Sous le regard amusé de la vice-présidente de la Commission européenne Margrethe Vestager, le député européen Alex Agius Saliba (S&D) s’avance à la tribune, en brandissant un tas de câbles entremêlés. “Voici le passé”, s’exclame-t-il. “Et voici le présent”. Son autre main agite un unique câble USB-C. Une mise en scène soignée, pour un texte qu’il qualifie lui-même “d’énorme succès”. Le rapporteur de la directive en est convaincu, cette nouvelle réglementation européenne permettra de “simplifier la vie” des consommateurs tout en économisant des tonnes de déchets électroniques.
L’Union européenne saute le pas
Depuis 2009, la Commission européenne réfléchit à uniformiser les chargeurs électroniques. Mais entre la pression des constructeurs d’appareils électroniques et l’existence, à l’époque, d’une trentaine de câbles différents, l’exécutif européen ne pouvait pas se permettre d’imposer un chargeur. Le nombre de types de câbles s’est réduit au fil du temps, et l’on en compte aujourd’hui quasiment plus que trois : le port Lightning d’Apple, le micro-USB, et sa version plus récente, l’USB-C.
La Commission européenne a franchi le pas en septembre 2021 via la voix de son commissaire au Marché intérieur Thierry Breton, en proposant une directive pour uniformiser les chargeurs de tous les appareils électroniques portatifs : smartphones, tablettes, appareils photo, casques audio, enceintes, etc. Fini le micro-USB (que très peu de constructeurs utilisaient encore) et le Lightning, place à l’USB-C.
Un vote quasiment unanime pour un calendrier accéléré
Attendue depuis longtemps, cette mesure a mis en défaut ceux qui critiquent la lenteur du processus législatif européen. La rapidité des négociations a permis de soumettre la directive au vote des eurodéputés “seulement neuf mois après la proposition de la Commission européenne”, s’est félicité le rapporteur Alex Agius Saliba. La nécessité d’un chargeur unique s’est également illustrée dans les votes, puisque la mesure a été adoptée par 602 voix pour, 13 contre et 8 abstentions.
Les États membres ont à présent un an pour transposer cette réglementation dans le droit national, puis les industries auront un an supplémentaire pour adapter les chargeurs de leurs appareils électroniques. D’ici l’automne 2024, vous ne devriez plus trouver d’autres types de chargeurs dans les nouveaux appareils électroniques “légers”. Et d’ici 2026, tous les appareils électroniques de plus grande taille (à l’image des ordinateurs portables) devront également être équipés d’un port USB-C.
La Commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Vestager, a par ailleurs précisé que la liste des appareils électroniques concernés par cette réglementation sera régulièrement mise à jour par la Commission européenne, en fonction de l’apparition de nouveaux objets électroniques.
“Les solutions les plus simples sont souvent les meilleures”
Les bénéfices de cette directive sont tout d’abord d’ordre écologiques, explique Margrethe Vestager : “[Cette mesure] contribuera à la réduction de plus de mille tonnes de déchets électroniques chaque année”. Les chargeurs et appareils électroniques représentent aujourd’hui environ 11 000 tonnes de déchets par an. Mais les bénéfices sont aussi d’ordre économique, puisque la Commission estime que 250 millions d’euros seront dépensés en moins chaque année.
Les constructeurs seront également obligés de proposer la vente de leurs appareils sans chargeur. Grâce à un petit pictogramme sur l’emballage, le consommateur pourra choisir de ne pas reprendre de chargeur s’il en possède déjà. La Commission européenne a également pensé à l’harmonisation des chargeurs, en imposant la charge rapide comme nouvelle norme de vitesse de charge.
La Commission a d’ores et déjà annoncé vouloir inclure dans un second temps les technologies de charge sans fil, l’objectif étant clair : harmoniser tous les systèmes de charge au sein de l’Union européenne.
Un revers important pour Apple
S’il y a un constructeur que cette nouvelle mesure fait grincer des dents, c’est bien la marque à la pomme. Le géant californien bénéficiait jusque-là de l’effet “lock-in”, c’est-à-dire que les utilisateurs de produits Apple n’avaient d’autre choix que d’acheter le fameux chargeur Lightning auprès… d’Apple, seul distributeur de ces chargeurs.
Dénonçant un "étouffement de l’innovation”, l’entreprise avait rappelé dans un communiqué que “plus d’un milliard de produits Apple utilisant un connecteur Lightning ont été écoulés, au sein d’un écosystème complet d’accessoires et d’appareils qui utilisent un port Lightning”. Une stratégie assumée, où le consommateur ne peut acheter les produits qu’auprès du même distributeur… Jusqu’à ce que l’Union européenne lève enfin son bouclier contre le géant du numérique.
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