Le Kosovo en crise avec l’Union européenne ?

, par Damien Simonneau

Le Kosovo en crise avec l'Union européenne ?

La question du déploiement de la mission européenne EULEX à l’ensemble du Kosovo a déclenché une crise diplomatique entre Pristina et Bruxelles. Ce désaccord est l’occasion de dresser un état des lieux de la présence de l’UE au Kosovo.

La crise a débuté début novembre après que le Premier ministre du Kosovo H. Thaçi ait annoncé le rejet d’un accord conclu entre l’UE, l’ONU et la Serbie ouvrant la voie au déploiement sur tout le territoire kosovar de la mission européenne EULEX.

Jusqu’à présent, la mission s’était heurté à la résistance des Serbes. Néanmoins, les diplomates internationaux et la Serbie se sont entendus pour que la police, la justice et deux postes de douanes au Nord du Kosovo continuent de dépendre de la chaîne de commandement de l’ONU. Cela signifierait donc que le gouvernement kosovar n’exercerait pas sa pleine souveraineté sur l’ensemble du territoire.

Pour certains dirigeants radicaux comme le leader du mouvement Autodétermination, A. Kurti, le moment est idéal pour dénoncer l’impuissance du peuple kosovar qui se voit dicter ses choix par les Occidentaux et mettre à l’index un plan qui entérinerait, selon lui, la partition de facto du Kosovo entre le Nord serbe et le Sud à majorité albanaise. Autodétermination a d’ailleurs réunis des milliers de personnes dans les rues de Pristina le 19 novembre, à la fois opposés au gouvernement, à la classe politique du pays et au plan « de partage » de l’ONU.

Retour sur la présence européenne au Kosovo

Comme le démontre, la campagne de communication de grande envergure « Come to Europe ! » [1] orchestrée par l’UE dans toutes les villes elle fait également rêver ce qui n’est pas le cas de sa dernière composante à savoir la mission EULEX. L’action de l’UE n’est pas unifiée et se décline en trois composantes : le Bureau du Représentant spécial de l’UE, la Commission européenne et la mission EULEX.

La coordination de la présence européenne au Kosovo revient à un homme, Pieter Feith et son bureau : le Bureau du représentant spécial de l’UE. En fait, P. Feith possède une double casquette puisqu’il est aussi le coordonnateur de l’action civile internationale au Kosovo. En ce qui concerne sa casquette européenne, il détient son mandat du Conseil de l’UE du 4 février 2008. Le Conseil de l’UE est en effet convaincu de l’avenir européen du Kosovo et a décidé de nommer son représentant pour aider les autorités kosovares à mettre en place un Etat stable, viable, multiethnique et démocratique.

La Commission européenne est représentée par Renzo Daviddi. Elle s’occupe d’appliquer les outils du processus d’élargissement de l’UE comme le Processus d’association et de stabilisation. Cela passe par l’adéquation des normes kosovares aux normes européennes au niveau économique, institutionnel ou juridique. La Commission est également chargée de répartir les donations dans des projets d’investissement et de développement comme en témoigne l’organisation le 11 juillet dernier de la conférence des donateurs pour le Kosovo à Bruxelles.

Enfin, la mission EULEX, dont le chef est Yves de Kermabon a également obtenu son mandat d’action du Conseil de l’UE du 4 février 2008. Le but de la mission est de renforcer l’Etat de droit par une coopération avec les autorités kosovares dans des domaines clefs comme la police, la justice, les prisons et les douanes. On compte actuellement 674 employés internationaux (dont des Américains) et 314 employés locaux sur un total de 1900 personnels qui attendent d’être déployés. Il s’agit de la plus importante mission extérieure déployée par l’UE. Au début de son déploiement en juin, Y. de Kermabon n’a eu de cesse de répéter qu’il s’agissait d’une mission technique de conseil, de formation et d’assistance, et non d’une mission exécutive qui remplacerait la MINUK.

Risque de détérioration des relations entre UE et le gouvernement kosovar

La diplomatie européenne doit donc revoir sa copie pour s’attirer l’approbation des Kosovars en leur expliquant que la « différence » de déploiement de la mission ne signifie pas que l’UE touche à l’intégrité du territoire kosovar. Cependant, l’UE doit également contenir les revendications serbes qui refusent de revenir sur l’accord. C’est dans ce contexte qu’une explosion a soufflé les vitres du bâtiment du bureau du représentant spécial de l’UE le 14 novembre dernier à Pristina.

