Le grand oral d’Ursula von der Leyen au Parlement européen

, par Hervé Moritz, Peio Dugoua-Macé, Thomas Arnaldi

Le grand oral d'Ursula von der Leyen au Parlement européen
La candidate pour la présidence de la Commission européenne, Ursula von der Leyen doit convaincre les députés européens avant le scrutin qui se déroulera à 18h. Crédits © Union européenne 2019 - Photo : Mathieu CUGNOT, Parlement européen

La session plénière du Parlement européen s’est ouverte ce mardi 16 juillet 2019 avec le grand oral d’Ursula von der Leyen, candidate à la présidence de la Commission européenne, devant les députés européens. L’occasion pour elle de dérouler son agenda politique. Le vote est prévu dans la soirée.

Ce mardi 16 juillet au matin, Ursula von der Leyen revenait pour la seconde fois au Parlement européen à Strasbourg en l’espace de quinze jours. Le discours de candidate à la Présidence de la Commission européenne était attendu. Dernière chance de convaincre les députés avant le vote décisif. A cette heure, ses soutiens ne sont pas encore tous affichés et sa destinée à la tête de la Commission reste incertaine.

Se référant à la toute première Présidente du Parlement européen élue en 1979, Simone Veil, la candidate a commencé son discours en insistant sur “sa vision d’une Europe plus unie et plus juste.” “C’est grâce à elle [Simone Veil], et à toutes les autres icônes européennes” qu’elle a fièrement annoncé sous les applaudissements que 40 ans plus tard, “c’est finalement une femme qui est la candidate à la Présidence de la Commission européenne.“

L’ancienne ministre fédérale allemande de la Défense tout juste démise de ses fonctions après l’annonce de sa démission du gouvernement dans la soirée de lundi, a ensuite déroulé son programme à la tête de la Commission pour les cinq années à venir.

Ursula von der Leyen se met au vert

Dans son discours face aux députés européens, la candidate a choisi de mettre la lutte contre le réchauffement climatique au sommet de son agenda politique. Loin des grands principes, elle a su énumérer un certain nombre de propositions collectées dans les programmes des partis politiques européens dont elle convoite les voix.

“Je veux que l’Europe soit le premier continent neutre en carbone d’ici 2050”, a clamé la candidate sous les applaudissements. Un objectif que le Conseil européen n’est pas parvenu à fixer en raison du blocage de plusieurs Etats membres. Sa volonté est de “réduire les émissions de CO2 de 55% à l’horizon 2030 [par rapport à 1990]”. Parmi ses propositions, elle reprend l’idée d’une loi climatique européenne, soutenue par les Verts, fixant les objectifs climatiques de l’Union européenne. Un “Green Deal” qu’elle souhaite faire adopter dans les 100 premiers jours de la nouvelle Commission pour imprimer la marque de ce quinquennat. De plus, elle emprunte au groupe Renew Europe (ex-ADLE), la proposition d’un fonds européen pour le climat et la transition écologique (Banque sur le climat) géré par la Banque européenne d’investissement (BEI).

Malgré plusieurs propositions concrètes et un verdissement de son discours, elle n’a pas su convaincre le groupe des Verts/ALE qui votera contre sa candidature. L’absence de proposition sur la biodiversité et la réforme de la Politique agricole commune a braqué les écologistes. Le verdissement n’est pourtant pas vain, les socialistes et les centristes pourraient y trouver leur compte.

Engagement en faveur d’une Europe sociale

Ses propositions en matière d’Europe sociale avaient notamment pour objectif de séduire les sociaux-démocrates, particulièrement divisés sur l’idée de soutenir la candidature de la chrétienne-démocrate. Ursula von der Leyen le sait, elle ne peut pas être élue sans le soutien d’une grande partie du groupe S&D.

Dès lors, elle a prôné la mise en place d’un salaire minimum européen en adoptant une idée martelée par la liste Renaissance lors de la campagne pour les élections européennes. Elle s’est par ailleurs engagée à mettre en place un système de réassurance chômage européen afin de “soutenir nos économies et nos populations pour faire face aux chocs extérieurs.” Son engagement en faveur de l’Europe sociale se traduit également par des mesures sur la santé, les jeunes et l’éducation pour “donner vie au pilier de droits sociaux”. Dès lors, elle veillerait à une réelle mise en oeuvre de la garantie jeune dans les Etats-membres de l’Union européenne et s’est affichée en alliée du Parlement européen dans l’ambition de “tripler le budget Erasmus+ dans le prochain budget pluriannuel”.

Qualifiée de “néo-communiste” par Nigel Farage (Parti du Brexit, non-inscrit), de “prestation de type socialiste” par Jörg Meuthen (AfD, Identité et démocratie) à l’extrême droite, cette orientation clairement orientée à gauche a permis à Ursula von der Leyen de choisir sa majorité, l’extrême-droite en étant bannie.

Objectif parité

“Depuis 1958, il y a eu 183 commissaires européens mais seulement 35 femmes. Cela représente moins de 20% alors que nous représentons la moitié de la population. Nous voulons notre part équitable.” a déclaré Ursula von der Leyen. Dès lors, elle a affirmé qu’elle n’hésiterait pas à demander de nouveaux noms aux Etats-membres pour aboutir à une Commission européenne paritaire. De plus, elle s’est exprimée en faveur d’une signature par l’Union européenne de la convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique.

