Kosovo

Le Kosovo divise l’Union européenne

, par Traduit par Benoît Courtin, Jacopo Barbati, Michele Gruberio

Toutes les versions de cet article : [français] [italiano]

Le Kosovo divise l'Union européenne

Claudio Magris, dans le Corriere della Sera, se méfiait lourdement des « nations violentes », en particulier de l’indépendance que le Kosovo se préparait à acquérir et qu’a solennellement proclamé dimanche 17 février à 15h30 avec la devise « Newborn » (nouvelle naissance).

Qu’est-ce qu’il se passe si « l’autodétermination des peuples » que la Charte de l’ONU proclame solennellement devient une excuse à des poussées sécessionnistes, séparatistes, vaillamment indépendantistes et régionalistes ?

Sur l’autodétermination des peuples et l’Union Européenne

Faisons attention, l’Europe n’est pas aussi unie qu’il semblerait et le désir d’autodétermination qui ne semblait pouvoir venir que du Kosovo, et qui s’est finalement concrétisé, arrive sans détour de presque tous les coins de l’Europe. Pays Basque, Catalogne, le cri à peine apaisé des Wallons et des Flamands, Transnistrie, Bavière, le Sud Tyrol italien et ça ne serait pas aussi étrange si recommençaient à se faire entendre les indépendantistes de l’IRA qui, tout en ayant mis fin à la lutte armée en juillet 2005, continuent à se faire entendre au niveau politique et pourraient recommencer la lutte d’un moment à l’autre. Et aussi pour l’Ecosse, le Pays de Galles, Ulster, il ne faut rien sous estimer.

… Pays basque, Catalogne, Wallons et Flamands, Transnistrie, Bavière…

Arrive l’annonce du Conseil de l’Union Européenne, qui tentait de rester uni en faveur de la renaissance kosovare, et qui aujourd’hui se divise, qui approuve un document dans lequel il laisse à chaque État le soin de se prononcer pour ou contre la naissance de l’État kosovar, rompant la très faible union. D’un côté l’Italie, la France et l’Allemagne parmi les grands favorables. De l’autre l’Espagne clairement contre (n’oublions pas la très délicate question interne de l’autonomie), avec la Russie (citons la Tchétchénie) et la Serbie, contre qui l’Union Européenne et l’OTAN combattaient dans une guerre gagnée à l’avance. Combats en faveur, non pas de celui qui succombait, mais de celui qui était déjà entrain de gagner, soient les indépendantistes kosovars de l’UCK, dont faisait partie Thaci, l’actuel Premier Ministre du nouvel État, le Kosovo. Rappelons qu’une résolution de l’ONU d’à peine un an avant l’attaque de la Serbie (1999), définissait l’UCK comme terroristes.

La rancune serbe envers l’UE n’est donc pas si incompréhensible. Nous étions habitués aux États-Unis qui ne respectent pas les résolutions de l’ONU, mais de la part de l’Union Européenne, un tel comportement était totalement inattendu.

Les États-Unis. Il est curieux de voir, parmi les divers étendards exhibés à Priština et aux alentours, des drapeaux faits de bandes et d’étoiles. Et encore plus curieux de voir comment George W. Bush parlait déjà de « gouvernement kosovar ». Tout cela pourrait apparemment sembler normal car les Kosovars ont toujours été américanophiles et Bush a toujours été favorable à des mouvements « libérationnistes » (spécialement là où il y a du pétrole, mais ceci est une autre histoire). Mais en fait non. C’est un arrière-plan à ne pas sous-évaluer.

Le « consentement » de Bush indispose la Russie... Retour de flamme (froide) ?

Avant, on parlait de la Russie. Une nation éparpillée – 17 millions de km² qui vont de Vladivostock à Kaliningrad – et une histoire également éparpillée, glorieuse et tragique, faite d’annexions et de dissolutions. Le souvenir de celles-ci, il y a environ 20 ans, est encore frais, et depuis que le Tsar Poutine siège, tous les autres mouvements indépendantistes ont été assis, avec des méthodes plus ou moins orthodoxes. Et donc, il parait évident que le Tsar demande l’annulation de cette déclaration unilatérale à l’ONU.

Et qui voudra les entendre ensuite les Tchétchènes, les Ossetes ou les Abkhazes (entre parenthèses, les représetants de l’Ossetie et de l’Abkhazie sont allés mardi à Moscou pour faire des déclarations officielles sur toute cette histoire) ? En outre, on sait que l’axe Belgrade-Moscou ne s’est jamais affaibli. Et quand on voit des Serbes protester, qui plus est à Paris, assaillant ambassades et sièges divers, avec les gouvernements serbes et russes qui tonnent, furieux, il y a de quoi être préoccupé.

A partir de ce moment là, le sobre « consentement » de Bush semble être un acte plus fait pour indisposer la Russie que pour soutenir de fait les Kosovars. Retour de flamme (froide) ?

Sur la reconnaissance

Clarifions la question de la reconnaissance. La reconnaissance de la part d’un État de la naissance d’un autre n’est pas fondamentale par son effectivité. La définition d’un territoire est simplement une question factuelle : souveraineté interne et indépendance vers l’étranger sont les caractéristiques factuelles que posent le droit international.

Depuis la mort de Tito, la question de Balkans est toujours plus précipitée et seul l’embryon d’une démocratie globale aujourd’hui existante a réussi à la contenir. Maintenant, le problème est autre. Qu’est-ce qui arrivera à un Kosovo qui n’a pas la reconnaissance des différents États et même pas celle d’une UE unie ? Le Kosovo est un État riche financièrement, mais reste un micro-État, et les limites physiques sont insurmontables. Il y a le risque qu’il devienne un carrefour d’activités criminelles, de blanchiment d’argent, de trafic de stupéfiants, traites des femmes et bien d’autres.

Sans une Union Européenne vraiment unie derrière lui, il faut se demander qui réussira à le faire entrer dans le giron de la légalité en le protégeant des dérives criminelles.

Dans un monde où l’interdépendance est aussi haute et le réseau de la mondialisation se ressert sans solution de continuité, l’autodétermination des peuples ainsi exercée me semble plus un caprice qu’une nécessité politique réelle. Mais quand les dés sont jetés et le résultat incertain on peut seulement chercher, sinon de gagner la partie, de ne pas subir les dommages irréparables d’une défaite désastreuse.

Le hasard est trop grand.

Illustration : photographie lors de la fête de l’indépendance du Kosovo, source : FlickR (dans le domaine public)

Vos commentaires
modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?

Pour afficher votre trombine avec votre message, enregistrez-la d’abord sur gravatar.com (gratuit et indolore) et n’oubliez pas d’indiquer votre adresse e-mail ici.

Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Suivre les commentaires : RSS 2.0 | Atom