Le Mouvement Cinq Etoiles, un populisme comme les autres ?

, par Gael Sirello , Olivier Sirello

Le Mouvement Cinq Etoiles, un populisme comme les autres ?

Le M5S constitue un populisme apolaire et « eurosceptique utilitariste » qui se démarque clairement des partis et mouvements d’extrême droite européens

Les élections européennes approchent et les sondages semblent être unanimes quant à l’essor et à la montée en puissance des partis européens de l’extrême droite ainsi que des mouvements populistes. Une projection de la Fondation Robert Schuman met en évidence que l’extrême droite européenne occupera très probablement 71 sièges pour la prochaine législature, soit le double des sièges actuellement occupés au Parlement Européen . Un signal, celui de cette approbation populaire, qui devrait alarmer non seulement les pouvoirs nationaux en place, mais aussi et plus particulièrement les institutions européennes.

Dans certains pays, cette dynamique de contestation populaire semble se catalyser vers des partis populistes d’extrême droite, la France étant à cet égard l’un des exemples les plus emblématiques avec le Front National, ou vers des mouvements moins identifiables dans l’échiquier politique traditionnel, tel le Mouvement Cinq Etoiles en Italie.

Dans les deux cas, la majorité des commentateurs nationaux et internationaux n’hésitent pas à qualifier ces acteurs nouveaux et émergents de populismes, c’est-à-dire de nouveaux objets politiques qui sont connotés par « une attitude idéologique qui exalte de façon démagogique et velléitaire le peuple comme dépositaire de valeurs totalement positives » et qui s’inscrivent indéniablement dans une nouvelle expression de la politique, d’une politique de masse, d’une politique moderne qui permet à chacun d’exprimer son idée et son opinion.

Cependant, est-ce que est-il légitime, voire correct, d’assimiler le Front National français au Mouvement Cinq Etoiles italien, simplement par leur désignation commune de populisme ? Ou, au contraire, est-il convenable d’essayer d’analyser plus en profondeur ces deux types de populismes et voir en quoi leurs positions politiques sont au contraire différentes ?

L’émergence d’un consensus toujours plus important à l’extrême droite : les réponses de l’UE et des gouvernements nationaux

Les institutions de l’Union Européenne sont perçues à maints égards par les partis populistes comme “un outil dictatorial aux mains des Etats européens les plus puissants et, plus particulièrement de l’Allemagne, accusée à cette occasion de dicter ses exigences”. Cette dangereuse menace identitaire et souverainiste n’a pu que renforcer la montée des opinions favorables à l’extrême droite.

Mais il y aussi le développement d’un autre genre de populisme européen comme réponse à l’austérité européenne et déconnectée de l’extrême droite : le cas italien du Mouvement Cinq Etoiles est emblématique à ce sujet.

Le développement d’un populisme sui generis déconnecté de l’extrême droite et opposé aux politiques d’austérité de l’UE : le Mouvement Cinq Etoiles comme populisme apolaire

Dans un cadre marqué par une Commission Européenne trop éloignée et par l’incompréhension des positions économiques européennes de la part des citoyens européens, on constate l’émergence de populismes d’autre taille, complètement déconnectés des populismes d’extrême droite jusqu’à maintenant évoqués. On pourrait proposé à cet égard le cas du Mouvement Cinq Etoiles en Italie, véritable laboratoire politique en Europe.

En constituant ce que l’on pourrait définir comme populisme « apolaire », le Mouvement Cinq Etoiles représente bien cette exception populiste. L’appel au peuple, conjointement à la volonté de proposer une nouvelle démocratie directe par l’usage de l’Internet, sont incontestablement des éléments consubstantiels à l’essence du populisme. Mais, contrairement à d’autres formes européennes de populisme qui s’ordonnent dans le clivage traditionnel droite-gauche, on ne peut en dire de même pour le Mouvement Cinq Etoiles italien. D’où sa qualification de populisme apolaire, qui désignerait sa volonté de se détacher de l’échiquier politique conventionnel, entre droite, centre et gauche, ce qui caractérise au contraire les partis traditionnels ; un détachement des systèmes traditionnels démontré par le M5S par sa manière de siéger au Parlement Italien : non pas à gauche ni à droite, mais « au dessus » de tous, « pour [les autres députés] les mieux contrôler », comme a souvent répété le porte-parole mais aussi figure la plus comique du M5S, Beppe Grillo.

Quelle vision de l’Europe ? Une comparaison entre Mouvement Cinq Etoiles et Front National

Un populisme, donc, apolaire du fait qu’il n’est relié à aucun pôle, mais en même temps qu’il innove sur le plan politique européen des populismes. Car, le M5S, contrairement au Front National, n’est ni un populisme d’extrême droite ni purement eurosceptique, au sens de vouloir quitter idéologiquement la zone euro.

