La Pologne vacille à droite

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La Pologne vacille à droite
Jarosław Kaczyński, le leader du parti Droit et Justice (PiS). - © Piotr Drabik

Le parti national-conservateur Droit et Justice (PiS) a remporté les élections législatives en Pologne avec la majorité absolue. Que signifie ce triomphe du parti de Jarosław Kaczyński pour l’intégration de la Pologne dans l’Union européenne ? Points de vue des rédactions.

Un virage à droite sans surprise

Marcel Wollscheid - Rédacteur en chef du magazine treffpunkteuropa.de

« La victoire du parti national-conservateur Droit et Justice (PiS) aux élections législatives en Pologne apparaît réellement comme sans surprise. En mai, son candidat Andrzej Duda a dominé les élections présidentielles ; en attendant, le Premier ministre chrétien démocrate Ewa Kopacz n’a jamais réussi à affûter son profil pendant son court passage à ce poste. Les réactions en Allemagne varient principalement de l’indignation à la diffamation : Zeit Online titre « La Pologne sur la voie d’Orbán », un journaliste d’ARD a qualifié les Polonais de « stupides ».

Au lieu de calomnier les électeurs polonais, il faudrait prendre conscience des différentes raisons qui les ont conduit à ce choix. Tout d’abord, la tête de liste du PiS, Beata Szydło, a touché un point sensible pendant sa campagne avec cette déclaration : « Les statistiques ne nous nourriront pas ». Même si la Pologne enregistre de forts taux de croissance ces dernières années, une grande partie de la population du pays est insatisfaite en raison des bas salaires et de la précarité de l’emploi. Par conséquent, beaucoup de jeunes, des Polonais qualifiés quittent le pays. L’opposition conservatrice de droite a été capable de mobiliser sur ce mécontentement. Deuxièmement, la majorité des Polonais rejette une politique d’immigration libérale face à la crise des réfugiés en Europe. L’administration Kopacz avait déjà lutté contre le système de répartition obligatoire des réfugiés dans l’Union européenne. Le nouveau gouvernement national-conservateur gardera cette position et renforcera considérablement sa posture dans la cacophonie de ce débat. Après tout, le flux de réfugiés vers l’Europe ne pose pas uniquement des questions identitaires pour beaucoup de pays d’Europe centrale et orientale, mais affecte également la préservation de leur jeune indépendance nationale.

Les remontrances et les diatribes de la part des voisins européens ne sont pas la bonne réponse à ce scrutin démocratique en Pologne. Un partenariat constructif est possible, même avec le parti de Kaczynski. Cependant, le système de rouages compliqué des politiques européennes fonctionnera seulement si les solutions communes profitent et respectent aujourd’hui tous les membres de la communauté. »

Blocage à l’Est

Hervé Moritz - Rédacteur en chef du magazine Le Taurillon

« Dimanche, les électeurs polonais ont offert une majorité gouvernementale au président Andrzej Duda. Le parti Droit et justice (PiS), conservateur et eurosceptique, a remporté 238 sièges sur 460 aux élections législatives en Pologne, avec 38% des voix.

La campagne s’est concentrée principalement sur l’accueil des réfugiés. Le parti du nouveau président (PiS) a capitalisé sur les peurs et les craintes des Polonais, les amplifiant à souhait sans se priver de critiquer la politique migratoire européenne inaugurée par la Commission et le Parlement européen, une politique responsable qui mesure l’ampleur de cette crise humanitaire. La Pologne devra pourtant être à la hauteur de ses responsabilités sur le dossier et un débat pragmatique et dépassionné aurait été préférable à des rhétoriques populistes et électoralistes, jouant sur les peurs.

De plus, l’élection de cette nouvelle majorité présidentielle marque un coup d’arrêt pour l’intégration européenne de la Pologne. Alors que le pays reste divisé sur l’adhésion à la monnaie unique, le débat restera à présent au point mort, car le nouveau gouvernement ne compte pas rejoindre l’Union économique et monétaire et fera en sorte de garder la Pologne à l’extérieur des critères d’adhésion.

La Pologne est aussi un partenaire stratégique, un rouage clé du moteur franco-allemand de l’Europe. Jamais le triangle de Weimar n’a eu autant d’importance pour faire avancer l’Union européenne. Alors que l’Union européenne pose sur la table plusieurs problématiques, telles qu’un embryon d’armée commune et une réelle stratégie diplomatique commune, notamment à la suite de la crise ukrainienne, la voix de la Pologne a un poids immense. Cette élection annonce la marginalisation de la Pologne, leader des Etats de l’Est de l’Union. Un coup dur pour le pays comme pour l’Union européenne, qui a besoin d’une Pologne volontaire et ambitieuse en Europe. »

Peu d’alternatives sur la table

Christopher Powers - Rédacteur pour le magazine The New Federalist

« En Pologne, personne ne semble être surpris du résultat des élections législatives. Depuis plusieurs semaines, les Polonais semblaient eux-mêmes résignés à une victoire du parti Droit et Justice (PiS) comme inévitable, et en pensant ainsi cela est devenu inévitable. En regardant la propagande pendant la campagne électorale, le résultat n’est pas une surprise. Les affiches du PiS dans le métro, sur les panneaux, etc., étaient partout et sont déjà ôtées. Le PO d’un autre côté semblait arriver après les festivités, avec quelques affiches en comparaison, apparues seulement dans les derniers jours avant le verdict. De mon point de vue, vivant à Varsovie, cela ressemblait à une résistance symbolique au résultat du scrutin à venir.

Dans les zones rurales également, la prédominance du PiS et des partis de droite est très claire. En visitant le monastère de Wigry, dans le nord-est de la Pologne, j’ai été impressionné moins par les chambres papales de Jean Paul II qui ont été préservées ici, et plus par la quantité extrême de média implorant les citoyens à voter pour le PiS dans la région, sans alternative en ligne de mire. Cependant, le résultat des élections révèle que le parti a cherché ses soutiens au-delà de ses fiefs conservateurs ruraux, et a su drainer le mécontentement de beaucoup de Polonais, où qu’ils vivent.

Les partis politiques polonais de toutes les couleurs et de toutes les obédiences vont être obligés de prendre en compte la frustration que les Polonais ont quand ils comparent leurs salaires avec ceux des travailleurs dans l’Allemagne voisine. La plupart des Européens qui ont visité la Suisse grimacent face aux produits horriblement chers, il faut imaginer que c’est le cas quand on visite un pays de l’Europe occidentale, et l’on a une idée du ressenti des Polonais. Ce qui est crucial pour ce qu’il reste de l’aile gauche polonaise (très minoritaire), c’est à présent d’assumer sa rupture avec le passé communiste, et d’offrir des mesures crédibles pour soulager les plus touchés. Nowoczesna, le représentant de l’ALDE depuis à peine un an, doit politiquement s’affirmer et travailler à la diffusion de ses propositions.

Courtement, le message envoyé dimanche aux partis politiques par ce scrutin doit être pris au sérieux et ils doivent travailler à la création et au maintien d’un débat politique plus fort et plus contrebalancé pour les cinq prochaines années et au-delà. »

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