Illustration
 Prizren, Sud-Ouest du Kosovo. Photo prise par Laurent Nicolas, avril 2006. Sous licence CC by-nd

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Notes

[1Venez à l’Europe

Vos commentaires
  • Le 12 décembre 2008 à 14:56, par jeanmi En réponse à : Le Kosovo en crise avec l’Union européenne ?

    la serbie a été déjà suffisamment punie, bombardée par une coalition dirigée par les usa en 99, amputée d’une patie de son territoire, mise devant le fait accompli de la proclamation de l’indépendance d’une de ses provinces qu’aurions nous dit français si on avait détaché la corse ou les pays basque au motif que les peuples on le droit à l ’autodétermination. En outre, le kosovo ne peut être un état viable, corruption, mafias, banditisme, règnent en maître, économiquement il n’existe pas sans le bon vouloir de l’ue.

  • Le 12 décembre 2008 à 15:55, par Laurent Nicolas En réponse à : Le Kosovo en crise avec l’Union européenne ?

    Il ne s’agit plus de punir la Serbie, mais de punir les responsables des différents chefs d’accusation relatifs aux guerres balkaniques des années 90’s, et d’établir la vérité sur la responsabilité de l’Etat serbe. L’image de la Serbie dans le monde a en effet pris un sacré coup, mais ce sont deux choses différentes.

    La comparaison avec la Corse ou le pays Basque...c’est un classique ! Mais malheureusement ça ne tient pas. Il y a au Kosovo une écrasant majorité, celle de la communauté albanaise, au sein de laquelle l’homogénéité linguistique, religieuse et ethnique est un fait objectif et incontestable. Ces ciments ont été l’un des (nombreux) fondements des revendications d’indépendance, exacerbés par le nationalisme serbe. On ne retrouve pas de facteurs d’unité semblables, par leur nature ou leur intensité, en Corse, en Bretagne ou en Picardie !

    Le Kosovo n’est pas viable économiquement ? C’est sur, aujourd’hui la situation économique est assez désastreuse. Mais oui, l’Europe (et les Etats-Unis aussi d’ailleurs) met le Kosovo sous perfusion. Mais ne doit-on pas le faire ? Etait-ce mieux avant ?

    Corruption, mafias...oui. Mais là encore, à quoi sert cet argument ? Sert-il à dire que le Kosovo n’est pas viable en dehors de la Serbie, où de toute façon il ne veut pas exister ? Ou peut-on accepter l’aide de la communauté internationale, via Eulex entre autre, avec toutes les imperfections de cette aide, en espérant qu’elle permette un mieux ?

    Le sujet est d’autant plus compliqué que les missions de l’UE sont très critiquées, mais le Kosovo est indépendant, c’est un fait ; il a besoin de soutien extérieurs dans plusieurs domaines, et c’est en grande partie à l’UE d’en assurer la responsabilité.

  • Le 12 décembre 2008 à 17:39, par jeanmi En réponse à : Le Kosovo en crise avec l’Union européenne ?

    L’indépendance un fait, ce n’est pas aussi simple, le kosovo n’est pas prêt d’avoir son siège à l’onu, seuls une cinquantaine d’états dont certains des plus exotiques l’on reconnu. En outre, si les usa soutiennent le kosovo c’est uniquemement pour faire la nique aux russes et en échange d’une base militaire immense qui échappe à la souveraineté de cet auto proclamé état. L’europe n’a certainement pas besoin de l’émiettement ce qui par contre est un objectif permanent des états unis, cette création artificielle c’est un facteur de troubles dont l’europe n’avait pas besoin à fortiori il s’agit d’un état fantoche soutenu à bout de bras par le contribuable européen sans lequel cette farce n’aurait jamais eu lieu. Les kosovars sont d’abord albanais, ils n’ont qu’à rejoindre leur mère partrie et sa prospérité légendaire et laisser une terre qui est historiquement serbe.

  • Le 13 décembre 2008 à 12:03, par Laurent Nicolas En réponse à : Le Kosovo en crise avec l’Union européenne ?