En effet, son programme européen consisterait surtout dans la volonté de lutter contre l’austérité que de nombreux pays européens ont connue ces dernières années, afin d’installer in fine une Europe de solidarité entre les différents Etats . Ainsi, si le M5S reconnaît que l’euro a pu être la cause de l’actuelle crise économique italienne, il n’est pas pour autant disposé à voir l’Italie quitter l’euro sans avoir d’abord essayé de réorienter les politiques européennes vers plus de croissance et de solidarité entre les Etats membres. De ce fait, le M5S serait prêt à utiliser l’argument fort, à savoir la sortie de l’Italie de l’euro si l’Union Européenne n’accepte pas de vouloir changer dans cette direction.

Un discours qui est donc très différent de celui tenu par les autres populismes français et italien, comme le Front National ou la Ligue du Nord, dont la ligne politique est intégralement opposée à l’euro et à plus d’Europe.

Si le M5S peut donc être considéré un populisme « eurosceptique utilitariste », car il utiliserait l’argument eurosceptique pour essayer de réorienter l’Europe vers plus d’intégration, il exprime également la volonté de trouver une équilibre entre institutions et citoyens, les uns trop éloignés des autres à cause d’un modèle démocratique, le représentatif paraît-il, n’aurait pas réussi à nouer un lien plus fort entre citoyens et institutions républicaines. Cet éloignement est d’autant plus vaste et plus profond qu’on déplace le curseur vers les institutions européennes qui, malgré leurs considérables efforts de transparence et d’information, ne parviennent pas suffisamment à s’inscrire dans les paysages médiatiques et politiques nationaux. Quant au Front National, il n’y a pas, semble-t-il, cette exigence dans parmi son électorats. D’abord, parce qu’en France, contrairement à l’Italie, il existerait une culture institutionnelle du modèle républicain très ancré dans les valeurs du citoyen français. Ensuite, parce que le Front National semblerait plus occupé à ce définir comme une véritable alternative au « tandem UMP-PS » plutôt que repenser un modèle de participation citoyenne à la vie démocratique de la République.

Cependant, au moins un point commun émerge de la confrontation de ces deux types de populismes : la claire volonté de s’opposer à une Europe de l’austérité, éloignée des supposées attentes et préoccupation des citoyens, et peu orientée vers l’emploi et la croissance économique. Un message, donc, qu’il convient de déchiffrer avant qu’il ne prenne le chemin de sentiers inconnus et périlleux.

La sortie de crise par une mutuelle assistance des Pays : vers l’exigence d’un fédéralisme européen

Il semblerait alors qu’à la veille des élections européennes, les populismes semblent s’emparer des sondages. Emblèmes d’un total échec de l’Union Européenne du point de vue politique, ces nouveaux partis - mouvements risquent de triompher lors du scrutin en mai 2014.

En effet, ces populismes européens, cachent sans aucun doute le profond malaise des peuples européens envers les institutions européennes, qui paraissent trop éloignées de leurs préoccupations et qui, souvent, sont relayées injustement au second plan par les partis nationaux, parfois considérées comme principale cause des malaises sociaux et politiques lourdement présents dans les pays européens les plus touchés par la crise récente. Si l’Union Européenne a été un vecteur de la paix et de la prospérité des peuples européens jusqu’à il y a encore quelques années, aujourd’hui elle deviendrait maladroitement le symbole de l’injustice sociale, de malaise politique, de l’austérité sur tous les plans de la société.

C’est alors à partir de cette grille de lecture qu’il est nécessaire d’encadrer le phénomène des populismes en Europe. Par exemple, le populisme du Mouvement Cinq Etoiles en Italie témoigne de la volonté de pouvoir retrouver un printemps européen, un nouvel élan fait de politiques de croissance, d’emploi et de soutien de l’activité. Ainsi, alors que le message de certains populismes comme le Front National en France est ouvertement anti-européen et contre l’euro, d’autres, comme le M5S expriment la nécessité de changer l’Europe, en admettant implicitement que l’avenir d’un pays comme l’Italie se trouve bien dans le cœur de l’Europe et non pas en dehors. Il faut alors agir vite, très vite, car le temps s’écoule et les peuples s’impatientent.

C’est précisément dans cette perspective que la nécessité de fédérer les Etats en une seule Union, politique et pas seulement économique ni monétaire, semble se faire encore plus imposante, bien que ses éventuels effets ne puissent être évalués directement à court terme. Autrement dit, contrairement à la politique économique et monétaire, où les risques d’un effondrement de l’Euro ont convaincu les leaders européens à faire de nombreux pas en avant, une éventuelle – et qui peut être constatée – re-nationalisation n’aurait sans aucun doute aucun impact significatif à court terme dans le domaine de la politique. Cela semble confirmer l’idée selon laquelle le processus d’intégration serait toujours moins le fruit d’une « Europe du choix » et toujours plus le résultat d’une « Europe de la nécessité ».

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