« Je veux assurer une parfaite égalité hommes-femmes au collège des Commissaires »

Son parcours personnel en témoigne, médecin, femme politique, chrétienne-démocrate, mère de 7 enfants et ministre sans discontinuer depuis près de 14 ans, Ursula von der Leyen élève l’égalité hommes femmes en priorité de son mandat à la Présidence de la Commission.

La réforme de l’Union européenne au programme ?

Outre ses propositions économiques, sociales et environnementales, Ursula von der Leyen a soigné les députés européens sur les valeurs de l’Union européenne auxquelles ils sont attachés. Rappelons que les Etats du groupe de Visegrad avait eu la tête de Frans Timmermans lors du Conseil Européen, sensiblement sur ce sujet. Et certains reprochaient à l’Allemande sa complaisance envers les Etats ne respectant pas ce principe fondamental.

A son agenda, elle ajoute donc un mécanisme additionnel s’appliquant à l’ensemble des Etats-membres qui devrait permettre de compléter la palette d’actions de l’Union européenne en matière de respect de l’Etat de droit. Une proposition qui reste floue.

De plus, la candidate au poste de Présidente de la Commission a pour ambition de réformer l’Union européenne et notamment en la démocratisant. Si elle concède que le principe des Spitzenkandidaten n’a pas abouti, elle souhaite l’améliorer en le rendant plus lisible et en l’accompagnant de listes transnationales. Des mots qui ont fait rire et sourire les députés de l’hémicycle. “Je souhaite que les citoyens européens jouent un rôle pro-actif pour l’avenir de l’Union.” a déclaré Ursula von der Leyen, invitant les citoyens à une conférence sur l’avenir de l’Europe en 2020 pour une durée de deux ans. Un impératif pour le groupe Renew Europe (RE). Enfin, elle s’est dit prête à donner l’initiative législative au Parlement européen, de quoi porter vers elle de nouveaux soutiens.

Enfin, Ursula von der Leyen “ne peut pas parler d’Europe sans parler de nos amis britanniques” et donc du Brexit. Si elle considère que l’accord conclu entre l’Union européenne et le Royaume-Uni est “le meilleur accord possible”, elle se dit aussi “prête à envisager un report de la date de sortie”. Une annonce qui n’est pas nouvelle, mais qui a enflammé les Brexiters de l’Assemblée, enjoué les Remainers.

La défense européenne mais pas sans l’OTAN

En matière de politique étrangère, plusieurs propositions ont été émises, notamment d’avoir “le courage de passer à la majorité qualifiée pour prendre des décisions en matière de politique étrangère”, provoquant l’ire de l’extrême-droite, les applaudissements nourris dans le reste de l’hémicycle. Une proposition qui la place clairement en indépendance vis-à-vis des chefs d’Etat et de gouvernement qui resteront frileux à une telle idée. Si “la pierre angulaire de notre défense collective sera toujours l’OTAN”, l’ancienne ministre de la défense allemande n’a pas omis d’inscrire à l’agenda des priorités l’Europe de la Défense, sans entrer dans les détails.

Une nouvelle réforme pour la politique d’asile

Concernant la politique d’asile et d’immigration, elle se dit déterminée pour un nouveau pacte sur les migrations et l’asile aboutissant à la réforme du règlement de Dublin, et à terme à un véritable système européen de l’asile. La contrepartie de cette réforme doit être le retour de la pleine application des accords de Schengen et le retour de la libre-circulation dans l’espace européen en améliorant la coopération en matière de sécurité intérieure et de protection des frontières. Dès lors, le corps européens de gardes-côtes et de gardes-frontières verra porter ses effectifs à 10 000 en 2024 et non 2027 comme initialement prévu par la Commission Juncker.

Vers une coalition conservateurs, libéraux, sociaux-démocrates ?

Au final, Ursula von der Leyen semble avoir choisi sa coalition. Excluant tout soutien de l’extrême-droite, elle a sensiblement choyé les conservateurs du PPE et les libéraux, tout en tentant au maximum de ramener les sociaux-démocrates avec elle. Pour les Verts, malgré un programme résolument écologiste, ces derniers le jugent insuffisant. Philippe Lamberts, co-président du groupe des Verts a déclaré que “les écologistes ne sont pas prêts à vous [Ursula von der Leyen] soutenir aujourd’hui. Si vous deviez être élue ce soir, soyez assurée que nous nous laisserions convaincre à chaque fois que les décisions seront à la hauteur de l’urgence sociale, écologique et démocratique.” La porte reste néanmoins ouverte à une opposition constructive.

Pour être élue présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen doit obtenir la majorité absolue des députés européens, soit 374 voix lors d’une vote à bulletin secret qui doit se tenir mardi 16 juillet à 18h. Si le Parti populaire européen (PPE) et le groupe des libérau de Renew Europe (RE) ont assuré leur plein soutien à la candidate, les voix des sociaux-démocrates (S&D) sont encore des plus incertaines. Il lui faudrait remporter les faveurs de la moitié du groupe S&D pour espérer une courte majorité. La Gauche unitaire européenne (GUE/NGL), les Verts et Alliance libre européenne (Verts/ALE) ont exclu de la soutenir, de même qu’Identité et démocratie (ID) à l’extrême droite. Quelques voies des conservateurs et réformistes (ECR) ne sont en revanche pas à exclure, tout comme parmi les non-inscrits, des représentants du Mouvement 5 étoiles italien ayant admis qu’ils pourraient voter en sa faveur.

Le vote pour la validation de la nomination d’Ursula von der Leyen à la présidence de la Commission européenne aura lieu à bulletin secret à 18h au sein de l’hémicycle de Strasbourg.

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