    Les albanais ne veulent pas des kosovars et les kosovars ne veulent pas être rattachés à l’Albanie. La terre appartient elle à la Serbie ? Et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ? Alors oui, ça ne fait pas un Etat et la viabilité de l’Etat kosovar est véritablement artificiel, au jour d’aujourd’hui. Mais je repose la question : la région était-elle davantage viable avant l’indépendance ? Les droits de toutes les minorités, qui ne sont pas encore respectés partout idéalement au Kosovo, ces droits étaient-ils mieux garantis avant l’indépendance ?

  • Le 14 décembre 2008 à 11:41, par Ronan En réponse à : Le Kosovo en crise avec l’Union européenne ?

    Le seul problème dans votre raisonnement (et là où la comparaison ne tient franchement pas...) c’est que les populations de la Bretagne, de la Corse ou du Pays-basque ne demandent pas leur indépendance... (pas majoritairement, en tout cas... ; et loin s’en faut...).

    Alors qu’à ce jour l’immense majorité de la population du Kosovo ne veut absolument plus avoir aucun rapport d’autorité de quelque nature que ce soit ni avec la Serbie, ni avec Belgrade.

    On ne va quand même pas leut imposer l’obéissance à l’égard d’un pouvoir dont ils ne reconnaissent pas l’autorité (?!).

  • Le 14 décembre 2008 à 12:09, par Ronan En réponse à : Le Kosovo en crise avec l’Union européenne ?

    cette création artificielle c’est un facteur de troubles dont l’europe n’avait pas besoin...

    Bref, il vaut donc mieux admettre la perpétuation d’une injustice (à l’égard d’une population pourtant majoritaire) qu’accepter un « désordre »...

    à fortiori il s’agit d’un état fantoche soutenu à bout de bras par le contribuable européen sans lequel cette farce n’aurait jamais eu lieu.

    Votre respect à l’égard du véritable désir d’indépendance de ces populations (« état fantoche », « farce »...) est parfaitement transparent et (ne) vous honore (pas)...

    Rassurez-vous, on a parfaitement compris votre parti pris : visiblement, ce que vous souhaitez avant toute chose, ce n’est pas la « farce » du respect des droits de l’homme (dont est le « droit à l’autodétermination » des communautés humaines...), ce que vous semblez souhaiter c’est surtout l’écrasement des Albanais (pourtant majoritaires au Kosovo) par les Serbes (qui, majoritairement, n’en peuvent pourtant plus de ces interminables guerres nationalistes...).

    L’europe n’a certainement pas besoin de l’émiettement (...), cette création artificielle c’est un facteur de troubles dont l’europe n’avait pas besoin...

    Ce dont l’Europe - dans l’immédiat - n’a surtout pas besoin c’est d’un conflit armé (à base ethnique, à relents racistes et à surmoi religieux...) à ses portes. A ce moment là, il vaut donc mieux séparer les belligérants plutôt que de les laisser s’entretuer...

    Et c’est bien préférable aux « solutions » que vous proposez implicitement, soit (si on a bien suivi et bien compris votre raisonnement...) : maintenir indéfiniment la tutelle serbe sur une région pourtant politiquement rebelle et insoumise, encourager l’armée serbe à y poursuivre un ruineux combat anti-insurrectionnel permanent (avec violations de l’état de droit et des libertés fondamentales, tortures, déportations, inévitables pertes humaines ?) et encourager les kosovars albanophones à fuir en masse cette terre, pour eux devenue « enfer sur terre », où - tout de même - certains d’entre eux vivent là depuis au moins le XVIIe siècle...

    Alors, plutôt que de poursuivre ainsi la boucherie des années Milosevic, ne vaut-il pas mieux geler la situation ?!

    Les kosovars sont d’abord albanais, ils n’ont qu’à rejoindre leur mère patrie et sa prospérité légendaire et laisser une terre qui est historiquement serbe.

    La valise ou le cercueil, en somme...

    Au petit jeu de l’historicité des peuplements (qui pourrait nous ramèner en un temps - pas si lointain que ça - où les Illyriens-Albanais étaient alors - et déjà - le seul peuplement massif de cette région et où pas un seul slave-serbe n’y avait encore mis les pieds...) il n’existe qu’une seule réponse pratique possible : le droit à l’autodétermination de ceux qui y vivent, aujourd’hui et maintenant. Et le respect de la démocratie.

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