“Le prochain budget européen doit être à la hauteur des enjeux : le numérique est une question à la fois politique et économique”

En marge de l’édition 2020 de l’Europa Games week, Céline Geissmann, Adjointe à la Maire de Strasbourg, Ville numérique innovante et Citoyenneté européenne, a accepté de nous répondre

, par Céline Geissmann, Jérôme Flury

“Le prochain budget européen doit être à la hauteur des enjeux : le numérique est une question à la fois politique et économique”
Céline Geissmann, adjointe à la maire de Strasbourg. Photo : Droits réservés

Strasbourg a accueilli une nouvelle édition de l’Europa Games week les 20 et 21 novembre au cours d’un événement en ligne qui s’intéresse particulièrement à la création européenne de jeux vidéo. Mais les jeux vidéo et le numérique regroupent des questions très diverses, économiques, sociétales ou même environnementales, comme nous l’explique Céline Geissmann, adjointe à la Maire de Strasbourg, Ville numérique innovante et Citoyenneté européenne.

Avant tout, pourquoi est-il important pour une ville européenne comme Strasbourg d’accueillir ce type d’événement qu’est l’Europa Games Week ?

L’Europa Games Week est un événement en ligne autour du jeu vidéo. Strasbourg, en tant que capitale européenne, a aussi un écosystème très dynamique autour du jeu vidéo animé avec brio par la Strasbourg Games Community. Nous sommes extrêmement fiers d’accueillir des événements d’envergure européenne pour faire connaître les acteurs de la création et développer les filières liées au jeu vidéo. L’édition 2020 a été particulièrement riche, avec des intervenants de la Commission européenne en dialogue avec des talents locaux pour débattre de questions importantes comme l’égalité des chances dans le jeu vidéo ou la production de jeux vidéo indépendants.

C’était la journée mondiale du jeu vidéo le 22 novembre, et en ce moment tout le monde ne parle que de la PS5. Mais il existe aussi de bons développeurs en Europe. Faudrait-il en être plus fier d’après vous ? Comment changer de regard sur cette question face à l’omniprésence des grandes marques américaines ou asiatiques ?

Il existe de très bons développeurs de jeux vidéo en Europe et nous n’avons pas à rougir face à la concurrence. Les productions européennes comptent une large palette d’œuvres, dont la qualité et l’originalité sont mondialement reconnues. Nous pouvons citer par exemple le studio de développement polonais “CD Projekt” avec un des jeux video les plus attendus du moment “Cyberpunk 2077”, mais aussi “Disco Elysium” produit par le studio estonien “ZA/UM” qui a remporté plusieurs récompenses dans la catégorie meilleure narration, meilleur jeu indépendant et meilleur jeu de rôle aux “Game Awards”. La France n’est pas en reste car elle a aussi de très bons studios comme “Quantic Dream”, et Strasbourg est aussi un territoire particulièrement dynamique en matière de production de jeux vidéo indépendants.

Comment assurer à l’Europe une place dans cette concurrence numérique pour vous ? Par le développement d’écoles, d’entreprises, de lois particulières ? Le numérique est-il une question plutôt politique ou plutôt économique ?

L’Union européenne soutient l’industrie européenne du jeu vidéo dans sa capacité à concevoir des œuvres audiovisuelles européennes en améliorant leur diffusion à travers le programme “Europe Creative Media”. Mais le secteur du jeu vidéo bénéficie des dernières innovations technologiques. À cet égard, le futur programme Horizon Europe, successeur d’Horizon 2020, va donner les moyens aux Européens de progresser dans la R&D et les nouvelles technologies en renforçant l’espace européen de la recherche. Pour cela, le prochain budget européen doit être à la hauteur des enjeux. Le numérique est donc bien une question à la fois politique et économique !

Comment pourrait-on améliorer la sécurité du numérique en Europe ?

J’avais écrit en 2019 sur le risque d’ingérence russe pendant les élections européennes. Aujourd’hui les différentes menaces de cybersécurité sont toujours virulentes. La lutte contre les cyberattaques est d’ailleurs l’une des priorités du plan de relance européen. La Commission européenne a annoncé la création d’un “Centre européen de compétences industrielles, technologiques et de recherche en matière de cybersécurité”. Cela me semble aller dans le bon sens car le développement d’une stratégie industrielle commune en matière de cybersécurité est indispensable pour garantir notre indépendance numérique. Il nous faut cependant aller plus loin en dopant les moyens d’ENISA (l’Agence européenne chargée de la sécurité des réseaux et de l’information) car la cybersécurité est un enjeu supranational qui appelle une réponse supranationale.

Le numérique ne serait-il pas aussi une question écologique, comme l’ont montré des rapports dernièrement sur ses usages ? Une prise de conscience est-elle nécessaire d’après vous ?

L’empreinte environnementale du numérique a longtemps été sous-estimée en raison de son caractère immatériel. Cependant, aujourd’hui il semble que le numérique soit responsable de 4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. La consommation mondiale de vidéo émettrait chaque année 300 millions de tonnes de CO₂. Tout porte à croire que la forte augmentation des usages entraînera un doublement de cette empreinte carbone d’ici 2025. Par conséquent, il est primordial de prendre en compte les questions de transition écologique quand on parle de numérique et cela passe, entre autres, par une prise de conscience citoyenne et le développement de bonnes pratiques. Par exemple, l’ADEME a publié un guide sur la “face cachée du numérique”.

Sans oublier l’aspect social. Le numérique concerne un nombre croissant de domaines de notre existence : il n’est presque plus possible de vivre sans faire apparaître une forme de fracture numérique. La question des cours à distance s’est posée avec insistance. Comment faire pour que les Européens soient aidés sur ce point ? Il faudrait pouvoir équiper ceux qui ne peuvent pas le faire d’eux-mêmes ?

La crise sanitaire a démontré à quel point le numérique est un outil indispensable dans le quotidien des Européens. La transformation numérique de notre société s’accélère, illustrant le formidable potentiel du numérique en matière d’accès à l’emploi, à la santé, à l’éducation, à la culture. Mais aujourd’hui, un trop grand nombre d’Européens ne profitent pas de ces opportunités. Pire, lorsqu’on n’a pas accès aux outils numériques, lorsqu’on ne les maîtrise pas, on se trouve rapidement marginalisé. Cette situation ne fait qu’amplifier les inégalités qui fracturent notre société. Accès aux services publics dématérialisés, école à la maison, télétravail, accès à une information de qualité : autant d’enjeux qui nous obligent à lutter contre l’illectronisme et à développer une culture numérique citoyenne et l’esprit critique. C’est pourquoi à Strasbourg nous faisons de l’inclusion numérique une de nos priorités. Récemment, nous avons mis en place une assistante numérique dans les mairies de quartier pour un accompagnement au plus proche des citoyens dans leur démarches administratives en ligne, et ce n’est que le début !

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