Angela Merkel dit oui à une « force d’intervention »
Le 3 juin dernier, la Chancelière allemande Angela Merkel, a officiellement soutenu la proposition de son homologue français, Emmanuel Macron, visant à composer une force militaire d’ampleur européenne. Ce nouveau contingent prendrait la forme d’une « force d’intervention », dont l’objectif serait d’agir sur des théâtres d’opérations extérieurs. Il intégrerait plusieurs armées européennes, les contraignant à travailler enfin ensemble. Malgré le Brexit, le Royaume-Uni serait de la partie — il ne s’agirait donc pas, à proprement parler, d’une force rattachée à l’UE. « Notre engagement dans la sécurité de ce continent est sans conditions » révélait ainsi une source diplomatique au quotidien Les Echos. Le choix n’est pas dénué de logique : face à un allié américain de plus en plus incertain et confronté à la perte d’influence certaine que représente le Brexit, le Royaume-Uni cherche à anticiper cette perte d’influence et à l’éviter un maximum.
Mais le geste le plus surprenant est incontestablement venu d’outre-Rhin, avec le choix de l’Allemagne de rejoindre la force en question. « Je suis en faveur de la proposition du président Macron pour une force d’intervention », a ainsi déclaré Angela Merkel au Frankfurter Allgemeine Sonntagszeitung. Tout en nuançant son propos : « Toutefois, une telle force d’intervention, avec une culture militaire stratégique commune, devra s’intégrer à la structure de coopération de défense », en poursuivant « La défense européenne est très importante. À partir de 180 systèmes d’armement qui coexistent actuellement en Europe, nous devons parvenir à une situation similaire à celle des États-Unis, où il y a seulement 30 systèmes d’armement ».
Dans un pays où la question militaire reste très sensible, Angela Merkel a tenu à rassurer en précisant que l’armée allemande au sein du contingent resterait sous le commandement du Bundestag (le Parlement allemand), et non du gouvernement. Elle a également ajouté qu’elle « ne participerait pas à toutes les missions ». « Cela fait beaucoup pour l’Allemagne qui fait là des pas (…) qui auraient été totalement impensables il y a bien peu de temps », explique le chroniqueur international de France Inter, Bernard Guetta. Selon le journaliste, ce mouvement est dû « à la fois à Donald Trump qui a choqué l’Allemagne en mettant à exécution sa menace de taxation des importations européennes et aux résultats, surtout, des élections italiennes, qui ont obligé la chancelière à entendre l’appel français à un sursaut européen ».
« La responsabilité de la Belgique est écrasante »
Le projet de défense européenne ne repose cependant pas sur les seules épaules de l’Allemagne et de la France. Contre toute attente, la Belgique aura également un rôle essentiel à jouer au cours des prochains mois. Le pays doit en effet procéder à la modernisation de son aviation de chasse et remplacer sa flotte d’antiques F-16 américains. Il lui faut désormais arbitrer entre plusieurs offres, dont les F-35 de l’Oncle Sam et les Rafales du Français Dassault.
Au-delà des considérations techniques, financières et en termes de retombées économiques durables, les avions que retiendra le gouvernement fédéral belge devront remplir les exigences opérationnelles de l’armée belge, tout en lui assurant les meilleures performances possibles.
Dans une tribune commune, l’économiste Bruno Alomar et le sénateur Cédric Perrin (LR) estiment que : « Par ce choix, la Belgique enverra un message clair sur ce qu’elle est, où elle se situe, et quel est le fil rouge de l’avenir qu’elle veut dessiner ». Autrement dit, Bruxelles va devoir choisir entre l’atlantisme et l’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique nord), d’une part, et la construction européenne, de l’autre. « Retenir une solution non européenne (…) ne pourrait être interprété autrement que comme une rétractation du projet européen, mettent en garde les auteurs. Il s’agirait d’un tournant majeur pour la Belgique, cœur battant des institutions européennes, et qui a toujours su jouer au sein de l’UE un rôle beaucoup plus important que son économie ou sa population ne l’auraient initialement suggéré ». Alors que l’Allemagne initie la relance de la défense européenne, « la responsabilité de la Belgique, il ne faut pas craindre de le dire, est écrasante. Le choix belge engagera tous les Européens, au moment où l’Europe de la défense, longtemps au point mort, bénéficie d’une conjonction des volontés inédite, et qu’un projet de système de combat aérien du futur (SCAF) est engagé ». « La Belgique s’apprête à engager par sa décision rien moins que l’avenir de l’aviation de combat européenne, colonne vertébrale sans laquelle aucune politique de défense européenne n’est possible », concluent les deux spécialistes.
La décision de remplacement de la flotte belge ne saurait donc être prise dans la précipitation. Pour la Belgique, évidemment, mais surtout pour la survie du projet européen, plus exsangue que jamais. La politique est affaire de symboles : ne pas choisir les Rafales enverrait un symbole désastreux aux citoyens et gouvernements européens, celui d’un pays fondateur de l’UE qui ne croirait plus dans les chances du continent de peser sur la marche du monde.
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