La souveraineté sera européenne ou ne sera plus

, par Arnaud Bergero, Hélène Timoshkin

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La souveraineté sera européenne ou ne sera plus
CC Flickr / European External Action Service

Derrière le terme de souveraineté, omniprésent dans le débat public à chaque échéance électorale, se cache en réalité une aspiration des peuples européens à prendre leur avenir en main. Or, face à des défis globaux, la réponse à cette aspiration ne peut être qu’européenne.

Forgé au XVIe siècle par les traités de Westphalie, le concept de souveraineté nationale se fond mal dans la réalité du XXIe siècle. La mondialisation multiplie les interdépendances, rend les frontières perméables et remet en question l’idée même d’un Etat-nation. Les choix énergétiques du gouvernement chinois, le sauvetage d’une banque par la Fed ou la gestion de la crise migratoire en Europe produisent des effets à l’échelle mondiale.

Pour une souveraineté européenne

Au XXIe siècle, le monde est interconnecté et interdépendant. L’exercice de la souveraineté, définie comme la capacité effective à défendre ses intérêts, se confond avec le pouvoir d’influence d’un pays sur la scène internationale. Aucun Etat européen ne représente plus de 5% du PIB mondial. Mais réunis au sein de l’Union, ils deviennent ensemble la première économie de la planète (26%), devançant de peu les Etats-Unis (25%) et de loin la Chine (16%). L’Union donne à ses membres les moyens d’une souveraineté de fait face aux autres puissances. L’Union fait d’autant plus sens que, à l’échelle mondiale, ses membres ont plus de points communs que de différences.

Ne nous trompons pas de cible : la souveraineté n’est pas une fin en soi. Elle a pu l’être par le passé, où la politique servait d’abord et avant tout la gloire du monarque. Dans nos démocraties, le rôle d’un Gouvernement souverain est de servir les intérêts des peuples qui l’ont légitimé. Or, les peuples aspirent avant tout à la sécurité, à la prospérité, à la liberté. Face à des défis globaux, la souveraineté nationale totale est une fiction et la réponse à chacune de ces aspirations ne peut être qu’européenne.

Une Europe forte : plus de sécurité, de prospérité et de liberté

Sur le premier point, seule une Europe forte est en mesure d’assurer la sécurité de ses ressortissants. Premièrement, un constat : les peuples européens n’ont jamais connu une période de paix aussi durable. L’Union européenne a transformé les relations entre les Etats en les obligeant à régler les différends de manière pacifique au sein d’institutions communes. Deuxièmement, la territorialité des conflits n’est plus la même. Les nouvelles menaces comme le terrorisme ou le crime organisé sont mondiales et ce qui se passe en Asie ou au Moyen-Orient peut constituer une menace pour les pays européens et leurs ressortissants. La première ligne de défense ne se situe plus sur le territoire, mais à l’étranger, voire dans le cyberespace. La prévention des conflits et la sécurité des ressortissants européens nécessite une action concertée et des moyens importants que seule une mutualisation des ressources est en mesure de fournir.

De même, il ne peut y avoir de prospérité sans une Union forte. La gestion de la dernière crise financière l’a illustré : les 1 000 milliards d’euros débloqués par la BCE contrastent avec la maigreur des plans de relance nationaux (34 milliards en France sur la période 2008-2010). Par ailleurs, la compétitivité de nos entreprises dans la concurrence mondiale est directement dépendante du degré d’intégration économique des Etats européens. Lorsqu’une entreprise américaine ou chinoise lance un nouveau produit, un vaste marché national unifié s’ouvre à elle. Il n’en est pas toujours de même pour une entreprise européenne, dont les débouchés commerciaux sont réduits en l’absence d’intégration règlementaire et normative. Enfin, la question de la prospérité pose en creux celle d’un développement durable. De vastes investissements sont aujourd’hui nécessaires pour transformer nos modes de production et mettre nos entreprises et nos sociétés sur la voie d’une transition écologique. En-dehors de l’Union, aucun Etat européen n’en a seul les moyens.

Enfin, la défense de la liberté des individus est l’une des valeurs fondatrices d’une Union qui s’est construite contre la barbarie et l’arbitraire. Son histoire est en effet celle d’une réconciliation après plusieurs siècles de rivalités : guerres de religion, colonisation, deux guerres mondiales. L’Europe incarne les valeurs de liberté et de solidarité entre les peuples, aux yeux des Européens mais aussi aux yeux du reste du monde. Si on veut défendre ces valeurs dans le nouvel ordre mondial, alors il en va de notre responsabilité de parler d’une seule et forte voix.

Pour une Europe plus fédérale

Dans un monde complexe et multipolaire, les Etats européens doivent plus que jamais se rassembler autour d’une stratégie commune, au lieu d’enchaîner des mouvements tactiques en réaction à des crises comme le Brexit ou la gestion des flux de réfugiés. Car si « la stratégie sans tactique est la route la plus lente vers la victoire, la tactique sans stratégie est le fracas annonciateur de la défaite » [1]. Pour être effective, une stratégie européenne commune doit s’inscrire dans une Union plus intégrée.

Pour y parvenir, nous croyons à une démonstration par l’exemple. L’intégration doit être impulsée de manière volontaire par les Etats membres convaincus de la nécessité d’une Europe plus fédérale. Fort de sa réussite, ce « noyau dur » s’étendrait ensuite progressivement pour inclure les Etats membres plus hésitants. Soyons clair : l’intégration ne sera pas un processus tranquille. Elle nécessitera de faire des compromis au niveau individuel pour servir des objectifs communs. Comme la nation le fut au XIXe siècle, une Union européenne intégrée sera un plébiscite de tous les jours.

Notes

[1Sun Tzu

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