La situation est extrêmement étrange mais me elle convient plutôt bien. Depuis que j’ai découvert l’association des Jeunes Européens il y a deux ans, les élections européennes sont le thème principal d’une grande majorité de nos événements, et je me suis toujours sentie à l’écart, croyant que je ne pourrais pas aller voter et donc que je n’avais pas ma place dans les discussions. L’annonce du gouvernement britannique fin avril est une des seules qui m’a plu ces derniers temps ; oui, les Britanniques vont aller aux urnes. Enfin, certains d’entre eux ; certains s’abstiendront (le taux d’abstention sera probablement assez important) et certains enverront leur mère y aller à leur place (c’est bon, je lui fais confiance).
Au Royaume-Uni, on vote toujours le jeudi. Mais dans ces circonstances mystérieuses, le choix auquel les Remainers font face reste très difficile et un grand nombre d’entre eux ne sait toujours pas pour qui ils vont voter d’ici quelques heures. C’est notamment le cas pour ceux qui soutiennent généralement le Parti travailliste, associé à aux Sociaux-Démocrates au sein du Parlement européen. Cette association constitue donc encore un décalage avec le leadership actuel de „Labour“. Ses élus britanniques, majoritairement pro-européens ; ses membres, majoritairement pro-européens ; ses électeurs, majoritairement pro-européens ; ses eurodéputés, tous pro-européens ; son chef et ses alliés proches, eurosceptiques.
Si le parti Conservateur risque d’être brisé en deux par cette épineuse question européenne, le Labour est déjà en train de perdre toute sa crédibilité et une bonne partie de sa base électorale. Les jeunes qui, lors des élections générales de 2017, ont soutenu Jeremy Corbyn avec enthousiasme, qui se sont impliqués peut-être pour la première fois dans la politique, qui se sont identifiés à ses objectifs de réduction des inégalités sociales et de démocratisation de son parti, qui ont chanté son nom lors des festivals de musique, ne voteront peut-être jamais plus pour le grand parti de gauche. Où iront-ils ? Vers le centre, les verts ? Vers les extrêmes ? Ou tomberont-ils dans l’abstention ? Qu’est-ce qui se passe quand les deux grand partis politique n’ont quasiment plus aucun intérêt pour les électeurs ?
"Plus aucun thème ne semble pertinent comparé à cette obsession, cette bataille sans fin entre deux côtés plus divisés que jamais.“
Tout le monde se fiche des candidats et le débat est dépourvu de toute nuance. Pour les Remainers ainsi que pour les Leavers, ces élections représentent une opportunité d’envoyer un message fort aux partis principaux, et c’est le même qu’en 2016 ; Leave ou Remain. C’était également le cas pour les élections locales il y a quelques semaines, lors desquelles les Conservateurs ont perdu 45 conseils municipaux et le Parti travailliste a perdu plusieurs conseils stratégiques. Tout ça nous montre à quel point le système politique britannique est bloqué par le Brexit. Plus aucun thème ne semble pertinent comparé à cette obsession, cette bataille sans fin entre deux côtés plus divisés que jamais. Pour les Leavers, le choix est très clair ; et le Brexit Party de Nigel Farage mène dans tous les sondages. Peu importe qu’ils n’aient aucun programme, qu’ils soient soupçonnés d’avoir reçu des fonds illégaux et qu’ils refusent d’expliquer comment marcherait concrètement la sortie de l’Union européenne. Avec une marque frappante et simple, ils sont organisés, stratégiques, unis. La BBC, chaine publique qui auparavant plaçait la barre mondiale en terme d’impartialité, est devenue le salon de Nigel Farage, qui apparait disproportionnellement souvent sur les émissions sur l’actualité.
En revanche, en Angleterre, les votes des Remainers souhaitant rejeter le positionnement sur le Brexit du Labour et des Conservateurs seront partagés entre les Verts, les Démocrates Libéraux et Change UK (un nouveau parti politique créé par neuf anciens membres de Labour et des Conservateurs). Au Pays de Galles, en Ecosse et en Irlande du Nord, les partis nationaux (Plaid Cymru, le SNP et Sinn Féin) ont la meilleure chance de finir en tête. Il existe plusieurs sites web encourageant un vote tactique pour les partis qui ont le plus de chances de battre le Brexit Party selon la région. La semaine dernière j’ai interviewé Jean Lambert, eurodéputée des Verts depuis vingt ans, qui quant à elle encourage les Remainers à voter "avec votre coeur“.
Comment savoir quelle est la meilleure solution ? Toute région comprise, il y a une pléthore de partis pour laquelle nous pourrions voter dans le but d‘envoyer ce message très simple qui nous est tellement important ; rester dans l’Union européenne. De l’autre côté, un seul parti accueillera tous les suffrages en faveur d’un départ, même si le terme "Brexit“ reste aussi nébuleux qu’en 2016. Tout est à l’envers.
Je n’ai pas le droit de vous dire pour qui je vais voter aujourd’hui (enfin, pour qui ma mère va voter à ma place). Mais je me permets de révéler que j’ai réussi à convaincre ma grand-mère à ne pas voter pour le parti Conservateur. C’est la première fois dans sa vie. Elle a 93 ans.
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