenkandidat est qu’il n’est pas explicitement inscrit dans les traités de l’Union. Cela soulève alors la nécessité de trouver une stabilisation dans la désignation de la présidence de la Commission européenne, au lieu de se reposer sur une interprétation souple des traités et d’alterner tous les cinq ans entre un système avec et sans Spitzenkandidat.
Concrètement, cela implique de clarifier l’article 17 du Traité de l’Union européenne (TUE) qui indique que « en tenant compte des élections au Parlement européen [...], le Conseil européen, statuant à la majorité qualifiée, propose au Parlement européen un candidat à la fonction de président de la Commission ». Certes, cet article n’est pas des plus explicites – car que signifie « tenir compte des élections » ? – mais il montre toutefois la volonté de se préserver d’une Commission trop technocratique, choisie uniquement par les chefs d’État et de gouvernement. Il s’agit en outre de faire preuve d’une plus grande transparence à l’égard des électeurs. Le hic est que modifier les traités de l’Union est un processus complexe et chronophage nécessitant évidemment des négociations entre les États membres dont les agendas sont déjà bien remplis.
Des Spitzenkandidaten pour 2024 ?
Jusqu’à présent, le système du Spitzenkandidat n’a été expérimenté qu’une seule fois, en 2014, avec la nomination du Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, alors tête de liste du Parti populaire européen (PPE). En 2019, en revanche, le Conseil européen a fait fi des Spitzenkandidaten en désignant Ursula von der Leyen à la tête de la Commission européenne, alors que l’ancienne ministre allemande n’avait pas participé à la campagne électorale européenne. À l’occasion des élections européennes qui se tiendront du 6 au 9 juin 2024, la question d’utiliser ou non le système du Spitzenkandidat se pose de nouveau.
Bien qu’en 2019, le choix du Conseil européen avait suscité des critiques virulentes en provenance de certains rangs de l’hémicycle contre le non-respect du système du Spitzenkandidat, peu de partis semblent aujourd’hui prêts à relancer le débat. Actuellement, seuls les Verts ont annoncé qu’ils nommeraient un candidat en tête de liste pour les élections.
Par ailleurs, il faut garder en tête que le principal défi pour ces prochaines élections demeure la lutte contre l’importante abstention, dans la mesure où les citoyens considèrent toujours les élections européennes comme un scrutin de second ordre. Pour rappel, le taux de participation aux élections européennes de 2019 était de 50,66%. Par conséquent, la règle du Spitzenkandidat pourrait incarner un moyen d’inciter les citoyens à voter.
Enfin, comme l’a rappelé le député européen Estéban Gonzalez Pons (PPE, ES) au sujet du système du Spitzenkandidat : « l’Union européenne doit être plus démocratique et transparente, ou elle cessera simplement d’exister. Le fait que les citoyens connaissent les candidats à la présidence de la Commission européenne avant les élections est un pas important dans la bonne direction. »
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